Procès des attentats de janvier 2015 : sur la piste des armes de Coulibaly

par Aurélie SARROT Aurélie Sarrot
Publié le 30 septembre 2020 à 14h58, mis à jour le 1 octobre 2020 à 13h54
Procès des attentats de janvier 2015 : sur la piste des armes de Coulibaly
Source : AFP

Justice – Une enquêtrice de la sous-direction antiterroriste a été entendue ce mercredi matin sur le volet des armes lillois au procès des attentats de janvier 2015. Huit des armes retrouvées à l'Hyper Cacher et dans l'appartement conspiratif d'Amedy Coulibaly à Gentilly provenaient du Nord.

Sur la téléphonie, sur les voitures et maintenant sur les armes. Une nouvelle fois, l'expression "il y a des trous dans la raquette" a été prononcée à l'audience du procès des attentats de janvier 2015. Ce n'est pas un enquêteur qui l'a formulée cette fois-ci, mais l'avocate de l'accusé Mohamed Amine Fares, s'adressant à l'enquêtrice de la sous-direction antiterroriste entendue toute la matinée. 

Pendant près de 3 heures, le matricule 347371 a tenté d'expliquer comment huit armes - pistolets et fusil d'assaut - provenant du Nord de la France s'étaient retrouvées entre les mains d'Amedy Coulibaly.  Ces armes ont été retrouvées dans l'Hyper Cacher, et dans l'appartement conspiratif de Gentilly loué par le terroriste du 4 au 11 janvier 2015. Plusieurs des accusés sont soupçonnés d'avoir joué les intermédiaires avec un certain Claude Hermant pour les récupérer et les rapporter en France. Le nom de cet homme est déjà bien connu de la justice.... 

"Des armes remilitarisées en France"

Figure de l'extrême droite identitaire lilloise et ancien indicateur des douanes et des gendarmes, ce dernier a été condamné une première fois en 2017 pour trafic d'armes en bande organisée, dont certaines ont servi lors de l'attentat de l'Hyper Cacher, et à 8 ans de prison en appel en février 2019.  "Les 8 armes d'Amedy Coulibaly retrouvées à l'Hyper Cacher et à Gentilly proviennent d'un lot d'armes d'origine slovaque qui sont vendues à diverses personnes via Internet. Au départ, elles  sont démilitarisées et en vente libre en Slovaquie, mais pas en France. Claude Hermant les remilitarise avant de les revendre", a résumé le président, rappelant que ce dernier a été jugé et condamné pour ces faits. 

Depuis lundi, les enquêteurs qui se succèdent à la barre ont expliqué que deux des accusés, Saïd Maklhouf et Amar Ramdani, avaient fait six déplacements dans le Nord et que ces derniers n'étaient "pas habituels avec leurs démarches d'escroquerie de voitures".  Pour les policiers, c'est certain, ces déplacements, tracés grâce à la téléphonie, avaient pour but d'aller chercher les armes d'Amedy Coulibaly dans le Nord. 

Les accusés contestent et expliquent avoir fait ces déplacements pour soit aller à l'aéroport, soit remettre des vêtements à un détenu, soit voir des prostituées. "Ça fait un peu loin, a ironisé mardi l'avocat général. Des prostituées, il y en à Paris." Un autre accusé, Mohamed Amine Fares, est soupçonné d'avoir lui joué les intermédiaires avec le Nord. 

"Chaque attentat nous mobilisait tellement"

"Les armes retrouvées à Gentilly et à l'Hyper cacher vont permettre d'assassiner Mr Braham, Mr Hattab, Mr Cohen, Mr Saada, Melle Jean-Philippe (à l'Hyper Cacher le 9 janvier et à Montrouge le 8 janvier ndlr) et de blesser Mr Romain D. (joggeur blessé le 7 janvier au soir.) Quel que soit le rôle de chacun, quand on vend ces armes, on s'expose à ce qu'elles soient utilisées", insiste l'enquêtrice de la SDAT à la barre ce mercredi. Me Coutant-Peyre, qui défend Ali Riza Polat, n'hésite pas à rebondir sur ce propos : "On nous dit ici que le volet 'armes lillois', qui pour moi est au coeur de ce dossier, a été jugé séparément, avec des peines de quelques années de prison. Cela vous semble normal que cette procédure n'ait pas été jointe ?", demande-t-elle  à l'enquêtrice. "Maitre, je n'ai aucun avis là-dessus". 

Me Coutant-Peyre lui rappelle alors que les personnes impliquées dans la vente d'armes ont été identifiées en janvier 2015 mais qu'elles n'ont été entendues qu'en avril 2017. L'enquêtrice confirme que depuis le 16 janvier 2015, les services de police savent que les armes sont passées par la société de Claude Hermant. Pourquoi un tel délai, donc, pour l'interroger lui et son encourage ? "C'est très simple, entre 2015 et 2017, nous avons essuyé grand nombre d'attentats.Chaque attentat nous mobilisait tellement que les investigations avançaient au fil des disponibilités du service", justifie le matricule 347371 . L'avocat de Saïd Makhtouf s'étonne : "Sur un élément aussi déterminant, vous avez attendu deux ans par manque d'effectifs? "C'est l'actualité meurtrière qui a frappé la France pendant deux ans, ça n'est pas une question d'effectifs". "N'étiez-vous pas embarrassée par le fait que Mr Hermant était un indicateur des douanes et de la gendarmerie?, lance l'avocat. "Pas du tout", assure le témoin. 

"Des gens ont été arrêtés très rapidement"

“Il y a des gens qui ont été arrêtés très rapidement. Ils ne sont probablement pas les vrais responsables de ces tragédies”, regrette pour sa part Me Coutant-Peyre.  Quatorze personnes impliquées dans le volet lillois, dont Claude Hermant, doivent être entendues le 1er octobre (si le planning reste inchangé).

Me Safya Akkori, avocate de Mohamed Amine Fares, s'adresse alors à l'enquêtrice et lui demande si elle sait qui a fait citer ces témoins. La policière répond par la négative. "Eh bien, ça n'est pas le parquet général, c'est à la demande de la défense que 14 personnes du volet des armes lillois seront entendues ici", pointe la robe noire. Pour la défense, nombre d'entre elles auraient dû être, à ce procès,  sur le banc des accusés. 


Aurélie SARROT Aurélie Sarrot

Tout
TF1 Info