Procès des attentats de janvier 2015 à Paris : les souvenirs douloureux du maire du 11e

Publié le 1 septembre 2020 à 18h00, mis à jour le 2 septembre 2020 à 10h59

Source : JT 13h Semaine

TÉMOIGNAGE – François Vauglin, maire du 11e arrondissement de Paris, était élu depuis quelques mois quand 12 personnes ont été assassinées dans son quartier, où se trouvaient les locaux de Charlie Hebdo. Avant l'ouverture mercredi du procès des attentats djihadistes de janvier 2015, il revient sur ces terribles journées.

Il était environ 11h40, le 7 janvier 2015, quand il a été alerté. Ce jour-là, François Vauglin, maire PS du 11e arrondissement de Paris depuis le mois d'avril précédent, était à l'Hôtel de Ville. "J'étais dans la salle des fêtes aux vœux de la maire de Paris quand j'ai appris qu'il se passait quelque chose de grave. Un conseiller d'Anne Hidalgo est venu me voir en me disant qu'il y avait une alerte sur les réseaux sociaux, évoquant des coups de feu rue Nicolas Appert. Juste après, j'ai vu qu'il y avait de l'agitation du côté du préfet de police de Paris qui était lui aussi présent, et de la maire de Paris qui venait d'être alertée par son directeur de cabinet". 

Les vœux d'Anne Hidalgo, qui touchaient à leur fin, sont alors écourtés. François Vauglin file rue Nicolas Appert. Dans la voiture, on l'informe par téléphone qu'il y a eu "une fusillade, un attentat, des morts". "Quand je suis arrivé, il y avait des pompiers et des policiers partout, des gens en pleurs. François Hollande (alors président de la République), Anne Hidalgo, Bernard Cazeneuve, (alors ministre de l'Intérieur), François Molins (alors procureur de la République) sont tous arrivés. Un périmètre de sécurité avait été mis en place. Dans le petit théâtre de la Bastille, en face, les familles des victimes, tout juste alertées, étaient rassemblées. Je me souviens de Patrick Pelloux sortant de l'immeuble… Cette scène était hors norme, comme l'ambiance, impossible à décrire". 

"Une petite fille avait disparu"

Très vite, l'élu pense aux voisins de l'immeuble, et aux équipements de la ville à proximité des lieux du drame. "Une école, une crèche et une résidence pour personnes âgées se trouvent juste à côté des locaux de Charlie Hebdo. Nous sommes allés voir si ces personnes allaient bien. Là, la direction de l'école nous a informés qu'une élève de primaire avait quitté l'établissement à 11h30 et que personne ne savait où elle se trouvait. Les auteurs des coups de feu étant en fuite, nous avons imaginé le pire. J'étais bouleversé, il fallait la retrouver. Deux heures après, nous avons été informés qu'elle était partie chez une copine, sans le dire à personne. C'était un soulagement au cœur de cette tragédie"

François Vauglin n'ira pas dans les locaux de Charlie Hebdo le jour-même. "J'ai voulu y pénétrer quelques jours après, pour réaliser, comprendre. J'avais besoin de ça pour remettre mon quartier à flot", dit-il. Jusqu'au 9 janvier, date de neutralisation des frères Kouachi, l'élu ne sera pas tranquille, comme tout le monde. "Tous les scénarios ont été envisagés, même l'hypothèse qu'ils reviennent". 

Les riverains plus que jamais soudés

Puis l'édile se démènera pour ses habitants. "Il y a eu la grande marche du 11 janvier, initiative de la population qui a rassemblé des milliers de personnes. J'ai voulu de mon côté faire une réunion la semaine suivante, pour les habitants et les commerçants, en présence des secours notamment. S'ils n'étaient pas des victimes directes des attentats, ils avaient besoin de soutien, et pas seulement psychologique". 

Beaucoup ont voulu voir le sourire sur les lèvres des gens dans un quartier meurtri par des attaques inédites. "Il y a eu de la solidarité, des idées. Les voisins de la rue Nicolas Appert ont appris à se connaître, ils ont fleuri les rues, décoré les murs, multiplié les hommages aux victimes, peint les plots en couleur, ça faisait du bien à tout le monde. Au fil des jours, nous nous sommes relevés"

Quelques mois plus tard, tout s'est à nouveau effondré

Les plaies n'étaient pas encore refermées pour les habitants qu'une nouvelle tragédie est venue s'abattre sur le quartier. "Je dînais devant une série pour me détendre, ce vendredi 13 novembre. Quand un de mes conseillers domicilié rue de Charonne a évoqué la situation terrible qui se tenait sous ses fenêtres. Le commissaire d'arrondissement m'a dit de ne surtout pas me rendre sur place, que le secteur n'était pas sécurisé, que ça n'était pas fini. Je l'ai rejoint au commissariat. Et là, nous avons compté les morts. Je vois encore ce tableau sur le mur, avec des colonnes : d'un côté les lieux, de l'autre 'UA' (urgence absolue ndlr), 'UR' (urgence relative), 'Décédés'. Sous mes yeux, ce nombre n'a cessé d'augmenter, je ne pouvais pas y croire. C'était comme un cauchemar sans fin"

L'élu s'est posé beaucoup de questions après ces tragiques attentats. "Je me suis demandé si à la mairie, nous avions raté ou mal fait quelque chose, mais ça n'est pas le cas je crois", estime François Vauglin. Charlie Hebdo et le Bataclan avaient déjà fait l'objet de menaces dans le passé, mais les lieux étaient sécurisés. 

Depuis les attaques, les locaux de Charlie Hebdo, gérés par la RIVP (Régie immobilière de la Ville de Paris), sont de nouveau occupés. "Il a fallu du temps pour que des personnes se réinstallent dans ce lieu marqué à jamais par cette tragédie, mais il fallait que la vie revienne sur ce site", rappelle l'élu. Le Bataclan a lui aussi rouvert, et est resté une salle de spectacle. "Contrairement aux locaux de Charlie, j'ai attendu la rénovation du Bataclan pour y retourner. J'ai vu le site avant sa réouverture au public. Puis j'ai assisté au concert donné par Sting, ça n'a pas été facile du tout. Mais je devais le faire", conclut le maire.


Aurélie SARROT

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