Procès des attentats de janvier 2015 : amnésie, mensonges et "pression" à la barre

Publié le 15 octobre 2020 à 23h59, mis à jour le 16 octobre 2020 à 12h51
Procès des attentats de janvier 2015 : amnésie, mensonges et "pression" à la barre

JUSTICE – L'ex-belle-sœur de Mohamed Fares et la sœur de cette dernière, mariée religieusement à l'accusé avant de s'en séparer, ont témoigné ce jeudi à la barre. Des auditions laborieuses et sans résultat.

"Je ne sais pas", "je ne sais plus", "j'ai pas dit ça"... Ces réponses sont, depuis quelques jours, des leitmotivs dans la bouche de certains témoins appelés à la barre. Ce jeudi, Amel B. et sa sœur Chahinaze B. n'ont pas fait exception à ce qui pourrait presque apparaître comme une nouvelle règle. 

La première est l'ex-belle-sœur de l'accusé Mohamed Fares qui encourt 20 ans de prison pour notamment pour "participation à une association de malfaiteurs terroriste criminelle". La seconde est son ancienne compagne, avec qui il a été marié religieusement. Toutes deux appelées à témoigner, elles avaient, dans un premier temps, refusé de se présenter et la cour a dû délivrer un mandat pour les faire venir tout à tour ce jeudi au procès des attentats de janvier 2015.  

"Charlie Hebdo, je savais pas c'était quoi"

"Tout d'abord on est content que vous soyez venue, un petit peu par la force", commence par relever le président, Régis de Jorna, président de la cour d'assises spéciale. "Votre témoignage est important." Une entrée en matière à laquelle Amel B., première à témoigner, vêtue de noir et foulard beige sur la tête, lui répond  : "J'ai rien à dire, je suis venue parce qu'on m'a dit de venir." Peu coopérative, la femme intéresse cependant grandement la cour. Son ADN a en effet été retrouvé sur une arme de Coulibaly, un pistolet Tokarev TT33. 

"On vous a dit que si votre ADN a été retrouvé sur cette arme, c'est parce que vous l'aviez touché", rappelle le président au témoin. "Non", rétorque-t-elle d'office. "C'est pas ce qu'on m'a dit, on m'a dit que ça pouvait être des postillons..." "Comment votre ADN s'est retrouvé sur cette arme?", tente alors le président. "Je sais pas", embraye Amel B..  

Aux enquêteurs qui l'ont interrogé le 4 juillet 2017, Amel B. avait déclaré ne pas savoir qui était Amedy Coulibaly. "Oui c'est vrai, la télé ne me préoccupait pas", justifie-t-elle aujourd'hui. De quoi provoquer l'étonnement du magistrat : "Et Charlie Hebdo, ça vous disait quelque chose ?" Et la témoin de répondre : "J'en avais entendu parler mais je savais pas c'était quoi."

"Ils vont me démonter à sang"

Après avoir nié en garde à vue avoir touché l'arme de Coulibaly, Amel B. a finalement reconnu avoir touché le chargeur, expliquant que c'est son petit frère, Souliman B., qui avait ramené le Tokarev TT33 à la maison. "Quand les enquêteurs vous demandent pourquoi vous avez menti, vous répondez: 'Parce qu'il vont me tuer si je parle'. C'est qui on?", questionne le président. "Je sais plus", répète-t-elle. 

Régis de Jorna enchaîne : "À la fin de votre audition, les enquêteurs vous demandent si vous avez quelque chose à ajouter et vous dites :'Je ne veux pas qu'on sache que j'ai dit ça. J'ai peur pour moi. Ils vont me démonter à sang'. Qui vous craignez quand vous dites ça ?" Une nouvelle question à laquelle la témoin se contente de dire : "Personne. Je crains mon créateur mais pas famille".

"C'est à cause de ce bâtard"

Sa sœur, Chahinaze B., n'apportera pas plus d'éléments. Pourtant, en garde à vue, la jeune femme, avait chargé son ancien compagnon et père de sa fille. 

Arrivée non voilée à la barre elle témoigne d'abord "son soutien aux victimes et à leur famille" puis précise qu'au moment des attentats, elle avait "posté Je suis Charlie" sur son profil Facebook.  De sa garde à vue, elle ne garde "que des mauvais souvenirs". "Je suis une femme, je suis pas un homme, j'ai rien à faire dans une garde à vue comme ça", estime Chahinaze B.. Le premier assesseur lui rappelle qu'elle a dit à l'époque : "Je comprends pas ? C'est à cause de ce bâtard", mot choisi pour désigner Mohamed Fares.

"Vous le mettez en cause pour vous venger?"

A l'audience, le témoin conteste avoir dit tout cela. Puis évoque finalement "la pression psychologique" de la garde à vue mais aussi une "vengeance" par rapport à son ancien compagnon qui la frappait et qui était infidèle. Perplexe, le président lui dit: "Vous mettez en cause Mohamed Fares dans une faire très très grave de terrorisme pour vous venger ?" Chahinaze B., qui pleure à plusieurs reprises quand sont évoqués les coups portés (mais qui n'a jamais porté plainte), acquiesce.

L'accusation ne semple pas dupe. Pour elle, les deux sœurs cachent bien des choses. Leur frère, Souliman B., doit lui aussi avoir ses secrets. Cité comme témoin; il était introuvable ce jour. La cour le croyait en fuite en Espagne, l'avocat général a indiqué avoir eu l'information que ce dernier avait été interpellé en Belgique avant que cela soit infirmé. Chahinaze B. précisera que ce dernier, est en France, au domicile des parents, mais qu'il n'a tout simplement pas eu de convocation pour venir…Reste maintenant à savoir s'il viendra à la barre .


Aurélie SARROT

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