Procès des attentats de janvier 2015: "Je me suis déradicalisé avec l'affaire Merah", assure Farid Benyettou

Publié le 3 octobre 2020 à 23h41
Procès des attentats de janvier 2015: "Je me suis déradicalisé avec l'affaire Merah", assure Farid Benyettou

Justice – Considéré comme l'ex-mentor des frères Kouachi, Farid Benyettou a témoigné ce samedi à l'audience. Il a indiqué avoir une "responsabilité morale" dans les attentats, mais assure ne plus être dans l'islam radical.

Il était très attendu ce samedi. Farid Benyettou, ancien mentor des frères Saïd et Chérif Kouachi, est arrivé vers 15h30 au tribunal judiciaire de Paris. Costume gris, pull bleu ciel, chemise claire, l'homme aujourd'hui âgé de 39 ans a témoigné pendant près de deux heures devant la cour. 

"Mes premiers mots sont pour les victimes, leurs proches, je voudrais présenter mes excuses. J'aimerais revenir en arrière, réparer les chose, je suis désolé", déclare-t-il à la barre. Ancien "émir" autoproclamé, Farid Benyettou avait eu parmi ses adeptes en 2003 et 2004 les frères Kouachi. Il était le recruteur de la "filière des Buttes-Chaumont", démantelée en 2005, qui visait à envoyer des jihadistes en Irak dans les rangs d'Al-Qaïda. 

Le 8 janvier 2015, au lendemain de l'attaque de Charlie Hebdo, il s'est présenté de lui-même à la DGSI. "Quand j'ai vu la vidéo, j'ai reconnu la voix de la personne qui a crié 'On a vengé le prophète'." Alors en formation d'infirmier, Il s'était dit prêt à aider les enquêteurs, qui l'avaient interrogé avant de le remettre en liberté. 

Il connaissait les trois terroristes

Farid Benyettou connaissait plus Chérif que Said Kouachi. "Said, je l'ai croisé quelques fois Said, je n'ai jamais vraiment discuté avec lui. Il était contre moi, il m'accusait d'avoir radicalisé son frère (...) Amédy Coulibaly je l'ai rencontré vers 2010. C'était les anciennes connaissances de Chérif. À part avoir échangé des salutations avec lui, je n'ai pas eu l'occasion de discuter."

À l'époque de ces rencontres, au cours des années 2000, Farid Benyettou admet qu'il était "radicalisé". Il explique que tout a changé avec son séjour en prison - il a été condamné à six ans d'emprisonnement dans le dossier de la filière des Buttes-Chaumont - où il a rencontré "des Corses, des Basques, des personnes condamnées pour des faits de droit commun", puis avec l'affaire Merah. "Je ne voulais plus entendre parler de ça, je voulais me consacrer à mes études", insiste-t-il. 

"Vous aviez comme élèves des noms connus de l'islam radical et terroriste : les frères Said et Chérif Kouachi, Peter Cherif. Vos élèves sont restés dans la mouvance avec des actions criminelles et terroristes", remarque le président, ne comprenant pas comment il avait pu ensuite couper les ponts avec tout le monde. Farid Benyettou rétorque alors que "Chérif se présentait spontanément à sa porte, qu'il venait prendre des nouvelles. Je n'ai jamais eu le courage de couper complètement, je faisais semblant". La dernière fois qu'il a vu Chérif Kouachi, assure-t-il, c'était à l'automne 2014. 

Défendre le droit à la caricature

Interrogé par le président sur la "haine du juif" de Chérif Kouachi, Farid Benyettou précise qu'en 2004, ce dernier était  venu le voir "car il voulait aller en Irak et casser des commerces de juifs avant de partir". Au sujet des caricatures de Mahomet, il déclare que Chérif Kouachi ne lui en avait "pas parlé"

"En 2017 chez Ardisson, vous aviez un badge 'Je suis Charlie'. Quel était le sens de ce geste ?" le questionne Me Richard Malka, avocat du journal satirique. "Pour moi la caricature est une forme d'expression. On a le droit d'être musulman et d'aimer le prophète, de ne pas êtes musulman et de ne pas aimer le prophète. J'ai grandi avec les Guignols de l'info. La caricature est un droit, une manière d'exprimer ses expressions, il faut le défendre", répond-il.

"Si vous n'aviez pas rencontré Chérif Kouachi, selon vous les attentats de Charlie Hebdo, de l'Hyper Cacher et de Montrouge auraient-ils eu lieu, puisque c'est vous qui avez injecté le venin", pointe Me Metkzer, avocat de la partie civile. "Chérif Kouachi s'est tourné vers d'autres qui lui disaient ce qu'il voulait entendre", indique le trentenaire, désormais chauffeur routier, "par dépit". 

Estime-t-il avoir une responsabilité morale dans ce qu'il s'est passé en janvier 2015 ? Oui. "J'étais concerné forcément car j'ai encouragé Chérif Kouachi dans son parcours de jihadiste, j'ai cautionné son départ pour l'Irak en 2004. Je suis forcément lié à son parcours, même si je n'ai pas participé à ce qu'il a fait par la suite." 

Son témoignage, pas plus que son livre paru en 2017 (Mon djihad : itinéraire d'un repenti), ne semblent avoir convaincu la partie civile qui, pour l'essentiel, voit plus en lui un adepte de la taqiya (dissimulation) qu'un repenti.


Aurélie SARROT

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