JUSTICE - Débuté le lundi 26 octobre au matin, l'interrogatoire d'Ali Riza Polat se poursuit ce mardi. L'accusé, qui encourt la réclusion criminelle à perpétuité et qui veut se défendre, n'a encore une fois pas cessé de parler.
"Ok ok ok", "Attendez", "S'il vous plait", "Bon on a compris". Ce mardi matin, Régis de Jorna, président de la cour d'assises spéciale s'est révélé bien en peine de contenir le flux de paroles d'Ali Riza Polat.
L'interrogatoire de ce Franco-Turc, qui encourt la réclusion criminelle à perpétuité pour complicité des crimes commis par les terroristes, avait débuté lundi 26 octobre et se poursuit ce mardi. Déjà intarissable la veille, Ali Riza Polat n'a pas perdu une once de son énergie pour se défendre, qu'importe sa fâcheuse tendance à partir dans tous les sens et à opter pour un "langage fleuri".
"On va reprendre depuis le début"
Encore une fois, l'accusé reconnait qu'Amedy était son ami, qu'ils magouillaient mais qu'il ignorait tout de ses projets. "La stup", comme il l'appelle, oui, il en a fait jusqu'en 2012 avant de se lancer dans diverses escroqueries aux crédits, aux voitures ou à l'immobilier. Son avenir après la détention est d'ailleurs tout tracé: "Quand je sors, je reprends la Stup et les escroqueries . J'ai besoin d'argent. Je ne vais pas aller travailler pour 1200 € par mois. Il y a la prison à la clé, mais c'est pas grave, faut calculer le bénéfice" .
"Votre rôle est important. 478 échanges avec Amedy Coulibaly entre le 22 novembre 2014 et le 7 janvier 2015. Vous apparaissez comme le bras droit de Coulibaly", pointe le président s'appuyant sur la téléphonie. "Vous dites que je suis son bras droit. Mais ce garçon il est grand. Il a pas besoin de moi !" rétorque l'accusé. A entendre Polat, ses liens financiers avec Coulibaly ne se baseraient que sur une dette de 15 000 euros qu'il avait envers le terroriste depuis plusieurs années et pour la vente de la Mini Cooper d'Hayat Boumeddiene en Belgique. C'est presque tout. Pour le reste, non, assure le délinquant. Les armes, il n'en a jamais achetées ou transportées pour les terroristes. Les frères Kouachi et Belhoucine, il ne les a jamais vus et n'a jamais eu de contacts avec eux.
Pour prouver son innocence, l'accusé aime à relever dans le dossier ce qu'il perçoit comme des "des incohérences". Il répète ainsi qu'"il y a un problème dans l'énoncé", "y'a des problèmes dans le calcul" quand il veut par exemple démontrer que tant de personnes n'ont pu déplacer tant de véhicules - dont la moto Suzuki et la Scénic de Coulibaly - à telle date. Des incohérences, il en voit aussi dans la téléphonie. Il évoque des bornages qui ne correspondent pas à l'endroit où il était, et pour tout démontrer, il précise : "On va reprendre depuis le début". La formule lasse. "Oh non", soupirera-t-on à plusieurs reprises sur le banc des parties civiles.
"Gros porc" versus "Grosse merde"
Pour le Franco-Turc, s'il est dans le box aujourd'hui, c'est parce que plusieurs témoins ont menti. "C'est facile de dire c'est Polat, c'est Polat, c'est Polat ! Moi y a jamais eu d’armes ! Ces gens-là, quand ils m’accusent, il y a plusieurs versions", assure-t-il en regardant plusieurs des accusés en face de lui.
Il en veut notamment à certains d'entre eux dont WIlly Prevost, qui l'a confondu en garde à vue. L'ambiance entre les deux hommes qui sont chacun dans un box mais l'un en face de l'autre est d'ailleurs très tendue. Quand Willy Prévost traite Polat de "Gros porc" au cours de l'audience, l'autre lui renvoie en hurlant : "Qu'est ce que t'as grosse merde ?" Et d'ajouter: "La vérité elle va sortir, je t'ai dit que je vais te balancer". En parlant de Metin Karasular, dans le même box que WIlly Prevost, Polat clame haut et fort : "Il ment, je l’ai payé ce clochard, ce chien, ce sac à merde". Le président lui demande plusieurs fois de respecter les co-accusés.
Polat reprend ses explications alambiquées, avec des courbes sinusoïdales dans la voix. Il parle très fort par moment. "Putain", souffle-t-on du côté des parties civiles qui sont à bout. "S'il vous plait !" demande le président. "On peut séquencer, on a tous mal au crâne là", implore Me Cechman. "Oui ben vous avez mal au crâne, moi aussi, on fait comme on peut", répond le président, lui aussi excédé.
L'interrogatoire d'Ali Riza Polat se poursuit cet après-midi.