Procès des attentats de janvier 2015 : "Ses lèvres bougeaient, mais aucun son ne sortait"

Publié le 14 septembre 2020 à 13h55, mis à jour le 14 septembre 2020 à 14h07
Procès des attentats de janvier 2015 : "Ses lèvres bougeaient, mais aucun son ne sortait"
Source : Eric FEFERBERG / AFP

AUDIENCE – Au 9e jour du procès des attentats de janvier 2015, la matinée était consacrée à l'assassinat du policier Ahmed Merabet, abattu par Chérif Kouachi sur le boulevard Richard-Lenoir quelques minutes après la tuerie dans les locaux à Charlie Hebdo. Ses proches et ses collègues, dont Vincent B., qui se trouvait à ses côtés quand il est mort, sont venus témoigner ce lundi à l'audience.

"On passait une excellente matinée, c'était le dernier jour d'Ahmed sur le terrain. Il venait de réussir le concours d'officier de police judiciaire", se souvient Vincent B., 28 ans, t-shirt noir et cheveux blonds, à la barre ce lundi. Ce 7 janvier 2015, le fonctionnaire qui n'a alors que 22 ans se trouve à l'arrière de la voiture de police conduite par Ahmed Merabet et dans laquelle se trouve également Cécile V., chef de bord.

L'équipage reçoit alors un appel radio, signalant des "bruits de pétards" au niveau boulevard Richard-Lenoir ."C'est en entendant le message de la BAC qu'on a mis le gyro deux-tons. On ne pouvait pas circuler, on voyait des gens sortir de leur véhicule en courant. (…)  Moi je ne savais pas qu'il y avait les locaux de Charlie Hebdo", détaille le jeune fonctionnaire. 

"Je lui mettais des claques pour qu'il reste avec moi"

Arrivé sur le boulevard Richard-Lenoir, l'équipage entend des tirs et se "met à couvert au niveau d'un buisson". Puis Ahmed Merabet se lève, traverse le terre-plein en direction du bruit. "Moi j'ai pas bougé, je ne me sentais pas couvert. J'ai regardé les collègues de la BAC, j'essayais de leur faire signe. Mais personne ne nous voyait", explique le témoin, qui ne parvient à retenir ses larmes. Vincent B. apprend ensuite que les tireurs prennent la direction de République. Lui file vers son véhicule enfiler un gilet quand le gérant d'un bar lui annonce :" Vous avez un collègue à terre". 

Vincent B. se rend vers le policier au sol. "J'ai vu Ahmed dans une mare de sang. J'ai pris son arme, je l'ai rangée. J'ai dit :'Est-ce que tu m'entends?' Ses lèvres bougeaient mais aucun son ne sortait. Je restais avec lui, je lui mettais des claques au niveau des joues pour qu'il reste avec moi. Je voulais qu'il reste confiant. Je n'attendais qu'une chose, les pompiers." 

Malgré l'intervention des secours, et après 40 minutes de massage cardiaque, Ahmed Merabet, 40 ans, ne survivra pas. 

Vincent B., comme les autres collègues d'Ahmed Merabet, a eu beaucoup de mal à reprendre ses fonctions après. "J'avais des flashs d'Ahmed dans la tête", confie-t-il. 

"Qu'on le laisse reposer en paix!"

Les sœurs et la compagne d'Ahmed Merabet, venues également témoigner ce jour à l'audience dans le cadre du procès des attentats de janvier 2015, n'ont, elles, jamais réussi à se remettre de ce drame. "Cette tragédie a brisé notre famille. Nous avons une plaie ouverte qui ne se refermera jamais", insiste Nabiha Merabet, l'aînée. 

Puis elle ajoute, écoeurée: "J'en veux énormément à cette personne qui a diffusé cette vidéo (celle de l'assassinat de son frère, publiée sur Facebook avant d'être retirée). Comment peut-on diffuser une vidéo d'horreur comme ça? J'en veux aussi aux chaînes de télé qui l'ont diffusée et qui continue de le faire. (Le témoin est en larmes). On essaie de faire le deuil, d'avancer. Et tous les ans à la même période, c'est la même chose. On revoit cette vidéo. On entend sa voix. Qu'on le laisse reposer en paix!"

Chaque année en effet, à l'approche du 7 janvier ou à la date du triste anniversaire, les images de cet assassinat sont diffusées. "Comment enlever de notre tête cette vidéo? Le monde entier s'en souvient comme d'un homme à terre. Moi je m'y refuse", insiste Morgane, la compagne d'Ahmed Merabet, elle aussi très éprouvée. 


Aurélie SARROT

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