"Vous allez juger un homme sans en voir le visage" : le port du masque perturbe le procès des attentats de janvier 2015

Publié le 2 septembre 2020 à 17h51, mis à jour le 3 septembre 2020 à 10h32

Source : TF1 Info

JUSTICE – Le procès des attentats de janvier 2015 commis dans les locaux de Charlie Hebdo, à Montrouge et à l'Hyper Cacher s'est ouvert ce mercredi matin devant la cour d'assises spéciale de Paris. La question du port du masque, qui pose problème, s'est invitée dans les débats.

Une audience sous haute surveillance, sécuritaire comme sanitaire. C'est avec un dispositif de sécurité de taille que s'est ouvert ce mercredi matin à 10 heures le procès des attentats de janvier 2015, procès au cours duquel 14 personnes sont jugées pour avoir été complice ou avoir apporté un soutien logistique aux frères Kouachi et Amédy Coulibaly. 

Trois des accusés sont visés par un mandat d'arrêt international et donc absents. Un autre comparait libre. Les dix autres, aux profils et aux âges variés, ont, eux, été escortés jusqu'aux box par des policiers cagoulés et armés, restés à leurs côtés tout au long de cette première journée. Chacun a décliné son identité, date de naissance et profession, comme il se doit, avant que ne soit fait l'appel des parties civiles, témoins et experts et que les avocats le souhaitant ne prennent la parole, tous masqués, pandémie oblige. 

"Il serait dommage que la barre devienne un cluster"

Sauf que, très vite, l'accessoire-barrière contre le Covid a fini par disparaître des visages tandis que les différents protagonistes se succédaient à la barre, le masque rendant difficile la compréhension des propos. Un manquement aux règles désormais en vigueur pour tenter d'endiguer la propagation du virus qui n'a suscité aucune remarque... avant que l'affaire ne prenne d'autres proportions à 14h30, après une suspension d'audience pour la pause méridienne. 

À la reprise, le président de la cour d'assise a ainsi rappelé que "toute personne souhaitant prendre la parole doit le faire au micro" avant de préciser que "le port du masque est obligatoire y compris lors de la prise de parole". Et le magistrat d'ajouter : "Il serait dommage que la barre devant laquelle tout le monde s'exprime devienne un cluster."

"À l'Assemblée nationale, ils enlèvent le masque"

La défense n'a pas tardé à réagir à cette consigne, demandant au président s'il comptait également interroger les accusés avec un masque. Ce à quoi Régis de Jorna a répondu par l'affirmative. "Donc, vous allez juger un homme sans en voir le visage", s'est alors indignée une avocate de la défense. Mais pas seulement. 

Et pour cause, les avocats de la partie civile ont eux aussi estimé que le port du masque posait effectivement un problème, tant au niveau de la compréhension des propos que de la perception des expressions qui peuvent souvent apparaître sur un visage. L'un d'eux, Me Reinhardt, a notamment souligné qu'à "l'Assemblée nationale, lorsqu'il y a prise de parole, ils enlèvent le masque". 

"C'est un procès pour l'Histoire, intégralement filmé, mais nous sommes face à une cour masquée, des accusés masqués et des avocats masqués, Je ne sais pas quelle trace cela laissera", a ironisé Me Coutant-Peyre, conseil du principal accusé présent, Ali Riba Polat, poursuivi notamment pour complicité de l'ensemble des crimes et délits terroristes commis par les frères Kouachi et Amédy Coulibaly.

"Sachez que si vous obligez le port du masque, on prend le risque qu’aucun des accusés ne parle", a mis en garde un autre avocat. 

Vers un assouplissement des consignes ?

Face à la grogne, le président Régis de Jorna a fini par indiquer qu'il tenterait de voir avec le premier président de la cour d'appel et le bâtonnier de Paris si les consignes relatives au port du masque lors des prises de parole pourraient être assouplies. Une question sur laquelle il pourrait s'exprimer dès jeudi matin, au deuxième jour du procès qui, pour rappel, doit durer jusqu'au 10 novembre. 

 "Ma position est que lorsque les avocats prennent la parole (pour des questions, interventions et bien entendu pour les plaidoiries), ils doivent pouvoir le faire sans masque, sous réserve bien sûr des mesures de distanciation 

De même, les prévenus lorsqu’ils s’expriment doivent pouvoir ôter leur masque dans le box pour se faire comprendre 

Le Président de la Cour d’Assise gardant en tout état de cause la police de l’audience en cas de difficulté 

Nous nous concerterons avec le Président de la Cour d’Appel à ce sujet", a indiqué le bâtonnier de Paris, Olivier Cousi, interrogé par LCI.

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Aurélie SARROT

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