Procès Fillon : conseillère littéraire à la Revue des Deux Mondes, Penelope voulait un "nouveau défi"

Publié le 5 mars 2020 à 20h50, mis à jour le 6 mars 2020 à 7h31
Procès Fillon : conseillère littéraire à la Revue des Deux Mondes, Penelope voulait un "nouveau défi"

JUSTICE – Jugés depuis le 24 février pour détournements de fonds publics notamment, les époux Fillon sont également poursuivis pour recel et complicité d'abus de biens sociaux, pour l'emploi de conseiller littéraire obtenu par Mme Fillon à la Revue des deux mondes de leur ami Marc Ladreit de Lacharrière, entre 2012 et 2013. Le couple a répondu ce jeudi aux nombreuses questions du tribunal sur cet emploi que les juges ont qualifié "de complaisance".

Un salaire de 5000 euros brut par mois. Deux fiches de lecture publiées, quelques conseils er quelques réunions de temps en temps d'une durée d'une heure en moyenne à domicile. Ce jeudi, c'est sur le poste de "conseillère littéraire" occupée par Penelope Fillon que s'est penché le tribunal. 

C'est un ami de 30 ans de François Fillon,  Marc Ladreit de Lacharrière, qui lui a permis de signer  ce contrat au sein de son journal La Revue de deux mondes. Au juge, ce dernier a indiqué que son ami l'avait approché au premier trimestre 2012 pour lui dire que son épouse, qui craignait de s'ennuyer après leur départ de Matignon, cherchait une nouvelle activité. François Fillon avait, lui, expliqué au juge qu'à cette période, son épouse était "psychologiquement déstabilisée" et "qu'elle voulait s'ouvrir à d'autres activités, moins dépendantes de lui et de la politique". 

Interrogée ce jeudi 5 mars par la présidente au sujet de ses motivations pour ce poste, Penelope Fillon déclare à l'audience: "Je cherchais à trouver une autre façon de travailler, un nouveau défi. Je voulais trouver autre chose, m'affirmer en dehors du travail d'assistante parlementaire. Je voulais un changement" . 

En juillet 2012, Penelope Fillon signe donc son contrat sous son nom de jeune fille "Penelope Clarke" et choisi de faire publier les notes de lectures sous le pseudonymes de Pauline Camille. Elle sera rémunérée à hauteur de 135.000 euros sur la période concernée, entre 2012 et 2013. 

Travailler plus

Ce "nouveau défi" ne sera pas à hauteur de ses espérances selon elle. Penelope Fillon indique en effet qu'elle voulait travailler plus. Elle se dit "déçue" par Marc Ladreit de Lacharrière. Elle  pense qu'il ne l'a pas prise au sérieux. "Il pensait que j'allais faire ça en dilettante", dit-elle.

 Sur ces nombreux mois, Penelope Fillon a rédigé onze  fiches de lecture, deux seulement seront publiées. 

"Nathalie Gavarino, présidente de la 32e chambre la questionne à ce sujet : Pourquoi seules deux fiches ont été publiées"

Penelope Fillon, costume noir, lunettes sur le nez, serre-tête coiffant un carré long répond: "Je n'ai pas d'explication". 

" La première fiche est sur Trois excentriques anglais, la chronique fait une page. Pour Le Tombeau d'Oedipe de William Marx, un paragraphe. C'est pas beaucoup. D'après vous les notes ont-elles été coupées ?" demande la présidente. Réponse incertaine de la conseillère littéraire : "Non je ne crois pas".

Concernant les conseils littéraires, Penelope indique avoir eu l'ambition de rendre la Revue plus internationale. "Je n'ai jamais compris pourquoi la revue s'appelait la Revue des deux mondes alors qu'elle était très concentrée sur la France". La présidente lui rappelle qu'elle a conseillé à Marc Ladreit de Lacharrière d'organiser des forums. "Non, je ne m'en souviens pas".

"35 heures"

Le magistrat du parquet national financier s'étonne du contrat qui ne parle que de "conseiller littéraire" et pas de "fiches de lecture" en question et rappelle qu'"en principe, pour des fiches, les personnes sont payées en piges". "Les fiches de lecture étaient secondaires mais ce n'était pas incompatibles. J'ai compris que c'était inclus dedans", explique Penelope Fillon.  

Aurélien Létocart, procureur du parquet national financier, note qu'à ses proches, Penelope Fillon a toujours parlé des fiches, mais jamais son statut de conseiller littéraire. "C'est étrange, c'était l'activité principale sur le contrat. Par analogie, ça me fait penser à votre activité parlementaire où souvent n'est mis en avant que l'accessoire et pas les choses principales". "Je n'ai pas vu les choses comme ça", rétorque l'intéressée. 

Sur les activités parlementaires justement, certains ont été surpris de voir qu'elle pouvait cumuler son poste d'assistante parlementaire, à celui de "conseillère littéraire.  "Pourquoi deux mois après qu'elle a signé son contrat à la Revue des deux Mondes vous lui faites signer un contrat pour un temps plein?", demande Bruno Nataf , le 2e procureur du parquet financier à l'ancien Premier ministre. "Elle avait la possibilité de le faire. Elle avait suffisamment le temps de faire les deux. Beaucoup de gens travaillent beaucoup plus que 35 heures. Le week-end ça n'existe pas. C'était tout à fait compatible. J'avais besoin qu'elle continue d'assurer le lien avec la Sarthe", explique François Fillon.

"Elle ne peut pas se trouver un amant"

En 2013, Penelope Fillon quittera finalement la revue des deux mondes après avoir ressenti une certaine "hostilité des autres salariés de la rédaction à son égard". L'absence de retour sur son travail, le manque de commande, mais aussi des mots sans équivoque, comme ce courriel entre deux employées évoqué ce jeudi par la présidente, qui s'en excuse : "J'ai commencé à lire et j'ai arrêté : vraiment pas bon. Elle ne peut pas se trouver un amant au lieu de nous faire chier ?"

Appelée à commenter ce mail, Penelope Fillon dit n'en avoir pris connaissance que très récemment et avoir été "blessée.  "Je sentais que mon travail n'était pas vraiment voulu, ajoute-t-elle . J'étais prête à accepter la critique et s'ils avaient voulu que je démissionne, je l'aurais fait." Elle finira par céder à la pression selon elle. 

"Plaider-Coupable"

Pour cet emploi de conseillère littéraire, les juges ont conclu que cet emploi était "de pure complaisance": "il s'agissait manifestement pour Marc Ladreit de Lacharrière de satisfaire une demande de François Fillon, son ami et surtout un homme politique influent", écrivent-ils. L'homme d'affaires a été condamné en décembre 2018 à huit mois d'emprisonnement avec sursis et une amende de 375.000 euros au terme d'une procédure de "comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité" (CRPC), dite de "plaider-coupable".

"Pourquoi, à votre avis, Marc de Lacharrière a choisi la procédure de plaider-coupable?", demande en fin de journée Me Antonin Lévy à son client François Fillon?  L'ancien Premier ministre répond :"Je ne peux pas répondre à cette question, je ne veux pas porter de jugement. Je pense qu'il n'a pas voulu subir ce procès et la publicité de la vie privée qui est faite de la vie des uns et des autres. C'est son choix, je le respecte". 

L'audience reprendra lundi, à 13h30.


Aurélie SARROT

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