Procès Jawad Bendaoud : "A aucun moment je me dis que ça peut être des terroristes"

par Aurélie SARROT Aurélie Sarrot
Publié le 28 novembre 2018 à 17h54, mis à jour le 28 novembre 2018 à 18h01
Procès Jawad Bendaoud : "A aucun moment je me dis que ça peut être des terroristes"

JUSTICE – Le surnommé "logeur de Daech" a été interrogé pendant plusieurs heures ce mercredi par le président de la cour d'appel. Relaxé en première instance, celui qui est poursuivi pour recel de terroristes a juré une nouvelle fois, jusqu'à en perdre son calme, qu'il ignorait que les deux hommes qu'il hébergeait étaient des djihadistes.

Si ses déclarations ont pu varier sur certains points, il a toujours gardé le même cap quand il a été question de répondre à cette interrogation : savait-il ou non que les deux hommes qui ont dormi dans l'appartement qu'il leur a loué dans un immeuble de Saint-Denis étaient des terroristes?  Le prévenu a toujours répondu par la négative. 

Au président de la cour d'appel, où il est jugé pour "recel de terroristes" depuis le 21 novembre et jusqu'au 21 décembre, il a ainsi réaffirmé ne pas savoir que ses locataires d'un soir étaient Abdelhamid Abaaoud, cerveau présumé des attentats de Paris, et Chakib Akrouh. "Moi, on prononce le mot terroriste, je quitte pas la pièce, je quitte le 9-3 direct, a lancé Jawad Bendaoud, 32 ans, à la barre. A aucun moment je me dis que ça peut être des terroristes, je ne sais même pas qu'il y a des mecs en cavale".

150 euros pour l'appartement

Relaxé en première instance, Jawad Bendaoud indique avoir fait ça pour l'argent : 150 euros la location de l'appartement, 50 euros pour lui, 100 euros pour Mohamed Soumah, qui a ramené l'affaire.

"A aucun moment pour moi il n'y a des trucs louches, genre ils ont descendu des gens. Peut-être je me suis dit 'c'est des trafiquants, des délinquants', mais des terroristes, jamais", insiste encore Jawad Bendaoud face au président, lunettes sur le nez, moulé dans survêtement rouge zippé. "Tout le monde me fait passer pour un complice de terroristes. J'ai un mec en bas à qui je dis 'Salam aleykoum frère'. Vous pensez que je me dis que j'ai un mec en bas qui va monter chez moi, que ce mec vient de Syrie, et qu'il a tué 130 personnes?"

"A un moment ça va péter, Monsieur le juge"

Le président poursuit ses questions, épluche l'agenda du prévenu entre le 13 novembre et le 18 novembre, reprend les procès-verbaux, les déclarations faites au juge, puis au premier procès, regarde les retranscriptions des écoutes, les conversations avec sa compagne…  "Votre vérité change, Monsieur Bendaoud. "Vous êtes quand même très souvent contradictoire avec vous-même…" lance-t-il alors au prévenu.

C'en est trop pour celui que l'on surnomme le "logeur de Daech". "A  un moment ça va péter, Monsieur le juge. Vous me lancez des petites phrases, des petites piques depuis tout à l'heure. A un moment, ça va péter, je vous le dis", s'emporte Jawad Bendaoud après trois heures d'interrogatoire. "Vous m’avez libéré comme un voleur de scooter. Depuis huit mois, je me démerde tout seul. J'ai fait deux ans d'isolement. Ça fait des mois que je vis tout seul, rien du tout, pas de psychologue, même pas le RSA. Vous voyez ce que j’en fais de votre RSA, je crache dessus", vocifère-t-il en crachant par terre après avoir tapé sur le pupitre devant lui. J'ai plus rien à perdre ! Mettez moi six ans! Vous croyez quoi, que vous allez me faire peur ?"

Le président de la cour d'appel suspend l'audience "dix minutes". Le prévenu reste dans la salle. Il continue de parler très fort. Quand les gendarmes s'approchent de lui, il dit à son avocat, Me Nogueras : "Ils font quoi eux !?". Puis ajoute à destination des journalistes : "Ils peuvent faire 45.000 articles, je m’en fous. Je savais pas que c'était des terroristes, j'ai pas hébergé des terroristes". Puis il décide de quitter la salle quelques minutes avec son conseil. 

L'audience reprendra finalement dans le calme après la suspension. Et Jawad Bendaoud poursuivra dans sa lignée.

"Ils avaient l'air très calmes"

"A aucun moment je peux me dire que j’ai devant moi le mec qui tractait des corps en Syrie et que j’ai vu en vidéo en prison", maintient Jawad en référence à la vidéo d'Adbelhamid Abaaoud dans son 4x4. Il affirme que les deux individus avaient l'air craintifs, qu'ils portaient une casquette du PSG. 

Selon lui, rien n'a pu lui mettre la puce à l'oreille. Quand Abaaoud lui dit 'je reviens de Belgique, j'ai passé 3 jours de fils de pute'", Jawad Bendaoud voit "prostituées et stupéfiants". Selon lui, on va là-bas pour cela. Quand Abaaoud lui arrache un balai des mains alors qu'il s'apprête à balayer quelque chose dans l'appartement, Jawad Bendaoud voit de la "courtoisie" sans penser que la personne en face de lui souhaite qu'il "se casse". 

"Ça crevait les yeux, mais moi j'ai rien vu"

Jawad Bendaoud expliquera tout de même qu'il a échangé quelques mots, le mardi 17 au soir après avoir accueilli ses "locataires", avec sa compagne qui dormait à moitié. Il lui aurait dit qu'il trouvait que les mecs qu'il hébergeait, il les trouvait "chelous", car "ils paient 150 euros pour un appart avec une télé qui marche pas et où il y a pas d'eau".

"Après coup, en reprenant tout, le balai, les tapis pour la prière, la Belgique, ça crevait les yeux, mais moi j'ai rien vu", assure-t-il.  Et de conclure :"Monsieur le juge, tout ce que je dis est vérifiable. Je vais pas vous raconter de salades. Je suis en train d'écrire un bouquin, tout ce que j'écris dedans est vérifiable".


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