Sondages de l’Elysée : le parquet demande un procès pour Claude Guéant et d’anciens proches de Sarkozy

FAVORITISME – Le parquet national financier demande le renvoi en correctionnelle entre autres de Claude Guéant et Patrick Buisson. Le premier, secrétaire général de l’Elysée lors de la présidence de Nicolas Sarkozy, est accusé de "détournements de fonds publics par négligence" au profit du second, dans l’affaire de sondages commandés sans appel d’offres.
Claude Guéant, Patrick Buisson et d’anciens proches de Nicolas Sarkozy sont dans le collimateur de la justice. Le parquet national financier (PNF) demande en effet un procès pour 'favoritisme", dans le cadre de l’affaire des sondages de l’Elysée sous le mandat de Nicolas Sarkozy, de 2007 à 2012.
Selon les informations communiquées à l’AFP lundi 12 novembre par une source proche du dossier, le PNF demande aux juges d’instruction d’ordonner le renvoi en correctionnelle de Claude Guéant : l’ex-secrétaire général de l’Elysée - déjà condamné dans une autre affaire - est visé pour "détournements de fonds publics par négligence" et "favoritisme" au profit de Patrick Buisson.
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Ce dernier, ancien conseiller officieux du président, est visé pour "recel" de ces délits. Il lui est reproché d’avoir refacturé des sondages à l’Elysée à des "prix exorbitants", via ses sociétés, selon les réquisitions datant du 6 novembre.
"Réponse tardive"
Ces demandes arrivent plus d’un an après la fin de l’instruction. Le ministère public réclame un procès pour six protagonistes au total, dont trois autres ex-collaborateurs de l'Elysée, notamment l'ex-directrice de cabinet Emmanuelle Mignon, et le politologue Pierre Giacometti.
C’est un rapport accablant de la Cour des comptes en 2009, puis une plainte déposée par l’association anticorruption Anticor, qui a déclenché cette enquête, lancée en 2013. Anticor, par la voix de son avocat Jérôme Karsenti, s'est dit "satisfaite" de ce réquisitoire tout en regrettant "une réponse judiciaire tardive".
Les investigations se sont concentrées d’une part sur des commandes passées par l'Elysée auprès d'instituts de sondages comme Ipsos, "en méconnaissance" des règles des marchés publics ; d’autre part sur des contrats noués, là aussi, sans appels d'offres, avec les sociétés de Patrick Buisson (Publifact puis Publi-Opinion) et de Pierre Giacometti. Le parquet demande le renvoi de ces sociétés et d'Ipsos pour "recel de favoritisme".
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ARCHIVES - Retour sur l'affaire des primes en liquide de Claude Guéant
Plus d'un million d'euros de bénéfices
Influent inspirateur du président, venu de l'extrême droite, Patrick Buisson avait signé une convention avec l'Elysée en 2007 lui confiant une mission de conseil rémunérée 10.000 euros HT par mois et octroyant à Publifact "l'exécution de sondages", à sa liberté d'appréciation.
L'enquête a identifié au total 235 sondages achetés par le cabinet de Patrick Buisson et revendus à la présidence entre 2007 et 2009 avec des marges de 65% à 70%, pour un bénéfice de quelque 1,4 million d'euros.
Pour leur défense, plusieurs mis en examen avaient tenté en vain d'invoquer une "tradition" au sein de la Présidence qui aurait permis de se soustraire aux règles de la commande publique. "Dans l'Etat de droit (...) il ne revient pas aux autorités exécutives ni à ceux qui les servent (...) de décider de s'exonérer" de ces règles "au nom d'une tradition à la légitimité incertaine", souligne le PNF.
La tenue d'un procès dépend désormais de la décision finale du juge Serge Tournaire en charge de cette enquête. Pour Claude Guéant, cette nouvelle menace s'ajoute à une liste d'ennuis judiciaires déjà conséquente, entre sa condamnation pour des primes en liquide à l'Intérieur et sa mise en examen dans l'affaire de financement de la campagne sarkozyste de 2007.
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