Besançon : ce qu'il faut savoir sur l'affaire de l'anesthésiste soupçonné d'empoisonnements

Publié le 17 mai 2019 à 11h29, mis à jour le 18 mai 2019 à 7h34

Source : JT 20h Semaine

RÉCAP' - Après la mise en examen d'un médecin anesthésiste réputé de Besançon pour dix-sept cas d'empoisonnements présumés, qui viennent s'ajouter à sept autres retenus en 2017, le dossier connaît une ampleur plus vertigineuse encore. Retour sur les points clés de l'affaire.

Des soupçons aux témoignages, des investigations aux découvertes, des incriminations publiques aux démentis... dès sa révélation au grand jour, l’affaire dite de l'anesthésiste "empoisonneur" de Besançon a suscité stupeur et effroi. Après deux ans d'enquête préliminaire, menée sous le sceau du plus grand secret selon la volonté du parquet, elle a connu un rebondissement ce  jeudi avec une nouvelle mise en examen du principal protagoniste, laissé libre sous contrôle judiciaire - une décision contestée par le parquet qui a fait appel. Alors que des dizaines de nouveaux cas suspects ont été portés à la connaissance de la justice, dont 17 nouveaux cas d'empoisonnement ayant entraîné 7 décès retenus à l'encontre du médecin, le dossier connaît une ampleur plus vertigineuse encore. 

LCI revient sur les étapes clés de ce qui s'annonce déjà comme un feuilleton judiciaire à rallonge et au dénouement incertain.

L'origine de l'affaire

C’est en mars 2017 que l'affaire est portée à la connaissance du grand public après la mise en examen d'un anesthésiste "star" de Besançon, suspecté d'empoisonnements avec préméditation. Quelques mois plus tôt, en janvier, un accident survenu au réveil d’un patient, puis un second, avaient mis la puce à l’oreille au sein de l'établissement où exerçait le praticien. 

Dans un premier temps, sept cas suspects, recensés entre 2008 et janvier 2017 sur des patients âgés de 37 à 53 ans, sont retenus par les enquêteurs. Tous avaient subi des interventions chirurgicales ne présentant pas de difficultés particulières et avaient pourtant été victimes d'arrêts cardiaques. Si cinq d'entre eux ont pu être réanimés, deux patients sont décédés. L’anesthésiste suspecté, qui n'était pas en charge de ces patients, avait été appelé pour en secourir certains. 

La thèse du "pompier pyromane"

Le praticien mis en cause, Frédéric Péchier, 47 ans, a longtemps été considéré par ses pairs comme l'un des meilleurs anesthésistes de la région. Il a majoritairement exercé au sein de la clinique Saint-Vincent de Besançon, avec un passage de quelques mois, en 2009, à la polyclinique de Franche-Comté. 

Privilégiant la thèse du "pompier pyromane", les enquêteurs le soupçonnent d’avoir sciemment modifié les poches d’injection de confrères afin de provoquer des incidents opératoires pour exercer ensuite ses talents de réanimateur et conforter sa réputation de praticien hors pair, lui qu’on appelait si souvent à la rescousse en cas d'urgence. Placé sous contrôle judiciaire et frappé d’une interdiction d’exercer son métier d’anesthésiste dès mars 2017, le docteur Péchier avait toutefois été laissé liberté.

De nouveaux "événements indésirables graves"

Une quinzaine de jours après la médiatisation de l'affaire, mi-mars 2017, de nouvelles plaintes s'annoncent, et une quarantaine de cas de décès survenus dans des circonstances troublantes sont alors étudiés. A l'époque, le parquet de Besançon ouvre discrètement une enquête préliminaire concernant plusieurs dizaines de signalements d'"événements indésirables graves" (EIG) survenus dans les cliniques où l’anesthésiste exerçait, et dont quinze se sont avérés fatals aux patients. 

Selon la Haute autorité de santé, les EIG sont des événements "inattendus au regard de l’état de santé et de la pathologie du patient dont les conséquences sont le décès, la mise en jeu du pronostic vital ou encore la survenue probable d’un déficit fonctionnel". Les professionnels de santé ont l’obligation de les signaler aux autorités.

Mis en cause pour des dizaines de nouveaux cas présumés

C'est à la suite de cette enquête préliminaire parallèle de deux années, pour les besoins de laquelle quatre corps ont notamment été exhumés en 2018, et de nombreuses auditions et expertises ont été menées, que le Dr Péchier a été placé en garde à vue ce 15 mai, dans les locaux de la police judiciaire de Besançon.

Objectif ? Faire la lumière sur son éventuelle implication dans une cinquantaine d'autres incidents médicaux suspects qui pourraient dissimuler des "faits d'empoisonnement potentiels". L'audition ne pouvant excéder 48 heures, l'interrogatoire de Frédéric Péchier s'est achevé ce jeudi matin et ce dernier a été déféré au tribunal de Besançon, et à débouché sur une nouvelle mise en examen. 

17 autres cas d'empoisonnements

Dans le détail, le parquet de Besançon a annoncé avoir engagé des poursuites contre l'anesthésiste Frédéric Péchier pour "empoisonnement sur personne vulnérable" visant 17 nouveaux cas d'empoisonnements présumés, qui s'ajoutent aux 7 pour lesquels il avait déjà été mis en examen en 2017.

"Ce sont 17 dossiers qui ont été retenus" portant sur des arrêts cardiaques survenus lors d'interventions chirurgicales sur des patients âgés de 4 à 80 ans dont "sept n'ont pas survécu", a détaillé le procureur de la République Etienne Manteaux, précisant qu'il avait requis le placement en détention du médecin. Le médecin a finalement été laissé libre sous contrôle judiciaire dans la nuit de jeudi à vendredi, mais le parquet de Besançon a fait appel de cette décision. Déjà interdit de pratiquer sa profession depuis sa précédente mise en examen, ce dernier a désormais également interdiction de se rendre à Besançon et dans la commune voisine où il réside.

Quelle défense ?

"Le Dr Péchier conteste tout acte d'empoisonnement de quelque nature que ce soit", a réaffirmé ce jeudi à son arrivée au palais de justice Me Schwerdorffer à la presse.

Dès mars 2017, le médecin-anesthésiste de Besançon clamait son innocence dans les colonnes de L’Est Républicain. Concernant les faits de la Polyclinique, en 2009, "j'étais absent de l'établissement pour les deux derniers d'entre eux", s'insurgeait-il. Quant aux faits du 11 et 20 janvier 2017 survenus à la Clinique Saint-Vincent, où l'anesthésiste travaillait jusqu'à sa mise en examen, il admet la possibilité d'un "acte de malveillance", mais qui ne serait pas de son fait : "N'importe qui avait accès au bloc, n'importe qui a pu le faire". Et le médecin-anesthésiste d’ajouter : "Je n’ai pas d’aveu à faire, je n’ai rien fait. Je suis traité et accusé injustement. Je souhaite qu’on respecte ma présomption d’innocence."

Selon le procureur de la République à Besançon, l'anesthésiste a de nouveau reconnu à la fin de son interrogatoire ce jeudi que "des actes criminels, des empoisonnements, ont bien été commis à la clinique Saint-Vincent", mais il a nié en être l'auteur.


La rédaction de TF1info

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