Soupçons d'empoisonnements : une expertise accablante de Frédéric Péchier contestée par la défense

Publié le 20 mai 2019 à 6h21, mis à jour le 20 mai 2019 à 11h58
Soupçons d'empoisonnements : une expertise accablante de Frédéric Péchier contestée par la défense

PSYCHOCRIMINALITÉ - Une expertise menée par deux psychologues sur l'anesthésiste, soupçonné d'avoir empoisonné 24 patients, démontre la "personnalité complexe organisée sur un mode pervers" de Frédéric Péchier. Ses avocats dénoncent une analyse "contestable" visant à lui "nuire".

"De nombreux traits de personnalité (qui) viennent légitimement alimenter une suspicion". Une expertise psycho-criminologique révélée dimanche 19 mai, accable l’anesthésiste Frédéric Péchier, soupçonné d'avoir empoisonné 24 patients à Besançon. Contestée par les avocats du praticien, cette expertise, longue de 44 pages, a été rédigée par deux experts à la demande d'une juge d'instruction. 

Le document, que le journal L'Est Républicain a pu consulter et qui en a publié des extraits le 19 mai, présente le Dr. Péchier comme ayant "une personnalité complexe, organisée sur un mode pervers, avec une composante narcissique". Les deux "profilers" devaient répondre à une question résumée par le quotidien régional : "Le profil psychologique du Dr Péchier pourrait-il correspondre, selon eux, au scénario des policiers, et si oui, pourquoi ?"

"Aspects dépressifs"

Frédéric Péchier a été mis en examen jeudi 16 mai pour 17 nouveaux cas d'empoisonnement de patients, dont sept n'ont pas survécu, et laissé libre sous contrôle judiciaire. Il avait déjà été mis en examen en 2017 pour sept empoisonnements présumés, dont deux mortels. Le médecin de 47 ans, qui reste présumé innocent, a interdiction d'exercer et de se rendre à Besançon ou dans la commune voisine où il réside.

Les deux psychologues ont noté que le docteur Péchier est touché par un "déni de réalité", et une forte présence de "théorie du complot". Ainsi, selon le journal, les experts estiment que  le docteur Péchier cible "ses persécuteurs : les collègues, les enquêteurs ou les magistrats". Les écoutes téléphoniques, notamment, révéleraient "des propos de plus en plus agressifs" à leur égard. L’expertise met également en avant "des aspects dépressifs" chez le suspect, à la suite de "la perte de contrôle de sa vie professionnelle et privée".

Je ne sais pas ce qu'est la psychocriminologie. Ce n'est pas une science reconnue"
Me Schwerdorffer

"La seule vocation de cette expertise, c'est de nuire au docteur Péchier et à la prochaine audience devant la chambre de l'instruction", a réagi auprès de l'Agence France-Presse l'un de ses avocats, Me Randall Schwerdorffer, se disant "consterné" par la diffusion dans la presse du document judiciaire. "Cette expertise est contestable, aussi bien dans sa qualité que dans son contenu". Selon lui, les experts se sont appuyés sur des éléments du dossier sans jamais rencontrer son client, a souligné Me Schwerdorffer. "Je ne sais pas ce qu'est la psycho-criminologie. Ce n'est pas une science reconnue, ce n'est pas une science qui fait autorité en matière judiciaire", a-t-il dit.

L'accusation soupçonne l'anesthésiste d'avoir "pollué des poches de soluté de réhydratation ou des poches de paracétamol avec des anesthésiques locaux ou du potassium" de patients âgés de 4 à 80 ans, alors qu'ils étaient opérés, entre 2008 et 2016. Il aurait agi "dans un contexte de conflit aigu avec ses collègues anesthésistes ou chirurgiens", selon le procureur.

L'appel du contrôle judiciaire bientôt examiné

Pour les experts du rapport, cités par le quotidien, "M. Péchier accorde une grande importance au regard des autres" et "les tensions" entre l'anesthésiste et ses collègues ont "probablement favorisé les passages à l'acte". "Il existe d'autres expertises au dossier qui le disent tout à fait normal", a rétorqué sur BFMTV, Me Jean-Yves Le Borgne, autre conseil du suspect.

La chambre de l'instruction doit examiner dans les prochaines semaines l'appel du parquet contre le placement sous contrôle judiciaire de l'anesthésiste. Le procureur, Etienne Manteaux, avait requis son incarcération après sa mise en examen.


La rédaction de TF1info

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