Jean-Claude Romand est sorti de prison : retour sur une vie de mensonges et de meurtres

Publié le 28 juin 2019 à 7h50, mis à jour le 28 juin 2019 à 8h02

Source : Sujet JT LCI

RÉINSERTON - Après avoir passé plus de vingt-cinq ans derrière les barreaux, Jean-Claude Romand a obtenu une libération conditionnelle et est sorti de prison vendredi 28 juin. L’homme, qui se faisait passer pour un célèbre médecin alors qu’il était au chômage, avait tué cinq membres de sa famille de peur d’être démasqué. Retour sur une affaire qui a défrayé la chronique.

Il était l'un des détenus les plus célèbres de France. Aujourd'hui âgé de 64 ans, Jean-Claude Romand a retrouvé la liberté sous contrôle judiciaire. Il est sorti de prison dans la nuit de jeudi à vendredi 28 juin, a annoncé son avocat Me Jean-Louis Abad.

Sa demande de libération conditionnelle, présentée le 20 novembre dernier - et plusieurs fois ajournée - avait fini par être acceptée. L’homme, incarcéré à la Maison centrale de Saint-Maur près de Châteauroux (Centre-Val de Loire), avait été condamné en 1996 à la prison à perpétuité pour le meurtre de sa femme, de ses deux enfants et de ses parents. Retour sur une affaire aussi romanesque que tragique.

Un quintuple meurtre

Le 9 janvier 1993 au petit matin, Jean-Claude Romand est au domicile familial à Prevessin-Moëns, sur les bords du Lac Léman, non loin de la frontière suisse. A 8h, il frappe son épouse avec un rouleau à pâtisserie. Elle meurt d’une fracture du crâne, dans son lit. Il s’en prend ensuite à ses deux enfants. À Caroline, 7 ans, il demande d’enfouir sa tête sous son oreiller, avant de lui tirer dessus à l’aide d’une carabine. Il réservera le même sort à Antoine, son fils âgé de 5 ans. 

A l’heure du déjeuner, le meurtrier poursuit son périple morbide. Il se rend chez ses parents à Clairvaux-les-Lacs, à 80 km de son domicile. Là, il déjeune avec eux avant de les abattre à l’étage avec son arme à feu. Aimé et Anne-Marie Romand meurent sur le coup.

Après avoir nettoyé son arme, il prend alors la voiture direction Paris où il a prévu de retrouver sa maîtresse, Chantal. Un dîner est soi-disant prévu avec Bernard Kouchner qu’il dit connaître. Mais en pleine forêt de Fontainebleau, il s’arrête, prétexte ne plus retrouver le chemin et tente de l’assassiner en l’aspergeant de gaz lacrymogène. La femme se débat, le supplie d’arrêter. Jean-Claude Romand décide de la raccompagner chez elle, lui fait promettre de ne rien dire et rentre chez lui.

Après des heures à errer dans sa maison, il avale des barbituriques et met le feu. 

La découverte du crime

Ce sont les éboueurs qui découvrent l’incendie. Les pompiers réussissent à éteindre le feu et découvrent les corps sans vie de Florence Romand et des deux enfants. Le mari, lui, est inanimé mais toujours vivant bien que plongé dans le coma.

Les gendarmes se rendent au domicile des parents de Jean-Claude pour leur annoncer la terrible nouvelle. Ils réalisent sur place qu’ils ont affaire à une deuxième scène de crime. Les enquêteurs retrouvent alors une note dans la voiture qu’avait louée Jean-Claude Romand : "Un banal accident et une injustice peuvent provoquer la folie. Pardon." L’auteur du crime est démasqué.

Une double vie

Au fur à mesure qu’ils mènent leur enquête, les policiers vont de surprise en surprise. Jean-Claude Romand n’est pas l’homme qu’il disait être. Pendant près de 20 ans, il a mené une double vie.  Durant toutes ses années, sa famille et ses proches l’ont cru étudiant en médecine puis interne, maître de conférences, chef de clinique et même chercheur pour l’Organisation mondiale de la Santé en Suisse. Mais les enquêteurs ne trouvent aucune trace de lui dans le registre du personnel de l’OMS. 

Le grand spécialiste de cardiologie n’a en réalité jamais réussi ses études de médecine. Jean-Claude Romand est sans emploi et ment à tout le monde.

Son terrible mensonge commence en 1974. Il vient de rencontrer Florence qui deviendra plus tard sa femme et passe sa deuxième année de médecine. Il échoue mais ne dit rien à personne et continue à travailler comme si de rien n’était. S’il dit avancer dans ses études, il se réinscrit en réalité année après année, pendant 12 ans, en deuxième année. La spirale est lancée.

A la fin de ses prétendues études, il s’invente une carrière, s’abonne à des revues spécialisées. Mais au lieu de passer ses journées à l’hôpital ou en laboratoire, il erre en ville ou sur les routes et passe la plupart de son temps dans sa voiture. Malgré le fait qu’il n’a pas de diplôme, il a engrangé de nombreuses connaissances médicales, même son meilleur ami, médecin, et sa femme, pharmacienne, n’y voit que du feu.

Un mensonge impossible à tenir

Jean-Claude Romand est un mythomane qui excelle dans son art, mais un élément va le faire tomber : l’argent. Pendant toutes ces années, il a volé sa famille. Ses parents, beaux-parents, oncles, lui font confiance sur des soi-disant placements très rentables en Suisse et lui confient de grosses sommes d’argent. En réalité, il utilise ces virements pour financer le train de vie digne du grand médecin qu'il prétend être. L’enquête montrera qu’il dépensait près de 10.000 euros par mois les dernières années avant son arrestation.

Au début des années 90, il rencontre Chantal, une dentiste dont il tombe amoureux. Sa maîtresse, elle aussi, lui confie une grosse somme d’argent mais fin 1992, elle souhaite récupérer son placement. A cette époque, les comptes de Jean-Claude Romand sont vides, le faux-médecin a tout englouti. Il sait alors que son mensonge va bientôt être découvert.

Un procès et des questions toujours en suspens

Sa folle histoire, Jean-Claude Romand la racontera durant son procès en juin 1996. La France entière suit ses apparitions à la barre pour tenter de comprendre l’impossible. "Plus le mensonge avançait, plus il était dur à révéler", lâche-t-il. Mais aucune de ses explications ne fournit de circonstances atténuantes. 

Après six jours de procès, le verdict tombe : le faux médecin mythomane et narcissique écope de la réclusion à perpétuité avec une période de sûreté de 22 ans. Une période de sûreté désormais terminée depuis plus de deux ans et demi, ce qui lui permet de demander une libération conditionnelle. désormais validée.

Une histoire digne d'un film

Cette folle histoire a donné lieu à plusieurs adaptations cinématographiques et à un ouvrage.

L'écrivain Emmanuelle Carrère a découvert ce fait divers dans le journaux. Pour tenter de comprendre, il est entré en contact avec Jean-Claude Romand lui-même. Celui-ci a accepté de le rencontrer et d'échanger avec lui, le romancier a également assisté à l'ensemble du procès. Il en a réalisé un livre "L'Adversaire", sorti aux éditions P.O.L en 2000 et où il tente de retracer l'histoire sous forme d'un carnet de bord.

Ce fait divers digne d'un roman a également fait l'objet de deux films : "L'Emploi du temps", réalisé par Laurent Cantet en 2001, un an plus tard, c'est la réalisatrice Nicolas Garcia, qui a repris cette folle histoire dans "L'Adversaire". Le film porté par Daniel Auteuil, François Cluzet et Emmanuelle Devos était en compétition au festival de Cannes en 2002.


La rédaction de TF1info

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