VIDÉO 360 - Centenaire de l'armistice : avec les Poilus, au milieu d'un champ de bataille

par Claire CAMBIER
Publié le 6 novembre 2018 à 16h00, mis à jour le 6 novembre 2018 à 16h58
VIDÉO 360 - Centenaire de l'armistice : avec les Poilus, au milieu d'un champ de bataille

RECONSTITUTION - Tandis qu'Emmanuel Macron rend hommage aux combattants de la Première guerre mondiale ce mardi 6 novembre à Verdun, LCI.fr vous propose de vous plonger au cœur d'une scène de combat telle qu'elle se déroulait à l'époque. Une expérience en 360 degrés avec des spécialistes de la reconstitution historique.

La scène est digne d'un tournage de film. D'un côté, une trentaine de soldats, redingotes bleues horizon sur le dos et casques sur la tête s'avancent vers "l'ennemi". Les coups de mitrailleuse fusent au loin. "A couvert!", crie un officier. Car face à eux, une dizaine d'hommes en uniforme allemand tentent tant bien que mal de protéger leur position en tirant, couchés derrière des fils barbelés. On se croirait au milieu d’un champ de bataille au cœur de l’année 1918 - exception faite des poteaux de foot de part et d’autre. Mais que se passe-t-il donc en ce week-end de septembre dans la petite ville de Saint-Soupplets en Seine-et-Marne ?

Comme quasiment tous les week-ends depuis le mois de mars, Michel Movet et ses camarades "rejouent" le quotidien de la Grande Guerre. "Nous sommes des passionnés d'histoire", explique cet ancien journaliste, aujourd'hui président de l'association Poilus d'Ile-de-France. Ces reconstitutions grandeur nature sont "comme une machine à remonter dans le temps". "C'est du 3D si vous voulez, il y a le côté tactile et visuel, qu'on n'a pas dans des films ou dans des récits ordinaires. ."Ce qui me motive, c’est témoigner du passé. Tiens, voilà !," dit-il en montrant un " conducteur de véhicules anciens", "il se lave les mains avec une motte de paille comme à l'époque."

Claire Cambier / LCI

Quelques pas plus loin, Guillaume Gosselin est lui attablé avec d'autres "soldats" sous une tente. Une copie conforme d'un campement de deuxième ligne. "Pour le public, la Première guerre mondiale est une guerre en noir et blanc", avance-t-il. Avec les reconstitutions, les visiteurs découvrent "ce monde en couleurs". Un simple exemple : le fameux pantalon d'uniforme rouge. "Les gens nous disent 'ce n'est pas possible, en rouge les soldats étaient trop visibles'". Pourtant, cette aberration a bel et bien existé au début de la Guerre, avant que les uniformes ne prennent la teinte bleu horizon. 

"Idem, quand ils soupèsent le poids d'un fusil ou de tel matériel, pour les gens c'est de l'histoire vivante. Dans un musée, on n'a pas d'approche sensitive, ici, ils vivent l'espace d'un instant cette période. Et il n'y a pas que les enfants que ça intéresse", assure ce passionné.

Claire Cambier / LCI

Parmi ces reconstitueurs, on rencontre quelques femmes : Fanny Desbarats-Orlando a "fait presque 900 km pour venir" d'Avignon, où elle habite. A côté d'un poêle et de tonneaux – "car ils buvaient beaucoup à l'époque" - elle nous explique avoir commencé à s'intéresser à cette période en apprenant l'histoire d'un de ses aïeuls. 

"À 8 ans, ma grand-mère a sorti un carton avec toutes les photos de famille, des gens que je ne connaissais évidemment pas, parce qu'il était morts depuis bien longtemps !", raconte la quinquagénaire. Elle y découvre la photo de son grand-oncle Albert, originaire d'Alsace. "Quand la guerre mondiale est déclarée, mon grand-oncle va incorporer l'armée française et il va mourir en août 1915 à 5km de chez lui." Cette histoire familiale la marque à vie. Elle commence comme beaucoup d'autres par collectionner avant de "tomber" dans l'univers de la reconstitution en 2002.

Ça fait quelque chose, quand on s'habille en poilu !
Fabrice Michelet, reconstitueur de l'association La Baïonnette

"Comme beaucoup, nous avons un parent qui est tombé au front", renchérit Patrice Losson - venu en famille avec sa femme en tenue d’infirmière et ses deux enfants en habits d’époque. "On retrouve quelques objets que les proches ont récupéré et on se plonge dedans. C'est le cursus de tout le monde ici", lâche-t-il comme une évidence. D'ailleurs souligne-t-il en pointant un camarade, "ce gars habillé en lieutenant, son grand-père était observateur dans les avions, alors il s'est habillé en observateur". 

Comme lui, ils sont nombreux à porter fièrement une partie de l'uniforme de leurs ancêtres. Un moyen de leur rendre hommage. "Aujourd'hui il n'y a plus grand chose sur la Première guerre mondiale et c'est important de maintenir cette mémoire des anciens", souligne Fabrice Michelet, un autre reconstitueur comme on les appelle, pour qui "ça fait quelque chose, quand on s'habille en poilu".

Mais attention "on ne peut pas faire n'importe quoi, il faut vraiment être cohérent", alerte-t-il. Ici, tout est d'époque, ou reconstitué à l'identique. "Il y a des endroits spécifiques où on achète des tenues, comme pour le cinéma", rapporte le président des Poilus d'Ile-de-France, "sinon on va dans les brocantes, on farfouille, ici une lampe à pétrole, là un vieux téléphone. Ce sont des mois, parfois des années de prospection."

"On est tout le temps à chercher par monts et par vaux, sur Internet, entre collectionneurs, sur les vide-greniers", abonde Guillaume Gosselin qui représente aujourd'hui le 276e régiment. Et "avec le centenaire, nous avons fait évoluer les costumes, le matériel d'armement", nous dit-il en montrant fièrement son fusil Lebel, l'arme mythique des Poilus. 

Claire Cambier / LCI

Fanny Desbarats-Orlando a quant à elle ramené deux véhicules ! Un petit morceau de sa collection : en tout, elle en possède 7 dont "un bébé de 17 tonnes" qui trône dans son jardin." J'ai vendu ma première maison parce que c'était trop petit et là je vais certainement vendre à nouveau pour acheter plus grand parce qu'on a plus assez de place", confie celle qui est décrite dans le milieu comme une "star", "la plus grande spécialiste". 

Mais sa passion n'a pas toujours été bien reçue : dans les années 80, " ça ne se criait pas sur les toits", assure-t-elle. "Faire du militaria (= collectionner des antiquités militaires, ndlr), ce n'était pas bien vu". Si les choses ont changé, il a ensuite fallu le faire accepter par sa famille et notamment ses trois filles. "La maison, c'était un grand musée avec des mannequins de partout, ça criait tous les soirs dès qu'une allait aux toilettes. Je vous laisse imaginer!", en rit-elle aujourd'hui.

Cowboy, GI américain et Poilu

Cette mère de famille a consacré sa vie à la Grande guerre. "Je participe bénévolement dans les écoles, j'aide des universitaires parce que j'ai une bibliothèque très fournie", énumère-t-elle. "Avec mon mari, nous avons créé une tranchée dans le Vaucluse que l'on fait visiter aux scolaires, j'ai des conférences…" Fanny Desbarats-Orlando a même fini par passer une thèse, à plus de 40 ans.

Elle a choisi de représenter des femmes d'exception "qui ont vraiment existé". Une sorte d'hommage. "Aujourd'hui, je suis devant vous avec la copie de l'uniforme de Nicole Girard-Mangin, qui a été le premier médecin major de la première guerre mondiale, elle a été mobilisée par erreur", nous glisse-t-elle. Ses autres uniformes ? "Celui du service automobile féminin bien sûr et aussi un uniforme de Marie Marvingt, c'est mon idole", déballe-t-elle. "Elle s'est fait passer pour un homme et a combattu dans les tranchées, jusqu'à ce que son cousin ne le dénonce."

Morin Ludovic, mécanicien d'entretien à la RATP dans la "vraie vie" a quant à lui opté pour une tenue de soldat allemand pour "faire voir la diversité des uniformes et présenter les belligérants dans toute leur intégralité." En les regardant, on se demande si ce ne sont pas aussi, un peu, des grands enfants dans leurs déguisements. Michel Movet nous avoue qu'avant de se passionner pour la Première guerre mondiale, il a enfilé le costume de cowboy (!) puis de GI de la Deuxième guerre mondiale, toujours dans le cadre de reconstitutions.   

Claire Cambier / LCI

Un mélange de jeu et d'attachement à l'histoire peut être. Cette passion a en tout cas un coût. Et pas des moindres. Fabien Boulanger, jeune trentenaire, le reconnaît : retaper une épave par exemple est hors de son budget. Lui a investi dans des armes avec son association La Baïonnette : "il faut les neutraliser pour les garder chez nous", explique-t-il, environ 120 euros sans compter le prix d’achat. 

Et puis il faut investir du temps, bien au-delà des recherches d’objets. "On a un char FC17, c'est mon cousin qui l'a fabriqué" donne en exemple Michel Movet, "il y a passé 1600 heures !". "On ne compte pas", avoue un autre passionné, Ludovic Morin. "On n'avance pas dans nos travaux de maison, on s'arrange avec l'employeur pour se libérer certains jours. C'est sûr que ça demande une organisation, et aussi d'avoir une épouse très tolérante !" 

On est comme un cirque, on est tout le temps sur les routes
Michel Movet, président de l'association Poilus d'Ile-de-France

Cette année qui marque le centenaire de la victoire est particulièrement animée, tous les week-ends des événements sont organisés. "C’est autant de week-ends où on n’est pas avec sa famille ou à faire la fête avec ses copains, souligne l’un des plus jeunes de la bande, au milieu des tentes plantées dans la terre humide. " "On est comme un cirque, on est tout le temps sur les routes", s’amuse un autre.

Ce soir, la plupart dormiront sur place, comme à l’époque. "On vit en promiscuité", admet Fanny Desbarats-Orlando "mais du coup, on est tous devenus de bons amis." Une franche camaraderie, qui aujourd'hui dépasse les oppositions de l'époque. "A la fin, on se retrouve tous autour d'un verre avec les Allemands, les Autrichiens, les Américains", promet Guillaume Gosselin.

Claire Cambier / LCI

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