"13/11, reconstitution d’un attentat" : fallait-il vraiment raconter le drame en bande dessinée ?

par Jennifer LESIEUR
Publié le 15 novembre 2016 à 11h47
"13/11, reconstitution d’un attentat" : fallait-il vraiment raconter le drame en bande dessinée ?

DOCUMENT – "13/11, reconstitution d’un attentat" (Delcourt) retrace la chronologie exacte des événements qui ont mené aux attentats du 13 novembre 2015. Le choix d’en avoir tiré une bande dessinée peut poser question, tout comme sa lecture, aussi dérangeante qu’instructrice.

La bande dessinée est un excellent vecteur documentaire. Maus d’Art Spiegelman en est le meilleur exemple : qui, avant lui, aurait osé raconter la Shoah en mettant en scène des chats et des souris ? D’autres drames ont été magnifiquement retranscrits en petites cases, comme la guerre de 14-18 par Tardi. Alors qu’un an après, le souvenir des attentats du 13-Novembre est encore très frais dans les esprits, une BD sort sur la chronologie des événements, par Anne Giudicelli (scénario) et Luc Brahy (dessin). Un travail sérieux qui amène tout de même à s’interroger sur le lectorat visé. 

POUR : un scénario ultra-sérieux qui éclaire des points obscurs

La reconstitution, qui commence en septembre 2015, a été établie par Anne Giudicelli. Spécialiste du monde arabe et musulman, elle est la fondatrice et directrice de Terr(o)RISC-IIC, une société de conseil internationale. Elle a écrit plusieurs livres sur le terrorisme et intervient régulièrement pour des institutions spécialisées. Autant dire que la précision documentaire prime sur l’impact psychologique : il est question ici des faits bruts, des "acteurs" du drame et de la situation géopolitique d’alors, pas d’une relecture imaginaire. Les sms échangés, les trajets en voiture, la sinistre logistique montrent comment la folie terroriste  s’organise autour de nous sans qu’on se doute de rien.

CONTRE : la bande dessinée crée une distance fictive dérangeante

Le dessin peut justement affadir ce fond factuel et objectif. Voir Salah Abdeslam parler dans des bulles, des "brakabrak" imiter le bruit des fusillades, donne l’impression de lire une BD de guerre où tout serait inventé. Sauf que ces visages et certaines images apparaissent encore dans les médias, à la télévision, et qu’ils sont encore très récents dans les mémoires. Voir les visages tordus des victimes au moment où elles sont criblées des balles est dérangeant pour un lecteur lambda, et sûrement traumatisant pour les proches des victimes. Un dessin ne s’oublie pas davantage qu’une photo, et si les intentions des auteurs sont bonnes, on arrive peut-être ici, en tant que lecteur et en tant que Français un an après, à saturation. 


Jennifer LESIEUR

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