Bernard Werber : "Le bonheur est dans la création"

par Jennifer LESIEUR
Publié le 1 octobre 2014 à 13h57
Bernard Werber : "Le bonheur est dans la création"

INTERVIEW – Le maître de la science-fiction française sort aujourd'hui "La Voix de la Terre", le dernier tome de sa trilogie "Troisième Humanité" (Albin Michel). L'auteur y poursuit une vision inédite du futur de la planète et de ses habitants. Rencontre avec l'un des rares auteurs qui ne craint pas la panne d'inspiration.

Comment aborder au mieux La Voix de la Terre ?
C'est un livre qui peut se lire sans avoir lu les deux premiers. Le thème, c'est de savoir si on peut communiquer avec sa planète. C'est aussi une histoire d'amour entre mon héros, David, et une jeune Coréenne, Hypatie, qui va lui apprendre à parler à la planète. Ensuite, c'est une réflexion sur la façon dont notre espèce peut évo luer, que ce soit dans le domaine des ordinateurs ou celui de la spiritualité.

Votre vision du futur ne cesse de s'élargir de livre en livre...
Le principe de la littérature d'anticipation, c'est d'offrir une perspective. Au lieu d'avoir une vision à court terme, comme dans les journaux, je me demande ce qui va se passer dans les vingt prochaines années, voire dans le prochain siècle ou le prochain millénaire. C'est ça que peut offrir un livre comme La Voix de la Terre : un décalage pour voir avec du recul. Aujourd'hui, il y a plusieurs chemins possibles, comme la religion, les androïdes, la conquête de l'espace... Nous sommes actuellement dans un conflit d'utopies, où des gens veulent imposer leur vision du futur aux autres. Ça donne les crises boursières, la guerre au moyen-orient, la pollution... Dans le livre, mes deux héros se retrouvent au milieu de tout ce foisonnement d'utopies, à essayer de défendre une autre vision, celle de plus de solidarité et du rétrécissement de l'espèce humaine.

"Si j'arrive à faire passer de petits messages sur la planète, c'est un plus"

Voudriez-vous que ce roman ait des conséquences concrètes, à long terme ?
Le principe du roman n'est pas d'apporter une solution, mais d'ouvrir des perspectives, poser de nouvelles questions. C'est le lecteur qui va trouver ses solutions de lui-même. Mes outils, ce sont les actualités, me promener dans la nature et sentir la planète sur laquelle je marche. Ça fait 23 ans que je fais ce métier, à explorer toutes les voies du futur, mais ce qui me permet de rafraîchir mon travail, c'est de changer de vision. Mon souci, quand j'écris, c'est soigner l'histoire d'amour et le suspense. La première politesse d'un écrivain, c'est de surprendre. Après, si j'arrive à faire passer de petits messages sur l'avenir et la planète, c'est un plus.

Vous êtes un auteur qui privilégie toujours l'interaction avec ses fans...
Il ne faut pas oublier que ce qui nous maintient, ce sont les lecteurs. Il y a deux sortes d'écrivains : ceux qui écrivent pour entrer à l'Académie française, et ceux qui écrivent pour les lecteurs. Moi, je fais plutôt partie de ceux qui aiment avoir beaucoup de lecteurs. Le bonheur, pour moi, c'est de savoir qu'ils vont passer des heures dans un monde qui a été créé avec mon imagination. Pour moi, les grands auteurs sont ceux qu'on dit populaires : Jules Verne, Edgar Poe, Stephen King, parce qu'il est beaucoup plus difficile de toucher le grand public qu'une petite élite parisienne. Et de tenir dans le temps. D'ailleurs, je considère que le meilleur critique littéraire, c'est le temps, car il décante naturellement les phénomènes de mode pour laisser les auteurs qui ont réellement une œuvre, qui ont quelque chose à dire. Le bonheur est dans la création.

Des projets extra-littéraires ?
J'ai été contacté par les Américains pour faire une série de science-fiction. J'étais à Los Angeles le mois dernier pour voir une équipe de scénaristes, mais je ne sais pas quand ça sortira. C'est toujours sur le thème de la prospective. Je suis content que le monde du cinéma américain ait fini par découvrir mon travail ! Tout ça prend du temps, et il en faudra encore pour comprendre l'intérêt d'avoir une science-fiction vivante en France.


Jennifer LESIEUR

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