Christophe Rocancourt (2 / 2) : "Ce qui m'importe, c'est la pensée, pas le regard de l'autre"

par Jennifer LESIEUR
Publié le 8 octobre 2015 à 16h14
Christophe Rocancourt (2 / 2) : "Ce qui m'importe, c'est la pensée, pas le regard de l'autre"

JUSTICE – Il a défrayé la chronique dans les années 90 dans la peau de "l'escroc des stars". Aujourd'hui rangé des voitures, Christophe Rocancourt se retrouve malgré lui impliqué dans deux scandales qui ont frappé la célèbre police judiciaire parisienne. Il y répond aujourd'hui dans un livre-enquête, "Scandales au 36" (Robert Laffont), écrit avec le journaliste d'investigation Jean-Michel Décugis. Il nous a reçus chez lui, à Rouen.

Dans votre livre, vous écrivez que vous ne placez pas le curseur de l'honnêteté au même niveau que la plupart des gens. C'est quoi pour vous, un honnête homme ?
Pour moi, l'honnêteté, c'est l'intégrité envers sa propre personne. Dans ce qu'on fait, dans ce qu'on choisit. Beaucoup de gens extrêmement malhonnêtes ne seront jamais traînées devant la justice, le petit major par exemple. Mon juge, en revanche, a son curseur placé à un haut niveau, il a l'intégrité de sa fonction. C'est toujours facile de faire l'abus de pouvoir. Ce qui est intelligent, c'est quand on arrive à réfréner ses intentions.

Pourquoi avoir dédié votre livre à Sainte Thérèse de Lisieux ?
J'adore Sainte Thérèse. J'aime son parcours, sans le côté gnangnan, mais je crois qu'elle était dotée d'une vraie compassion, ce qui nous manque aujourd'hui. C'est le pari de Pascal : j'aime mieux croire que de ne pas croire. Dans le pire des cas, je n'ai rien perdu, et s'il existe, j'ai tout gagné. Le doute bénéficie toujours. J'ai été chez les jésuites, ils m'ont donné une ouverture d'esprit, et surtout le goût de la lecture. J'ai remercié notre bonne société de m'avoir mis chez les jésuites, elle a contribué à me former intellectuellement. J'ai lu très jeune et ça m'a permis de m'évader.

Surtout pendant vos années de prison ?
J'ai fait de la détention et j'en connais les rouages. Si la prison est nécessaire dans certains cas, elle devrait être le dernier ressort. Si elle était curative, ça se saurait. Moi, je sais qu'elle ne guérit rien ; au contraire, elle engendre. Quand j'étais incarcéré, je n'ai eu aucun problème avec les surveillants, l'administration pénitentiaire a été très correcte. Mais eux non plus n'ont plus les moyens de faire leur travail, et ça se dégrade. Je tiens à rappeler que je n'ai qu'une seule condamnation à mon casier judiciaire en France, avec relaxe partielle. L'abus de faiblesse de Breillat, il est plus que discutable : elle n'en était pas à son premier essai, elle a continué à faire des films...

"J'ai été chez les jésuites, ils m'ont donné une ouverture d'esprit, et surtout le goût de la lecture."

De quoi avez-vous été condamné exactement ?
Sur mon casier judiciaire français, il n'y a pas d'escroquerie. Sur mon casier américain, il est écrit transfert de fonds illégal. Je n'ai jamais été condamné pour escroquerie, ni pour Polnareff, ni pour Mickey Rourke, ni pour Van Damme. Polnareff a été délesté à Las Vegas, sur une partie de baccarat. D'ailleurs, il a écrit dans Polnareff sur Polnaref que mon amitié lui manquait, avant de retourner sa veste. Mais ça ne me dérange pas, ce qui m'importe c'est la pensée, pas le regard de l'autre qui est furtif, qui n'est pas parole d'évangile.

Vous n'étiez pas fasciné par la célébrité ?
Etre connu n'est pas une grande gloire. Peu importe la forme de notoriété qu'on peut avoir. La célébrité n'a jamais été ma priorité. Faire de l'argent, si, j'ai été vénal. Etre connu aurait tué mon métier ! Je le suis devenu à cause des Etats-Unis : avec la Une du New York Times et 14 pages dans Vanity Fair, le monde se rétrécit ! Mais ce n'était pas mon but. Moi qui suis Normand, les bocages me plaisent beaucoup, ce qui ne veut pas dire que je ne voyagerai pas ailleurs, mais il ne faut pas entretenir éternellement son côté vaniteux.

Un extra-terrestre vous rencontre, vous vous présentez comment ?
Christophe Rocancourt, écrivain. Avec toute la modestie que ça implique, mais je publie dans une maison d'édition sérieuse. Un juge d'application des peines avait d'ailleurs jugé que ce n'était pas un métier, écrivain... Ce qui m'intéresse, c'est le débat des idées. Tout n'est pas blanc ou noir. En chacun de nous, il y a une part d'ombre, et quelque chose de bien. Chez moi, peut-être que la part de noirceur est un peu plus grande, mais je l'assume, je n'essaie pas de la fuir. C'est le seul moyen de s'élever : regarder les choses avec objectivité.

"La célébrité n'a jamais été ma priorité. Faire de l'argent, si, j'ai été vénal. Etre connu aurait tué mon métier !"

Où en est votre biopic ?
Il y a un projet sur Canal+, avec un réalisateur américain, on en saura plus dans les prochaines semaines. Ça se fera d'une façon ou d'une autre, avec ou sans moi. J'ai battu le record des droits d'adaptation, avec 1 million d'euros. Ce sera sûrement une production américaine, même si on a des gens de qualité en France, comme Bertrand Bonello. J'ai vu son Saint Laurent, c'est un bon film, anti-paillettes, il ne sert pas la soupe.

Qui pourrait jouer votre rôle ?
Ça avait failli se faire avec Edward Norton, et finalement il était déjà trop vieux pour me jouer étant jeune. Dommage, il avait le physique ! On a aussi pensé à Ryan Gosling, mais il est trop connu maintenant, et c'est l'histoire qui compte, pas l'acteur qui doit transmettre l'histoire. Faire un film sur ma vie, ce n'est pas compliqué, mais faire un film de qualité qui a sa raison d'être, ça l'est davantage.
 

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Jennifer LESIEUR

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