Sorcellerie mortelle à Londres : l'incroyable enquête de l'ethno-criminologue Richard Hoskins

par Jennifer LESIEUR
Publié le 27 décembre 2015 à 16h32

RECIT – En 2001, le tronc d'un enfant noir a été retrouvé dans la Tamise. Soupçonnant un rituel religieux, Scotland Yard a requis l'expertise de Richard Hoskins, théologien spécialiste de l'Afrique noire. Cette enquête, éprouvante et stupéfiante, lui a rappelé de douloureux souvenirs personnels, qu'il raconte dans "L'enfant de la Tamise" (Belfond).

Le polar de l'année est une histoire vraie. Celle de Richard Hoskins, un théologien britannique devenu criminologue. Ethno-criminologue, pour être précis. A la fin des années 80, Hoskins est parti en mission au Congo avec sa jeune épouse. Des jumelles sont nées ; l'une n'a pas survécu. L'autre, Abigail, a grandi en pleine santé. Mais un homme est venu prévenir Hoskins que sa fille décédée appelait sa sœur dans l'au-delà, et qu'à moins de faire un sacrifice, Abigail était perdue. Le jeune père, cartésien, n'a rien voulu entendre. Abigail est décédée à l'âge de 8 mois, sans que sa mort ait pu être expliquée.

Presque vingt ans plus tard, alors que Richard Hoskins est devenu un paisible universitaire à Bath, Scotland Yard l'appelle pour aider ses enquêteurs. Le torse terriblement mutilé d'un petit garçon noir a été retrouvé dans la Tamise. Un sacrifice, selon toute vraisemblance. Mais en plein cœur de Londres ? Richard Hoskins raconte cette troublante enquête, en y mêlant les souvenirs personnels qu'elle a ramené à la surface, dans L'enfant dans la Tamise. Un livre bouleversant, d'une lecture parfois très dure émotionnellement parlant, mais d'une grande importance.

Des pasteurs qui torturent des enfants soi-disant possédés

Malgré dix ans d'enquête, le meurtrier de l'enfant n'a jamais été identifié : "J'y pense toujours, bien sûr", reconnaît Richard Hoskins de passage à Paris. "L'affaire est close, car on a trouvé et puni les trafiquants d'êtres humains à l'origine de sa mort, mais il est impossible de prouver qui l'a tué. Parfois je réfléchis au fait que cet enfant n'a été envoyé en Europe que pour servir à un sacrifice, c'est incroyable, complètement fou."

Le plus fou étant l'impunité de ces pasteurs africains qui accusent des enfants d'être possédés, et qu'on laisse torturer, voire assassiner, sous couvert d'exorcisme. "J'ai aussi rencontré des cas avec des enfants musulmans qu'on disait possédés par des esprits mauvais. Mais il n'y a aucune régulation des autorités contre ces pasteurs et ces imams qui peuvent dire et faire n'importe quoi en toute impunité." Ce type d'enquête est rendu encore plus ardu à cause d'accusations de racisme que cet amoureux de l'Afrique rejette fermement : "Un crime est un crime, quelle que soit la culture, la couleur de peau ou la religion impliquées. On doit enquêter pour sauver tous ces enfants, quels qu'ils soient."

Expliquer les sources de l'extrémisme pour mieux le combattre

Notre affable universitaire est aujourd'hui un profiler d'un nouveau genre, qui réconcilie l'esprit cartésien de la police avec le monde opposé, celui de la spiritualité. "Dans cette histoire il y a deux univers : l'un, européen, avec sa mentalité pragmatique, et l'autre, africain, avec sa mentalité spirituelle. C'est mon rôle de réunir les deux, autrement on ne peut pas résoudre ce genre de cas, qui se reproduit hélas dans le monde entier." Le terrorisme en est le corollaire : "J'étais en Thaïlande récemment, il y avait des bombes à Bangkok. Le monde est dans une situation très grave, il y a des extrémistes partout qui utilisent les croyances religieuses pour justifier n'importe quoi. Nous devons en comprendre les sources, les causes et les mécanismes, pour mieux les contrer."

Richard Hoskins travaille également pour les services sociaux britanniques, et collabore avec les enseignants pour repérer tout signe d'abus sur leurs élèves. Pour se préserver de ces missions souvent insoutenables, il a trouvé une parade : "J'ai commencé à écrire des romans à partir de certains de ces cas. Ça permet de faire sa catharsis, et on peut tout y mettre. Dans un récit, c'est beaucoup plus difficile, les gens n'acceptent pas qu'on leur raconte n'importe quoi. Game of Thrones, par exemple, c'est très violent, mais ça passe car c'est passé par le prisme du roman." Et puis, dans le roman, on peut forcer la justice à triompher.

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Jennifer LESIEUR

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