Comment l'écrivain Yann Moix s'est transformé en bête à clashs télé

Publié le 24 septembre 2018 à 11h13, mis à jour le 24 septembre 2018 à 12h35
Comment l'écrivain Yann Moix s'est transformé en bête à clashs télé

ZOOM - Sa sortie virulente contre la police, sur le plateau des "Terriens du Samedi" sur C8, a provoqué la colère des syndicats et du ministre de l’Intérieur Gérard Collomb. Et marque une étape supplémentaire de la transformation de Yann Moix, autrefois écrivain prodige, en expert confirmé du clash télé. Explications.

"La télé ne me manquera pas du tout. J’ai adoré faire ça, c’est extraordinaire. Peut-être que je ferai de la radio. Mais la télévision, en tout cas, c’est fini." Ainsi parlait Yann Moix, en mai dernier, dans un reportage que lui consacrait "Le Tube", l’émission médias de Canal +. Après trois saisons aux côtés de Laurent Ruquier dans "On n’est pas couché" sur France 2, l’écrivain entendait bien reprendre sa liberté. Un mois plus tard, surprise : Thierry Ardisson annonçait son arrivée dans l’équipe de son émission "Les Terriens du samedi" sur C8.

"Quand j'ai su qu'il quittait 'On n'est pas couché' sur France 2, je l'ai appelé et je lui ai dit: 'Écoute, tu viens chez moi, tu fais 20 minutes, tu ne te fais pas chier à écouter Christine Angot pendant 3 heures et demie, et tu parles des sujets qui t'intéressent, racontait l’animateur producteur au sujet de sa nouvelle recrue cet été au "Figaro". "Tu ne parles pas des livres ou des films que Laurent Ruquier te demande de lire ou de voir, tu dis exactement ce que tu veux."

Message reçu. Lors de sa première, le 16 septembre, Yann Moix s’en était pris à l’équipe de France de football qui boivent "du champagne à 1.000 euros par terre", et aux débordements qui ont suivi leur victoire en finale de la Coupe du monde. Ce samedi, c’est une charge virulente contre la police qu’il a livrée, provoquant la colère des syndicats, qui ont annoncé leur intention de saisir le CSA, et du ministre de l’Intérieur Gérard Collomb qui a dénoncé des "propos intolérables" sur Twitter.

Sur le fond, l’écrivain est dans la continuité de ses attaques contre les forces de l’ordre, entamées en janvier dernier dans une lettre ouverte à Emmanuel Macron, publiée par "Libération", dans laquelle il dénonçait le "protocole de la bavure" instauré, disait-il, à l’encontre de migrants dans la jungle de Calais. Des violences dont il affirme avoir les preuves, mais qui seront absentes de son  documentaire "Re-Calais", diffusé par Arte en juin dernier.

A sa manière, mi-révoltée, mi-sarcastique, Yann Moix marchait sur les traces de l’un de ses mentors, Bernard Henri-Lévy, qui avait pris le futur élève de Sciences-Po sous son aile à son arrivée à Paris au début des années 1990. Sauf que si les combats politiques du philosophe sont depuis toujours allés de pair avec son œuvre, la volonté de l’écrivain d’en découdre avec l’actualité est plus récente. Encore faudrait-il savoir où il se situe sur l'échiquier politique...

J’adore écouter Mélenchon parler de Robespierre, même si je pense l’inverse de lui.
Yann Moix dans Le Nouvel Obs, en 2015

"Moi, je n’ai jamais voté de ma vie, sauf en 1988, Waechter au premier tour et Chirac au second", confiait-il en 2015 au "Nouvel Obs" lors de son arrivée dans "On n’est pas couché." "J’adore Bayrou. J’aimais bien Sarkozy en privé. Comme être humain, il me fascine, il est hypermnésique, d’une intelligence extraordinaire, c’est inouï. J’adore écouter Mélenchon parler de Robespierre, même si je pense l’inverse de lui."

L’actuel chef de l’Etat, en revanche, ne lui inspire aucun respect. "Quand Macron est venu à Calais, la ville a été nettoyée", expliquait Yann Moix en juillet dernier au "Parisien". Les migrants ne votent pas donc il s’en fiche. De toute façon, il est pro-migrant à l’ONU et très sécuritaire face aux anti-migrants", ajoutait-il, avant de lâcher : "Les migrants ont bouleversé mon existence. J’ai fait un burn-out. Mon corps m’a lâché et ma copine m’a quitté."

En cette rentrée littéraire où les nouvelles plumes abondent et étonnent, Yann Moix a donc choisi de privilégier le verbe à l’écrit, lui qui fut lauréat du Goncourt du premier roman en 1996 avec "Jubilations vers le ciel", avant de décrocher, 7 ans plus tard, le Renaudot pour "Naissance", roman fleuve de 1150 pages. Entre les deux, plusieurs livres acclamés et/ou à succès comme "Partouz", "Mort et vie d’Edith Stein" ou encore "Cinquante ans dans la peau de Michael Jackson".

Il y a eu le cinéma, aussi. Avec "Podium" (2004), énorme succès adapté de son propre roman avec Benoît Poelvoorde en clone triste de Claude François. Il sera suivi d’un flop abyssal avec "Cinéman" (2009), dans lequel Franck Dubosc voyageait de film en film pour sauver la femme qu’il aime. Si aujourd'hui son histoire d’amour avec le grand écran est derrière lui, celle avec le petit pourrait encore perdurer. L'impétueux Moix s'est même vu proposer de participer au jury de "La France a un incroyable talent". Il a refusé. 

"L'excès est la manière d'alerter"

Chez Laurent Ruquier, aux côtés de Léa Salamé, puis de Christine Angot, Yann Moix, 50 ans, a gagné en assurance et soigné son sens de la punchline, déjà entraperçu par le passé lorsqu’il faisait la promo de ses livres. Durant trois saisons, il s’est payé le rappeur Nekfeu, la chanteuse Patricia Kaas, la star de téléréalité Nabilla et la moitié du showbiz français. Son transfert chez Thierry Ardisson marque une étape supplémentaire dans sa métamorphose en bête à clashs.

"L’excès est une manière d’alerter", disait Yann Moix en mai dernier, toujours dans "Le Tube". "Et l’excès est quelque chose dans lequel je me sens suffisamment à l’aise pour m’y plonger encore un peu, en tout cas en ce qui concerne la situation des exilés." Ses propos sur la police, enregistrés à l’avance, pourraient valoir à C8 un rappel à l’ordre de la part des sages du CSA, attentifs aux débats sur la chaîne qui a été le théâtre, il y a quelques jours, du face à face tendu entre Eric Zemmour et Hapsatou Sy

Bientôt professeur de littérature... en Corée du Nord

Insaisissable, Yann Moix n’a pour le moment pas réagi à la polémique qu’il vient de susciter. Et surtout pas sur Twitter qu'il qualifiait en 2016 sur Europe 1 de "média d'extrême-droite". Alors que "Paris Match" vient de publier le récit de sa visite en Corée du Nord avec Gérard Depardieu, il travaille sur le montage d’un documentaire consacré à ce périple rocambolesque. Un pays où il a l’intention de donner l’été prochain des cours de français à l’université Kim-Il-Sung de Pyongyang.


Jérôme VERMELIN

Tout
TF1 Info