Jacques Pradel : "Les serial killers sont la face sombre de l’Amérique d’aujourd’hui"

Publié le 30 octobre 2020 à 10h39, mis à jour le 30 octobre 2020 à 10h50

Source : Sujet TF1 Info

INTERVIEW - Son nom rime avec faits divers pour bon nombre de téléspectateurs. Le journaliste Jacques Pradel prête sa voix à l’émission "Chroniques criminelles", qui tente ce samedi 31 octobre d’entrer dans la tête des plus grands serial killers américains. Un numéro spécial sur lequel il livre quelques indices pour LCI.

"Le Picasso du crime", "The Lady Killer" et "le Clown tueur". Des surnoms qui font froid dans le dos et convoquent le souvenir de trois des pires tueurs en séries qu'aient connus les Etats-Unis. L'émission Chroniques criminelles, diffusée ce samedi 31 octobre sur TFX, lève le voile sur la personnalité de ces hommes responsables de la mort de plus d'une centaine de personnes. Un numéro spécial sur lequel revient pour nous Jacques Pradel, qui narre cet effrayant récit.

Le journaliste et auteur spécialiste des faits divers Jacques Pradel.
Le journaliste et auteur spécialiste des faits divers Jacques Pradel. - ANDRE MURACCIOLI

Pourquoi sommes-nous tant fascinés par les serial killers ?

Même si on est frappé par leur horreur, je pense qu’il y a un phénomène banal de fascination et de répulsion qu’on éprouve tous devant les grands faits divers. Les questions que se pose tout le monde sur ce type de crimes abominables sont : "Mais comment et pourquoi en sont-ils arrivés là ? Comment choisissent-ils leurs victimes et quelle est la personnalité profonde de ces gens, qui demeure souvent un mystère ?" On sait très bien qu’on n’arrivera jamais à savoir à 100% exactement pourquoi ils ont fait ça car ils le cachent et souvent se le cachent. C’est en essayant de décrypter le comment qu’on peut comprendre peut-être le pourquoi. Et c’est ce qu’on fait dans Chroniques criminelles. Sans complaisance macabre ou morbide, on expose les faits avec une volonté de décryptage.

L’émission du 31 octobre revient notamment sur le parcours meurtrier de trois hommes qui ont fait trembler les Etats-Unis : Samuel Little, Ted Bundy et John Wayne Gacy. Pourquoi ces trois tueurs ont-ils marqué l’histoire de la police américaine plus que les autres ?

On ne va évidemment pas faire un hit parade morbide mais ils sont tous les trois remarquables par le nombre extraordinaire de leurs victimes. Après être passé sous les radars pendant des dizaines d’années, Samuel Little a avoué très tardivement 93 meurtres  - ce qui en fait un des pires criminels de l’histoire des Etats-Unis. Pour Ted Bundy, on s’est arrêté au nombre de 36 victimes mais les enquêteurs chargés du dossier pensent qu’il a dû tuer une cinquantaine de jeunes filles. Plus de 30 corps ont été retrouvés sous le plancher de la maison de John Wayne Gacy. Ce qui est aussi fascinant et qui se retrouve dans le cas d’autres tueurs en série, comme les Français Francis Heaulme et Michel Fourniret, c’est qu’ils ont curieusement une espèce de mémoire absolument implacable. Ils se souviennent de tout : du temps qu’il faisait, du visage de leurs victimes et des circonstances dans lesquelles ils les ont piégées. C’est absolument glaçant. Ça pose des questions auxquelles on a tenté de répondre avec nos invités, dont Marie-Laure Brunel Dupin qui est une des rares profileuses françaises de la gendarmerie, même si le terme ne lui convient pas. L’historien spécialiste des Etats-Unis François Durpaire essaie lui de nous aider à comprendre le contexte de ces meurtres de serial killers qui sont la face sombre de l’Amérique d’aujourd’hui.

John Wayne Gacy, Samuel Little et Ted Bundy, trois des pires serial killers qu'aient connus les Etats-Unis.
John Wayne Gacy, Samuel Little et Ted Bundy, trois des pires serial killers qu'aient connus les Etats-Unis. - TFX

Vous évoquez cette mémoire absolument implacable qu’ont les serial killers. Samuel Little a été surnommé "le Picasso du crime" car de mémoire, il a dessiné le portrait précis de certaines de ses victimes.

Il a fait le portrait d’une bonne trentaine. Son histoire est très intéressante. Il commence à tuer dans les années 1970, il est arrêté en 2005 et va nier pendant des années. Une profileuse américaine du FBI se souvient alors d’un policier, un Texas ranger comme dans le feuilleton, qui s’appelle James Holland et qui a un talent particulier pour faire avouer les criminels. Il va interroger Samuel Little pendant près de 700 heures, dans un échange proche de la conversation. Il a fallu qu’il amadoue le criminel pour le faire parler. C’est lui qui va avoir cette idée très forte et lui demander de faire un dessin de ses victimes. On l’appelle "le Picasso du crime" car ses dessins, qui sont terribles, ressemblent un peu à de l’art brut. 

L’histoire de Ted Bundy a inspiré Hollywood. Un visage d’ange animé par la haine, c’est cette dichotomie qui le rend d’autant plus fascinant ?

Ce qui le rend fascinant, c’est qu’il est l’un des tueurs les plus intelligents de la période contemporaine. Il a été diplômé de psychologie et choisissait ses victimes - toujours des femmes - dans le milieu universitaire. Il était très rassurant. C’était la gueule d’ange, le copain idéal qui ne ferait pas de mal à une mouche d’après tous ceux qui l’ont rencontré. Mais ses meurtres étaient des massacres d’une violence épouvantable. Il avait cette espèce d’intelligence machiavélique, ses scénarios ont d'ailleurs inspiré le film Le Silence des agneaux. Il se présentait souvent avec un plâtre. Quelques fois il boitait, d’autres fois il avait une canne.

Les progrès de la police scientifique vont compliquer la tâche des tueurs en série. On s’en félicite mais il y aura toujours des gens qui passeront sous les radars
Jacques Pradel

Samuel Little était en marge de la société, Ted Bundy avait une vie sociale débordante. En fait, le profil-type du tueur en série n’existe pas ?

Il n’y a pas de profil-type mais dans le même temps, ils partagent une intelligence du crime. Samuel Little s’est attaqué à des gens dont le destin n’intéressait personne. La plupart de ses victimes étaient des prostituées, des droguées, des fugueuses, des Noires, des Hispaniques… Sans langue de bois, on peut dire que la police ne met pas les petits plats dans les grands pour résoudre le mystère de la disparition d’une prostituée à Downton Los Angeles. C’est là que je parle d’intelligence du crime car il a compris qu’en tuant des gens qui n’intéressaient personne, il allait pouvoir continuer longtemps. Ted Bundy sélectionnait des étudiantes et avait cette intelligence incroyable de profiter du système judiciaire fédéral américain. Quand il sentait que les policiers étaient sur ses traces, il changeait d’Etat et il continuait.

Des affaires d’une envergure semblable aux affaires Little et Bundy pourraient-elles encore se produire au 21e siècle malgré les progrès de la police scientifique ?

Je crois malheureusement que oui. La caractéristique du serial killer, c'est que ses crimes débouchent sur les enquêtes les plus difficiles à mener et qu’il faut parfois des années avant de trouver la clé. Les progrès de la police scientifique vont compliquer la tâche des tueurs en série. On s’en félicite mais il y aura toujours des gens qui passeront sous les radars.

Si l’émission avait tenté d’entrer "dans la tête des plus grands serial killers" français, de qui auriez-vous raconté l’histoire ?

Michel Fourniret et Monique Olivier en numéro un. On les a appelés le couple diabolique. Il faut se souvenir qu’avant de rencontrer Monique Olivier, Michel Fourniret n’avait pas tué. Il avait agressé des dizaines de personnes, li avait été condamné à sept ans de prison et avait été incarcéré à Fleury-Mérogis. C’est de là qu’il avait passé une petite annonce dans Le Pèlerin à laquelle Monique Olivier avait répondu. Je suis fasciné par ce couple.

A force d’étudier les affaires criminelles, le journaliste que vous êtes s’est-il transformé en profiler ? Est-ce que votre regard s’est affiné au rythme des affaires ?

Pas du tout ! Petit, je ne rêvais pas d’être enquêteur. Si j’avais choisi un métier dans le domaine judiciaire, ça aurait certainement été avocat. L’expérience que j’ai pu acquérir au fil de toutes ces années, avec les émissions que j’ai faites ou auxquelles je me suis associée comme Chroniques criminelles, me donne envie d’offrir aux spécialistes judiciaires un accès direct au public. C’est tout l’esprit d’une nouvelle collection que je sors aux éditions Jean-Pierre Otelli. Je ne fais pas de profilage, je m’intéresse au parcours des profileurs.

>> Chroniques criminelles - Serial killer : dans la tête des plus grands tueurs en série, samedi 31 octobre à 21h05 sur TFX


Delphine DE FREITAS

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