"The Voice 2020" : "Je ne voulais plus d'une vie toute tracée" : Nessa, jeune gitane, raconte son combat

Propos recueillis par Rania Hoballah
Publié le 23 février 2020 à 8h50

Source : The Voice

INTERVIEW - Gitane et féministe, elle a décidé de se présenter à "The Voice" malgré les critiques de sa communauté. Nessa, une jeune femme qui fait partie de la communauté des gens du voyage, s'est qualifiée pour les Battles samedi.

Son histoire a touché les coachs. Nessa, une jeune gitane qui se présente comme féministe, a bravé les interdits pour se présenter à "The Voice". Membre de la communauté des gens du voyage, elle s'est qualifiée ce samedi 22 février lors de cette nouvelle session des auditions à l'aveugle. Malgré quelques fausses notes, sa reprise de "La Grenade" de Clara Luciani a marqué Amel Bent, Pascal Obispo et Marc Lavoine qui se sont tous les trois retournés. Une victoire pour Nessa, qui a dû se battre pour en arriver là.  

LCI : Comment vous sentez-vous après votre audition ? 

Nessa : Je me sens soulagée d'un poids. J'ai l'impression de m'être mise à nu et ça fait du bien. 

Se présenter à "The Voice" quand on appartient à la communauté gitane, est-ce un double challenge ? 

Oui. J'ai toujours voulu chanter mais c'est vrai que quand on est une gitane, ce n'est pas facile car on doit préserver notre réputation rester discrète, c'est un mode de vie. Mais à moment j'ai dit stop. La passion était trop forte et j'ai décidé de me lancer malgré ce qu'une partie de la communauté dira. Je veux être libre. Je ne voulais plus d'une vie toute tracée.

Pourquoi les femmes n'ont-elles pas le droit de chanter ? 

Elles peuvent chanter, mais de là à chanter à la télévision c'est autre chose. En fait je pense que le chant, la danse et tous les métiers artistiques sont apparentés à la séduction. Et la communauté gitane est une communauté patriarcale où chacun a un rôle bien défini.

Etre gitane et féministe, ça ne doit pas être facile… 

C'est un combat de tous les jours car j'ai dû me déconditionner avant d'accepter de faire cette émission. A une époque je n'aurais jamais pu supporter la pression et le jugement. Mais c'est à cause d'une maladie que j'ai été sauvée. 

Pouvez-vous nous en dire plus ? 

Il y a 2 ans et demie je suis tombée gravement malade. D'ailleurs dans l'émission je porte une fausse queue de cheval pour retrouver ma chevelure d'avant ma maladie. A l'époque j'ai posé un ultimatum à ma famille : je leur ai dit que je ne me soignerais pas si c'était pour continuer à vivre une vie de regret. Mes parents ont accepté, ils m'ont dit de me soigner. J'ai gagné la liberté de faire ma musique devant les projecteurs et plus jamais dans l'ombre

C'est très courageux de votre part… 

Mais la femme gitane est très courageuse. C'est aussi par amour pour les autres femmes qui souhaitent se lancer dans la musique que je fais cette démarche aujourd'hui car j'aime énormément ma communauté je suis fière de nos valeurs. J'ai envie d'apporter ma pierre à l'édifice. 

J'espère être repérée pour pouvoir faire entendre les textes engagé que j'ai écrits sur des rythmes flamenco urbain.
Nessa

Comme l'a dit Marc Lavoine, les gitans souffrent d'une mauvaise image. C'est quelque chose que vous ressentez ? 

Non parce que j'avais été préparée quand j'étais petite. Je n'en ai jamais souffert. Mais je sais que beaucoup en souffrent et je voudrais montrer que notre communauté est riche de talents et de bonnes valeurs. 

Vos parents sont venus avec vous sur le plateau. C'est une belle preuve d'amour… 

Je n'aurais jamais cru que mon père viendrait. Je pense qu'il espérait que je me fasse éliminer et que j'oublie cette histoire de chant ! Mais le jour J il a été à mes côtés et il m'a même dit qu'il était fier de moi. Ça m'a touchée car il a fait passer l'amour avant les traditions. Il a brisé sa carapace par amour. Car quoi qu'on en dise, chez les gitans l'enfant est roi.

A quoi ressemble votre quotidien ? 

C'est le quotidien d'une femme avec la musique en plus. Je me lève le matin pour aller travailler avec ma mère sur les marchés. Je n'ai pas fait de grandes études mais on m'a enseigné de grandes valeurs. Le soir je suis en studio car je prépare un album et j'espère trouver une maison de disque en faisant "The Voice". J'espère être repérée pour pouvoir faire entendre les textes engagé que j'ai écrits sur des rythmes flamenco urbain. 


Propos recueillis par Rania Hoballah

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