Julien Doré : "Je n'ai plus peur des autres"

Publié le 13 novembre 2014 à 16h32

INTERVIEW – Julien Doré parcourt actuellement la France entière pour défendre son troisième album, "Love", qui connaît un très beau succès dans les charts avec plus de 250 000 copies écoulées. Le chanteur, qui se produira trois fois de suite à l'Olympia ce week-end, mesure le chemin parcouru depuis sa victoire à "Nouvelle Star" et savoure sa popularité grandissante.

Ressentez-vous une excitation particulière sur cette tournée ?
Ce que je ressens de la part du public depuis plusieurs mois, c'est très fort. J'ai vraiment le sentiment que certaines chansons de "Love" ne m'appartiennent plus, qu'elles sont chantées de A à Z par les gens. Ça fait un an et demi qu'on a imaginé ces chansons en studio avec mes gars, et on se propose sans cesse des idées, on remet toujours des choses en question, on travaille des morceaux qu'on avait abandonnés.

La scène reste-t-elle un aboutissement ?
J'ai toujours été le plus heureux dans ces moments de départ en tournée. Au début, il y avait l'excitation de découvrir la scène, de voir si j'en étais capable. Et puis j'ai commencé à trouver des repères et des idées de mise en scène. Là, le spectacle évolue à chaque date, on fait beaucoup de modifications sur tous les tableaux, je me rends compte qu'on est en évolution perpétuelle, mais ça nous fait du bien.

A quoi ressemble votre quotidien sur la route ?
C'est difficile d'avoir une routine parce qu'on est une quinzaine dans le bus. Mais on a de plus en plus de rituels qui nous rassurent. Avec les gars, on se voit vraiment comme une famille. Je le sens aussi quand on a des passages à vide et des moments de doutes, que je suis très fatigué après une série de concerts. Je savais d'une façon inconsciente que j'allais rester avec les mêmes garçons.

Le succès populaire peut-il parfois se transformer en handicap ?
J'ai toujours dit que je ne voulais pas me reposer sur mes acquis, au risque de m'ennuyer. Pour moi, la définition d'un artiste, c'est de toujours savoir se mettre en danger, de tester et d'expérimenter pour aller chercher plus loin. C'est en ça que j'admire Christophe, qui se positionne toujours comme un chercheur. Je ne me dis pas que c'est trop beau pour être vrai, c'est surtout le fruit de mes recherches. Parce qu'on parle de musique et d'art, ça peut être lié au hasard mais le disque laisse transparaître une vérité qui est la mienne aujourd'hui.

Avez-vous l'impression d'avoir un statut particulier en tant que chanteur ?
L'époque dans laquelle on vit me laisse penser que le privilège de chanter des chansons, d'être sur scène, c'est une vraie mission. Les artistes ont la possibilité aujourd'hui d'agrandir le regard du public, et ce n'est pas anodin. Ils sont devenus aussi importants que les mathématiciens, les scientifiques ou les hommes politiques. Je m'intéresse beaucoup aux théories d'Hubert Reeves et je crois beaucoup à l'optimisme pour entrer en communication avec les autres et changer les choses. J'ai parfois l'impression de laisser une trace.

"Je ne me suis pas perdu en chemin"

A titre personnel, vous sentez-vous davantage en phase avec vous-même ?
Oui tout ça m'a permis de comprendre ma place et j'ai évacué la peur des autres. Avec ce disque, j'arrive à davantage m'exprimer sur ma musique, je n'ai plus peur. Si je le fais avec mes tripes, et que je réussis à l'accoucher poétiquement, il n'y a pas de raison que je n'arrive pas à utiliser des mots simples.

A vos débuts, vous vous qualifiez d'escroc. Est-ce toujours le cas ?
Ce sentiment s'est évaporé parce qu'il était sûrement faux. Le fait d'avoir été choisi à la Nouvelle Star et que ma vie change du jour au lendemain a contribué à ça. Ça m'inquiétait qu'on s'intéresse à moi avec aussi peu de travail, alors que je ne faisais que reprendre les chansons des autres. Je voulais me cacher et me mettre à travailler. J'avais trop de lumière alors que je n'avais encore rien allumé en moi. Aujourd'hui, je suis aussi apaisé que je pouvais l'être quand je chantais dans les bars. Je ne me suis pas perdu psychologiquement sur le chemin, je fais toujours de la musique de la même façon.

Reste-t-il un fantasme à accomplir ?
Je repense souvent à un moment magique qu'on a passé au Liban, à Beyrouth, et je me rends compte que j'aimerais faire voyager ma musique. Quand on change son cycle de fonctionnement et qu'on se retrouve perdu, on a l'impression que tout ce qui nous entoure est bien plus immense que notre petite personne. Le voyage ouvre les poumons, le rapport aux autres, à la planète et les perspectives. Je pourrais très bien vivre un an à l'étranger, écrire pour un artiste du pays, car ça ramène à des choses essentielles.

Quand vous voyez Johnny Hallyday, Eddy Mitchell et Jacques Dutronc chanter sur la même scène après 50 ans de carrière, ça vous fait rêver ?
C'est difficile de se projeter, parce que j'ai tendance à m'ancrer dans le présent. Je n'ai pas envie de travestir l'instant présent parce que j'anticipe ou que je regarde dans le rétroviseur. Quand on fait de la musique, on exprime des choses qui nous envahissent, qu'elles soient positives ou négatives. Aujourd'hui, chaque carrière va tellement vite, tout peut être magnifié ou détruit en une fraction de seconde, qu'il ne faut pas trop gamberger sur la suite.


La rédaction de TF1info

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