Offrir du matériel Montessori à ses enfants, la fausse bonne idée ?

par Charlotte ANGLADE
Publié le 16 février 2018 à 14h45, mis à jour le 20 février 2018 à 12h44
Offrir du matériel Montessori à ses enfants, la fausse bonne idée ?
Source : Thinkstock

APPRENTISSAGE - Il promet éveil, épanouissement et autonomie. Le matériel de psycho-développement Montessori, vendu dans divers magasins de jouets, rencontre beaucoup de succès auprès des parents. LCI s'est demandé s'il pouvait cependant être utilisé à la maison par tous les enfants.

Hochet-grelot, cloches musicales, jeux d’encastrement… Que ce soit chez Nature et Découvertes ou dans les différents magasins de jouets, le matériel Montessori a la cote. Attirés par l’appellation tirée de la méthode éducative, nombreux sont les parents à se laisser tenter par ces objets imaginés pour éveiller et développer l’autonomie des enfants. Mais acheter ce genre de matériel pour la maison est-il vraiment conseillé ?

Un accompagnement et un cadre importants

Pour Danièle Viguier-Duvivier, membre du conseil d’administration de l’Association Montessori de France (AMF), il faut avant tout avoir en tête que ce matériel n’est pas un jouet, mais un outil éducatif ayant une fonction très précise. "L’enfant ne peut pas vraiment en faire ce qu’il veut", explique-t-elle. Il doit être accompagné, guidé par un adulte. Et à moins d’être initié à la méthode pédagogique, cela risque de ne pas être une réussite. Car la formation Montessori, "c’est dix mois par tranche d’âge : 0-3 ans, 3-6 ans et 6-12 ans", indique celle qui est aussi présidente et fondatrice d’une école Montessori.

Le cadre dans lequel est utilisé ce matériel compte aussi beaucoup, selon la spécialiste. "Ce matériel est conçu pour être utilisé en classe, explique-t-elle. Et comme il n’y a qu’un exemplaire de chaque à disposition des enfants, cela permet la socialisation et l’apprentissage de l’entraide, du partage et du respect." Le mélange des tranches d’âge, indissociable de la méthode Montessori, permet aussi aux plus petits d’apprendre des plus grands, mais aussi aux plus grands d’apprendre en aidant les plus petits. Or si l’enfant dispose de ce matériel de façon exclusive à la maison, l’apprentissage ne sera pas aussi complet. 

Des risques de confusion

Quelques dispositifs peuvent cependant, d’après la membre de l'AMF, être utilisés intuitivement sans forcément perdre leur fonction première. La poterne de ménage par exemple, qui comporte un balai, une pelle ou encore des éponges peut être manipulée sans guidage particulier. Ces ustensiles, qui ressemblent comme deux gouttes d’eau à ceux que l’on trouve en grande surface, sont là pour développer les capacités d’imitation de l’enfant qui prend exemple sur ses parents. Le cadre d’habillage, qui permet d’apprendre à mettre et démettre des boutons ou à faire un lacet, peut lui aussi être confié à l'enfant qui sera facilement aidé de ses parents.

Pour Ludovic Nittel, le gérant du principal distributeur de matériel, Montessori Spirit, il est dans ce cas aussi simple d'utiliser à la maison les objets du quotidien. Mettre la table apprendra par exemple à l'enfant autonomie et dextérité. "Il faut par contre accepter de voir quelques verres et assiettes cassés au passage, car cela fait partie de l'apprentissage", prévient celui qui fournit principalement les écoles. Pour lui, investir individuellement dans du matériel Montessori est inutile. "Si l'enfant va déjà à l'école, qui a en plus une autre pédagogie, il va être perdu. Et s'il est scolarisé dans une école Montessori, cela ne sert à rien de lui faire faire des doubles journées." 

Un label non déposé victime de quelques dérives

Si le mot "Montessori" fait aujourd'hui vendre, il n'est cependant soumis à aucune restriction. Le label n'étant pas déposé, n'importe quelle marque peut estampiller son matériel librement du nom de la psychiatre italienne à l'origine de la méthode pédagogique. Certaines d'entre elles ont donc totalement détourné les objets de leur fonction primaire. "Nathan, qui commercialisait il y a quelques temps du matériel Montessori, s'est vu retirer la vente de la tour rose [un ensemble de dix cubes roses de taille et de poids croissant à empiler] par l'Association Internationale Montessori car il l'avait faite de toutes les couleurs", se souvient Danièle Viguier-Duvivier. Or la tour rose n'intègre pas, dans ses fonctions pédagogiques, la dissociation des couleurs, mais seulement la notion d'ordre de grandeur, de poids et d'empilement.

Confronté à ce genre de dérives, Montessori Spirit dit refuser de travailler avec des magasins "du type Nature et Découvertes". "Nous ne voulons pas que notre matériel soit mélangé avec des jeux qui portent l'étiquette Montessori, explique Ludovic Nittel. Ce n'est pas que ce qu'ils vendent n'a rien à voir avec Montessori, mais ils ne respectent pas les spécificités basiques, [comme celles des couleurs, ndlr]." Pour beaucoup, la mention de cette pédagogie n'aurait selon lui "qu'un aspect mercantile". Aujourd'hui, seuls trois fabricants dans le monde ont reçu un agrément donné par l'AMI (l'Association Montessori Internationale) : Nienhuis, Gonzagarredi et Matsumoto Kagaku Japan.


Charlotte ANGLADE

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