La dure conciliation entre vie pro et perso : un impact sur la santé mentale, surtout pour les femmes

par Sibylle LAURENT
Publié le 26 septembre 2019 à 7h00
La dure conciliation entre vie pro et perso : un impact sur la santé mentale, surtout pour les femmes
Source : iStock

MODES DE VIE - Dans son enquête "Conditions de travail et risques psychosociaux", dévoilée ce mercredi, la Dares se penche sur la (difficile) conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle. Et montre les impacts sur la santé mentale. Etat des lieux.

Des vies professionnelles et personnelles plus difficiles à concilier quand les horaires débordent, sont décalés. Plus difficiles quand les salariés sont en couple avec de jeunes enfants. Et quand les temps de transports sont longs, de plus d’une heure. 

En elle-même, l’enquête "Conditions de travail et risques psychosociaux"  de la Dares (Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, un organisme rattaché au ministère du Travail) publiée ce mercredi, semble dérouler des faits assez logiques : oui, plus on travaille, plus il est difficile de concilier vie familiale et vie professionnelle ; et certains salariés sont plus concernés que d’autres. Mais elle dévoile aussi une conséquence plus méconnue : l’impact que peuvent poser ces difficultés sur la santé, et notamment la santé mentale. 

Première chose, toutes les catégories socio-professionnelles semblent exposées à des "reproches" - le terme utilisé par l'enquête - de l’entourage. Les cadres sont toutefois un peu plus nombreux à déclarer des crispations par rapport aux professions intermédiaires ou employés de commerce. "Cette surexposition peut s’expliquer par des horaires plus larges et un travail intense", indique l’enquête. La question des horaires semble d’ailleurs être un facteur majeur : "Plus les horaires sont atypiques et imprévisibles, et plus les reproches sont fréquents, et ce de façon beaucoup plus importante pour les femmes", note Maryline Bèque, chargée d’étude. 

Près d'un tiers des femmes en 3/8 déclarent ainsi subir des reproches de leur entourage, tandis que les hommes ne sont que 18%. Même écart pour le travail de nuit : 28% des femmes disent que cela provoque des reproches, contre 24% des hommes. De la même manière, travailler trop souvent au-delà de l’horaire prévu aggrave la situation pour près d’un tiers des salariés, contre 8% quand il n’y a pas de débord. Même topo pour le travail le week-end.

Les rôles féminins ou masculins plus marqués selon les CSP

Pèsent, aussi, les conditions ou le mode de travail : l’intensité de travail, avec l’obligation de se dépêcher ou de devoir effectuer une quantité excessive de travail, une forte charge mentale au travail (devoir penser trop de choses à la fois, de continuer à penser au travail hors du lieu de travail) sont autant de facteurs aggravants. 

Les femmes sont d’ailleurs plus soumises aux reproches de leur entourage, notamment dans les classes populaires, où, sans doute, les rôles féminins et masculins sont plus marqués. "Elles ont la charge du travail domestique et leur implication au travail est moins acceptée par leur entourage", indique la chargée d’étude. "A l’inverse, être femme cadre protège des reproches. Elles ont des conditions de travail qui favorisent les reproches, mais ont les moyens de financer les contraintes grâce à des ressources plus importantes." En clair, les moyens de payer une nounou ou une assistante maternelle.

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Un pas vers la dépression

L’impact sur la santé, et notamment la santé mentale,  ressort particulièrement : les salariés qui déclarent recevoir des reproches de leur entourage signalent plus souvent une santé perçue comme "altérée". Et les femmes vivent particulièrement mal ces reproches plus que les hommes. 41% des femmes (contre  29% des hommes) qui font état de difficultés avec leurs proches déclarent que leur état de santé est "assez bon, mauvais pou très mauvais", contre 28% de femmes et 19% d’hommes qui n’ont pas de difficultés avec leur entourage. Même chose pour les troubles du sommeil.

Plus encore, 26% des femmes qui font part de reproches de leur entourage présentent un syndrome dépressif. "C’est le résultat le plus étonnant. Cela nous a surpris, et notamment l'écart considérable avec les hommes (11%)", note Thomas Coutrot, chef du département 'conditions de travail et santé' de la Dares. La probabilité de présenter un syndrome dépressif est en effet multipliée par deux chez les femmes quand elles sont confrontées à des reproches. "En fait, les hommes déclarent subir autant de reproches que les femmes, mais cela ne les affecte pas de la même façon", constate Thomas Coutrot. L’explication, là encore, reste une hypothèse. "Même si aujourd’hui les femmes sont de plus en plus nombreuses à être salariées, les représentations sexuées persistantes pourraient expliquer le lien plus important entre reproches de l’entourage et santé psychique des femmes", indique Maryline Bèque.

Ce qui améliore la conciliation

L’étude montre que le travail à temps partiel facilite la conciliation entre vie pro et vie perso : seuls 9% des salariés travaillant à temps partiel rapportent ainsi des reproches de leur entourage, contre 14% pour les salariés à temps plein. Ce mode de travail est pratiqué par un tiers des femmes (contre 6% des hommes), qui disent l'avoir choisi d'abord pour s’occuper des enfants.

Autre élément qui favorise les temps de vie, le soutien social au travail. "Le fait de pouvoir être aidé de ses collègues ou supérieurs hiérarchiques améliore l’équilibre et contribue à baisser le sentiment de pression", énonce Maryline Bèque. De même, les personnes qui ont de l’autonomie dans leur travail ou davantage de marges de manœuvre connaissent moins de difficultés. Idem pour les salariés qui peuvent modifier leurs horaires en s’arrangeant avec les collègues.


Sibylle LAURENT

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