Trop de réunions tue la réunion : en marchant, debout ou sans PowerPoint, ces entreprises ont trouvé la solution

Publié le 9 janvier 2019 à 9h00, mis à jour le 9 janvier 2019 à 16h42

Source : JT 20h Semaine

REUNIONITE AIGUË - D'après une étude publiée en septembre dernier, un cadre passerait plus d'un mois par an en réunion. Sans aucune efficacité : près d'une réunion sur deux n'aurait aucun intérêt ! Des entreprises ont trouvé des solutions. LCI en passe quelques-unes en revue.

Episode souvent vu au boulot : "Oh, j’ai encore une réunion..." Suit, en général, un soupir fatigué ou excédé. Après des années de réunions à toutes les sauces, à un moment où le management ne jure que par l’intelligence collective, serait-on parvenu à une saturation ? Trop de réunions tue-t-il la réunion ? La réunion est-elle allée trop loin ? 

En septembre dernier, une enquête Ifop a d’ailleurs mis des chiffres sur cette réalité, titrant avec provocation : "En 2018, les cadres passeront plus de temps en réunion qu’en vacances". Selon l’institut de sondage, ils devaient consacrer l'équivalent de 27 jours en réunion, soit 3 de plus qu’en 2016. Et cette augmentation serait due, non pas à la hausse du temps de réunion, mais à la hausse du nombre moyen de réunions hebdomadaires (3,5 en 2018 contre 3 en 2016). 

C'en est devenu une blague

Les chiffres questionnent aussi l'intérêt de ces moments : près d’un cadre sur deux dit ne pas réussir à s’y exprimer ; une réunion  sur deux seulement est considérée comme productive par les salariés ; une personne sur quatre estime carrément sa présence inutile. Résultat : sept cadres sur dix estiment que les réunions sont "improductives et inefficaces". 

La réunion est devenue si ankylosée et si chronophage que le concept même est devenu une blague, synonyme de "Powerpoint" et de "temps perdu", comme le fait ce compte Twitter qui annonce l’instauration d’une association "Réunion sans frontières".

De grosses entreprises ont déjà pris la mesure du problème de tout ce temps perdu coincé à une table entre quatre murs à subir les 27 pages d’un Powerpoint. Et essaient, chacune à leur manière, d’y remédier. Quelques idées. 

Sans support numérique

> La réunion sans Powerpoint ! C’est un quasi-appel à révolution, tant ce système est devenu le support de toutes les réunions. L’idée est de dire : le sacro-saint Powerpoint ne sert à rien. Il fait souvent doublon avec la parole de l’intervenant et ne permet pas de se concentrer.

Cette révolution est pourtant menée par les plus grands, tels Jeff Bezos, grand patron d’Amazon. Dès 2004, il a envoyé un mail à son équipe de direction avec une en-tête claire : "Vous pouvez oublier les PowerPoint".  Pour lui, "les présentations de type PowerPoint donnent parfois l'autorisation de faire l'impasse sur certaines idées, d'aplanir les niveaux d'importance et d'ignorer le fait que les idées sont interconnectées." Or, selon lui, un bon mémo, dans sa composition, force plus à réfléchir à une meilleure hiérarchisation des informations. 

Chez Amazon, les réunions se déroulent donc sur un autre mode : si un employé a une idée à présenter, il l’écrit dans une note de 4 à 6 pages. Les collaborateurs passent les 20 premières minutes à la lire puis posent des questions. 

En s'aérant

> Les réunions en marchant. LinkedIn et Facebook ont imposé ces réunions appelées "co-walking" ou "walk and talk". Pour Jeff Weiner, patron de Linkedin, cette méthode "élimine les distractions". Mark Zuckerberg, boss de Facebook, décide pour sa part s'il va embaucher quelqu'un en marchant avec lui. Preuve de l'appétence pour ce modèle, la conférence TED de l'auteure Nilofer Merchant, datant de 2014, qui parle de ces réunions en marchant, a été vue plus de trois millions de fois.

Les avantages : pas besoin de réserver une salle ou d’envoyer des invitations, on sort entre participants et on marche dans la rue ou dans un parc. Pas de présentation, pas de smartphone ni de prise de notes : le concept fait aller directement à l’essentiel, en se concentrant sur les problèmes à résoudre plutôt sur l’observation des problèmes. "Les échanges se font dans un cadre informel et suivent le modèle du brainstorming : chaque participant lance ses idées et ensemble, ils essayent de proposer une solution", explique le blog Cowork. A cela, s’ajoutent les bienfaits de la marche et du grand air, qui favoriseraient la créativité et la libre expression en lissant les rapports hiérarchiques et en sortant du cadre. 

Sans siège

> Les réunions debout. Autrement appelées "stand-up meeting". Là encore, concept simple : allez hop, on enlève les sièges ! Ce coup-ci, on reste dans l’entreprise, entre quatre murs, mais on devine aisément le principe de base de ce système, qui mise sur le fait que les collaborateurs ne vont pas tenir longtemps debout sans se fatiguer et vont donc participer à la brièveté de la réunion en allant directement à l'essentiel. En restant éveillé, la technique permet aussi d'éviter de tomber dans un demi-sommeil léthargique lors de l'avalanche de Powerpoints.

C’est ce qu’a d’ailleurs institué Michael Bloomberg, homme d’affaires et ancien maire de New-York. Il racontait dans son autobiographie comment il s’était senti frustré, coincé un jour à une réunion dans son entreprise, où les participants lisaient un résumé des progrès de leur service... qui figuraient sur les prospectus distribués au début. La semaine d’après, il faisait retirer les chaises de la salle de conférence avant de commencer.  "C'est incroyable à quel point les conférences stand-up sont plus rapides et plus ciblées", écrit-il.

Déchaussé

> Les réunions sans chaussures. La question du séant fait l'objet de beaucoup de réflexions. Se sont aussi ainsi développées les salles de réunions équipées de poufs ou sans tables, toujours dans le but de libérer la créativité et faire bouger les participants. 

La société Plantronics, spécialiste des télécommunications, dispose ainsi, dans ses nouveaux bureaux d'Ivry-sur-Seine, d'une "salle de brainstorming" bien particulière : "Juste des banquettes et des tabourets sur roulette. Des murs blancs font office de tableaux et une moquette aux poils longs invite les occupants qui le souhaitent à se déchausser", décrit le site Worplace. 

Minuté

> Les pendules qui décomptent le temps. Autre trouvaille de Michael Bloomberg,  apportée avec lui à l’hôtel de ville de New York lors de son mandat : l’installation d’horloges de comptage dans les salles de réunion. Le but ? Rappeler aux membres du personnel le temps qu’ils y passent. Le système est simple : il s’agit d’appuyer sur un bouton au début de la réunion et l’affichage indique à tous les participants le temps qui s’écoule. "Nous cherchons toujours des moyens d'accélérer les choses", raconte un proche dans la biographie du maire. Cela peut paraître anecdotique, et pourtant : la présence des horloges aurait raccourci les temps de réunion de 20%.

Connecté

> La solution hightech. Quand il est arrivé dans son ministère, le jeune secrétaire d'État au Numérique d'Emmanuel Macron a voulu s’inspirer du "souffle managérial des start-up" et renforcer la productivité et l’efficacité au sein de son cabinet. "Je me suis habitué aux réunions agiles dans lesquelles tout le monde participe et où l'on va vite. Les réunions traditionnelles n'ont souvent pas de réels objectifs et donc moins d'intérêt", racontait en 2017 Mounir Mahjoubi au Figaro. 

Sa solution a été numérique, via Klaxoon, une sorte de tableau Velleda numérique, avec des post-it dématérialisés, développés par une PME bretonne. Les plus grands groupes se sont déjà laissés tenter, comme Carrefour, L'Oréal, Thalès, EDF, la SNCF, Schneider Electric ou encore Disney. Selon Le Figaro, le tableau permet de "garder une trace des réunions passées", de "connaître l’état d’avancement d’un dossier" et de "valoriser chaque participant" en se "rapprochant du dialogue naturel". 

Objectif en tête

> Commencer par la fin !  Louis Vareille, ancien cadre dirigeant de Danone, conseiller en management, et qui se définit comme président de l'école internationale de réuniologie, livre dans Challenges ses consignes pour "en finir avec la réunionite aiguë".  Car les réunions sont parfois indispensables, pour que les collaborateurs s’entendent. Il faut juste savoir bien les mener. Par exemple en ayant dès le début dans le viseur l’objectif final. S'il n’y a pas de but affiché, autant ne pas avoir de réunion.  Il faut également soigner le casting et sélectionner soigneusement les participants. Et démarrer à l’heure !

Les start-ups s'engouffrent sur le créneau

Preuve que les réunions n'ont cependant pas vocation à disparaître, les start-up se positionnent sur le créneau pour les rendre plus utiles et plus efficaces. Sparkup veut ainsi "permettre à chaque participant de prendre la parole, de contribuer et d’être plus engagé à travers une interaction, collaboration décuplée", via une plateforme interactive qui compile une quinzaine d'activités pour animer des réunions tels que sondages, brainstorming,  quizz. Elle équipe déjà La Poste, la SNCF, l'Edhec, et même... Nissan, au Japon.

Ou encore Rôti Express, une plateforme dédiée au recueil de feedback instantané. Cet outil permet de "détecter très rapidement une réunion "qui va mal" et de recueillir des suggestions d'amélioration auprès des premiers concernés : les participants eux-mêmes", indique la société.

Entr'UP, start-up lonnaise, a, elle, déployé Aster, pour "optimiser le temps passé en réunion", via ce "smart assistant qui, directement dans votre agenda Outlook, prépare vos réunions, relance les participants selon leur rôle, puis génère et partage vos comptes-rendus automatiquement dès la fin de la réunion".


La rédaction de TF1info

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