TÉMOIGNAGE – La comédienne Adèle Haenel a confié à "Médiapart" qu'elle avait été sous l'emprise du réalisateur des" Diables", le film qui l'a révélée. Elle était alors âgée de 12 ans. L'intéressé nie catégoriquement les faits.
Elle a décidé de sortir du silence dans lequel elle s'était emmurée. Dans un article publié sur le site Médiapart, la comédienne Adèle Haenel accuse le réalisateur Christophe Ruggia d'"attouchements" et de "harcèlement sexuel" alors qu'elle était âgée de 12 à 15 ans. "Je suis vraiment en colère. Mais la question ce n’est pas tant moi, comment je survis ou pas à cela. Je veux raconter un abus malheureusement banal, et dénoncer le système de silence et de complicité qui, derrière, rend cela possible", a confié la comédienne récemment à l'affiche de "Portrait de la jeune fille en feu".
Révélée par le film "Les Diables", de Christophe Ruggia, Adèle Haenel a décidé prendre la parole après avoir vu le documentaire "Leaving Neverland" sur les accusations de pédocriminalité contre Michael Jackson. "Ça m’a fait changer de perspective sur ce que j’avais vécu, parce que je m’étais toujours forcée à penser que ça avait été une histoire d’amour sans réciprocité. J’avais adhéré à sa fable du “nous ce n’est pas pareil, les autres ne pourraient pas comprendre”. Et puis il a aussi fallu ce temps-là pour que je puisse, moi, parler des choses, sans en faire non plus un drame absolu", a précisé la comédienne aujourd'hui âgée de 30 ans. "Le silence n’a jamais été sans violence. Le silence est une immense violence, un bâillonnement", a-t-elle admis.
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Les rapports qu’entretenait Christophe avec Adèle n’étaient pas normaux. On avait l’impression que c’était sa fiancée
Laëtitia, la régisseuse générale des "Diables"
Elle évoque notamment des attouchements sur les "cuisses" et "le torse", des "baisers forcés dans le cou", "un harcèlement sexuel permanent" de la part d'un réalisateur qui était âgé de 36 ans, et dont elle était sous l'emprise. Au cours d'une enquête qui a duré sept mois, Médiapart a rencontré une trentaine de témoins qui confortent la version de la comédienne qui ne souhaite pas porter l’affaire devant la justice qui, selon elle, "condamne si peu les agresseurs" et "un viol sur cent". "Les rapports qu’entretenait Christophe avec Adèle n’étaient pas normaux" raconte notamment à Médiapart Laëtitia, la régisseuse générale des "Diables". "On avait l’impression que c’était sa fiancée. On n’avait quasiment pas le droit de l’approcher ou de parler avec elle, parce qu’il voulait qu’elle reste dans son rôle en permanence. Lui seul avait le droit d’être vraiment en contact avec elle. On était très mal à l’aise dans l’équipe", se souvient-elle.
De son côté, Christophe Ruggia a fait savoir par le biais de ses avocats qu'il contestait les accusations de son ancienne protégée. "Je réfute catégoriquement avoir exercé un harcèlement quelconque ou toute espèce d’attouchement sur cette jeune fille alors mineure", a-t-il expliqué dans un courrier adressé à Médiapart. "Vous m’avez fait parvenir cette nuit en 16 points un questionnaire fleuve sur ce qu’aurait été la relation professionnelle et affective que j’ai entretenue, il y a plus de quinze ans avec Adèle Haenel dont j’ai été le 'découvreur' de son grand talent. La version, systématiquement tendancieuse, inexacte, romancée, parfois calomnieuse que vous m’avez adressée ne me met pas en mesure de vous apporter des réponses", a-t-il conclu.