Bâtiments, végétalisation, sols... La ville verte de demain vue par un architecte

Propos recueillis par Caroline Quevrain
Publié le 28 février 2020 à 17h31
Bâtiments, végétalisation, sols... La ville verte de demain vue par un architecte
Source : PHILIPPE HUGUEN / AFP

ENTRETIEN – Partenaire du Prix Entreprises pour l’environnement (EpE), LCI vous livre pendant un mois des articles autour de la thématique "Vivons la nature en ville" et plus généralement de l’environnement. Alors que la vie en ville est de plus en plus irrespirable et sujette au dérèglement climatique, les architectes réfléchissent aux enjeux d’urbanisation de demain. Entretien avec Fabien Gantois, vice-président de l’Ordre des architectes d’Île-de-France.

La végétalisation de la ville est l’un des sujets centraux des élections municipales de mars prochain et tous les candidats revendiquent peu ou prou leur volonté de verdir l’espace urbain. Si Angers est à la pointe des enjeux de développement durable, ce n’est pas le cas de toutes les grandes villes de France. Alors, comment penser l’espace urbain de demain ? Entretien avec Fabien Gantois, vice-président de l’Ordre des architectes d’Ile-de-France, conseil de trente architectes praticiens élus par leurs pairs au suffrage universel direct. 

LCI : Face au changement climatique, quels sont les enjeux de demain pour vous les architectes ? 

Fabien Gantois : Une précision d’abord : il y a une évolution climatique qui est en cours et personne ne peut le contester. Néanmoins, on ne la connait pas, elle n’est que prévisionnelle. Ce qui veut dire que les réponses à apporter, en termes d’architecture, sont inconnues. Ce que l’on sait, c’est que le changement climatique se passe plus vite que prévu. Or, la ville renouvelle chaque année 2 % de son parc existant. Il faudrait donc entre 50 ans et 1 siècle pour que la ville soit totalement réhabilitée. C’est beaucoup trop long. Les investissements doivent être massifs, il faut un plan Marshall au niveau national.

L’enjeu se trouve dans la lutte contre la source de cette évolution climatique, c’est-à-dire le dégagement du carbone au niveau climatique. Les bâtiments, eux, doivent dépenser le moins d’énergie possible et surtout ne plus dépenser d’énergie carbonée. Il faut isoler les bâtiments, qu’ils soient adaptés au changement climatique. Les dépenses sont déjà engagées pour faire face aux problématiques hibernales. Le vrai sujet, c’est de transformer rapidement face aux canicules d’été. Pour qu’un bâtiment soit capable de conserver de la fraîcheur, il faut par exemple changer les vitrages, protéger les toitures…

Nous devons axer sur la dépense énergétique mais aussi sur la construction des bâtiments eux-mêmes, en utilisant des matériaux en bois, en paille, en chanvre. Evidemment, nous avons encore besoin du béton, au moins pour les fondations, mais il s’agit de réduire sa part à son juste emplacement. Et puis il faut aussi et surtout réhabiliter le plus possible les bâtiments déjà existants, en arrêtant de démolir pour reconstruire. Aujourd’hui, il y a 2,7 millions de logements vides en France, soit un taux presque égal à la demande. 

LCI : Quels sont les meilleurs exemples à ce jour de villes vertes dans le monde ?

Fabien Gantois : Il n’y a pas de modèle unique de ville verte. Chaque ville doit accueillir la végétalisation qui lui est propre. Cela étant, la ville verte n’est pas forcément plantée, la ville verte est écologique. C’est celle qui est en adéquation avec son milieu naturel. Evidemment, la végétalisation a de grands bénéfices sur le milieu urbain : l’arbre va transpirer et va permettre un rafraîchissement adiabatique (rafraîchissement d’air par évaporation, ndlr). 

Le grand enjeu derrière la végétalisation et la déminéralisation des sols est de ramener de la fraîcheur en ville. Quand nous posons encore de l’asphalte noir dans une ville, je me dis qu’il y a un problème. À Paris, les sols sont noirs  et c’est un vrai sujet. La ville de demain, ce n’est pas une ville noire, c’est une ville blanche. 

LCI : De nombreux citoyens souhaitent "mieux respirer en ville" : quels sont les moyens d’y parvenir ? 

Fabien Gantois : La première question à se poser, c’est celle de la motorisation. Aujourd’hui, nous ne respirons pas car il y a des moteurs thermiques partout. Il faut donc changer la motorisation des véhicules, en passant à des modèles électriques et évidemment en privilégiant les transports en commun. 

Ensuite, la ville doit mettre en place des actions de végétalisation en créant des parcs et en pressant la végétalisation diffuse : cela veut dire planter là où l’on peut planter. Dans le cadre des municipales, tous les candidats pensent à planter. Or, c’est compliqué parce qu’il n’y a plus beaucoup de place dans le sol.

Toute politique de renaturation de la ville est une politique bénéfique. L’idée est de redonner une qualité respirante aux sols. Aujourd’hui, toute l’eau de pluie part dans la Seine alors qu’elle pourrait entrer dans les sols. La Bièvre est un bon exemple puisqu’elle est traitée comme un égout (rivière enfouie à Paris, ndlr). Nous pourrions capter l’eau de pluie pour revaporiser, imaginer des grands îlots de fraîcheur. La présence de l’eau en ville est bénéfique, climatiquement et socialement.

Comme chaque année depuis 15 ans, Entreprises pour l’Environnement (EpE), LCI (anciennement Metronews) et les sponsors du Prix lancent leur appel à projets pour le Prix Jeunes pour l’Environnement doté de plus de 10 000€. Cette année, les jeunes de 15 à 30 ans sont invités à formuler des idées concrètes et inédites en répondant à la problématique suivante : "La nature et la ville seront au cœur de l’actualité en 2020, une année décisive pour le climat et la biodiversité. Comment les villes de demain assureront-elles bien-être et santé à tous les citadins ? De nombreux défis restent à relever afin de transformer nos conditions de vie en ville : limiter l’étalement urbain, lutte contre le changement climatique, réduction de la pollution, gestion des déchets, accès à une alimentation saine, constructions durables…" Soyez ambitieux, créatifs et persuasifs ! Dépôt des dossiers jusqu’au 23 mars 2020.


Propos recueillis par Caroline Quevrain

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