Des orques repérés pour le première fois dans le détroit de Messine : de quoi est-ce le signe ?

par Charlotte ANGLADE
Publié le 30 décembre 2019 à 15h49, mis à jour le 30 décembre 2019 à 16h20

Source : TF1 Info

MIGRATION - Près d'un mois après que des orques ont été aperçues au large de Gênes, en Italie, trois individus ont cette fois été signalés dans le détroit de Messine, qui sépare la péninsule italienne de l'île de Sicile. Pour l'association Marecamp, qui l'a annoncé, il s'agit d'une "première". Nous avons demandé à Léa David, biologiste à EcoOcéan Institut, ce que l'on pouvait comprendre de cette présence ?

Du jamais vu. Un groupe de trois orques a été aperçu pour la première fois, vendredi dernier dans le détroit de Messine, qui sépare la péninsule italienne de l'île de Sicile, en Méditerranée. Pour l'association Marecamp, qui a publié les images des animaux sur Facebook, il pourrait s'agir des mêmes individus repérés au début du mois de décembre au large du port de Gênes, en Italie. En provenance d'Islande, ceux-ci étaient alors accompagnés d'un petit.

Alors que ces mammifères marins sont actuellement menacés d'extinction, leur présence dans les eaux méditerranéennes est-elle un nouveau signe du dérèglement climatique ? Nous avons posé la question à Léa David, biologiste à EcoOcéan Institut, une association qui œuvre pour la conservation des vertébrés marins en Méditerranée.

Des animaux voyageurs

"Il est en fait très difficile d'expliquer la présence de ces orques à cet endroit", nous répond la scientifique spécialiste des cétacés. "Et bien malin sera celui qui aura la réponse, car ce sont très animaux très mobiles. C’est un peu comme les humains : il y a des sédentaires et des voyageurs. Parfois, le voyage est provoqué par des conditions extérieures comme le manque de nourriture, un changement dans les conditions de vies... Et parfois non."

Pour Léa David cependant, s'il s'agit bien des mêmes individus que ceux aperçus au large de Gênes, la présence d'un bébé pose question car un tel voyage peut le mettre en danger. "On ne sait pas vraiment ce qui a pu les pousser à faire ce long voyage, mais j’aurais envie de dire que c’est quelque chose de l’ordre du vital : soit trouver à manger, soit trouver des eaux plus chaudes parce que le bébé se porte mal", affirme-t-elle.

Une présence d'ordre sociale ?

Le déplacement d'un groupe de cétacés pour tenter de sauver l'un des leurs n'est en effet pas rare. Sociables par nature, les orques sont capables d'escorter et d'épauler un individu mal en point, à l'image des globicéphales. Ces mammifères de la famille des dauphins peuvent ainsi s'échouer en masse en accompagnant la fin de vie de l'un des leurs. "Nous avons remarqué que lorsque l'on achevait cet individu, les globicéphales du groupe étaient alors beaucoup moins nombreux à s'échouer", note la biologiste.

Leur présence peut aussi s'expliquer par la dislocation d'une famille. "Les orques sont des animaux matriarcaux. Donc si une grand-mère tient le groupe et vient à mourir, celui-ci va se diviser en sous-groupes et chercher un autre territoire."

Une adaptabilité à tous milieux

Pour autant, les orques, qui vivent généralement dans les eaux froides du globe, peuvent-ils vraiment s'établir durablement en Méditerranée ? "Les orques ont une couche de graisse telle qu’elles peuvent être mobiles dans des eaux plus chaudes, voire, si elles y trouvent des conditions favorables, s'y installer", explique Léa David. Ainsi, sur les trente dernières années, des orques ont déjà été vues "deux ou trois fois" dans les eaux méditerranéennes. Des orques se rendent aussi chaque année dans le Détroit de Gibraltar. "Il y a 35 ou 39 individus connus qui s'y trouvent les ans, à une certaine période qui correspond à l’arrivée des thons."

En changeant de milieu, les orques sont également capables de changer de proies de prédilection. "En fonction de leur lieu de vie et de l’abondance de telle ou telle source de nourriture, certains orques se nourrissent ainsi plus de poisson, comme le thon et le saumon, ou de mammifères, à l'image des phoques. Selon la biologiste, il se pourrait donc que les animaux, face à un déficit possible de proies en Islande, aient tenté d'aller voir si "l'herbe était plus verte ailleurs". "Mais tout cela n'est qu'hypothèses", rappelle la scientifique.

Dans une publication Facebook, l'association Marecamp rappelle aux marins naviguant dans cette zone de respecter le code de bonne conduite pour l'observation des cétacés. "Ils sont déjà particulièrement stressés, probablement confus ou malades, et tout acte inexpérimenté pourrait compromettre leur retour à la maison", indique-t-elle. D'éventuelles collisions avec des navires sont également à craindre dans le détroit, où le trafic maritime est dense.


Charlotte ANGLADE

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