Fuite de pétrole dans les Yvelines : "Total est juge et partie", dénonce un responsable associatif

par Matthieu JUBLIN
Publié le 27 février 2019 à 19h22

Source : JT 20h Semaine

ENVIRONNEMENT - Après la rupture d'un pipeline, dimanche, à 40 kilomètres de Paris, la fuite de pétrole a été jugulée mardi "en début de matinée" mais les opérations de dépollution devraient prendre plusieurs mois. Joint par LCI, le responsable d'une association environnementale s'étonne que des mesures de pollution soient confiées à Total, gérant du pipeline.

Quelles seront les conséquences environnementales de la fuite de pétrole causée par la rupture, dimanche, d'un pipeline au niveau de la commune d'Autouillet, dans les Yvelines ? Personne n'est en mesure de le dire ce mercredi, mais ce sera à Total, le gérant du pipeline, d'effectuer les relevés de pollution, et ça ne fait pas l'unanimité.

"Conformément à l'arrêté du préfet prescrivant les mesures urgentes, Total doit réaliser tous les prélèvements pour déterminer la zone polluée, y compris en profondeur, sous contrôle des services de l'État", a précisé à LCI le directeur de cabinet du préfet, Thierry Laurent. La préfecture a indiqué que la fuite a été jugulée mardi "en début de matinée" et qu'il "n'y a plus de déversement de pétrole dans les champs". Elle précise qu'une zone de 7 hectares est touchée "en surface", mais nul ne sait à cette heure jusqu'à quelle profondeur le pétrole a pu pénétrer, ni à quel point il a contaminé le milieu naturel et donc la chaîne alimentaire. Selon Le Parisien, près d'un million de litres de pétrole se seraient déversé par une brèche d'un mètre de longueur dans ce pipeline de 40 centimètres de diamètre.

"Si les seuls experts sur place sont ceux de Total, nous demandons une expertise contradictoire", a réclamé, Jérôme Partos, vice-président de France Nature Environnement (FNE) et membre de l'association environnementale BiodiverCités 78. Contacté par LCI, ce militant écologiste des Yvelines estime qu'il est "étonnant" que la compagnie pétrolière, en charge de la gestion du pipeline, soit "juge et partie" dans ce dossier.

Quels peuvent être les dommages ?

La contamination du milieu naturel peut s'étaler à différentes échelles, et avoir des effets à court terme comme à plus long terme. Les deux parcelles polluées, qui appartiennent à deux agriculteurs, bordent en effet le ru de la Coquerie, qui se jette dans le ru du Breuil, puis dans les rivières du Lieutel et de la Mauldre, un affluent de la Seine dans lequel des traces de pétrole auraient été détectée mardi, selon Le Parisien.

Total "poursuit les mesures urgentes qui consistent à pomper le pétrole et à faire des travaux de terrassement pour isoler du réseau hydrographique le secteur pollué", a précisé Thierry Laurent, en ajoutant que "la police de l'eau de la direction départementale des territoires (DDT) va faire des prélèvements pour voir s'il y a de la pollution au-delà des zones touchées".

Concernant les environs immédiats du pipeline, enterré à 1 mètre de profondeur, la préfecture a rappelé que les champs touchés, étaient interdits d'accès, que tout captage d'eau dans les ruisseaux concernés est interdit et que les animaux ne doivent pas s'y abreuver. "Il n'y a pas de signaux laissant penser que la nappe phréatique est atteinte", mais des études sont en cours, a indiqué M. Laurent.

"Dans le cas d'une contamination de la nappe phréatique, les conséquences à long terme sont plus importantes", affirme Jérôme Partos à LCI. "Plus on attend, plus le pétrole va être drainé en profondeur, et la pluie peut aussi accélérer sa descente", ajoute-t-il, en précisant que si le pétrole brut a un effet destructif à court terme sur la faune mais si c'est du pétrole brut, les éventuels adjuvants qui lui sont ajoutés peuvent aggraver les dommages à long terme. Dans les eaux de surface également, "le pétrole ne fait pas que flotter, mais il se dissout dans l'eau et devient toxique pour toute la chaîne alimentaire".

Quant aux sols contaminés qui doivent être enlevés, il peuvent représenter des "centaines de milliers de tonnes", estime M. Partos, pour qui une pollution sur 2 mètres de profondeur - soit un volume de terre de 140.000 mètres-cube -  serait "une hypothèse optimiste". Reste ensuite le problème du stockage et de la dépollution de ces terres, "très coûteuse", et de la réhabilitation des champs pollués. "Total va tout prendre en charge, y compris l'indemnisation des propriétaires agricoles et des riverains", a indiqué M. Laurent, qui prévoit des opérations de dépollution sur "plusieurs mois".

En 2014, un incident d'une ampleur moindre (plusieurs dizaines de milliers de litres de pétrole sur moins d'un demi hectare) près du Havre avaient entraîné l'arrêt de la raffinerie de Grandpuits (Seine-et-Marne) pendant trois semaines et des travaux de dépollution pendant 6 mois, rappelle Le Parisien.


Matthieu JUBLIN

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