Interdiction des pesticides près des habitations : pourquoi des élus défient le gouvernement

Publié le 30 août 2019 à 11h11

Source : JT 20h Semaine

PESTICIDES - Dans la foulée du maire de Langouët, en Bretagne, une trentaine d'élus français ont selon ce dernier pris un arrêté interdisant les pesticides près des habitations de leur commune. LCI revient sur cette cette passe d’armes juridique avec l’Etat autour d'un sujet environnemental sensible.

Le 18 mai dernier, Daniel Cueff, maire de Langouët (Ille-et-Vilaine), prenait un arrêté interdisant l’usage de pesticides à moins de 150 mètres des habitations de sa commune. Le 22 août, le tribunal administratif de Rennes a suspendu la mesure, considérant que l’élu n’était pas compétent pour réglementer sur ce genre de sujet. En bref, qu’il avait outrepassé ses fonctions et que la réglementation des pesticides appartenait au ministère de l’Agriculture. Depuis, d’autres élus - plus d'une trentaine  selon Daniel Cueff - se sont soulevés en prenant à leur tour des arrêtés en ce sens. 

Les maires peuvent-ils réglementer sur l'usage des pesticides ?

Pour prendre sa décision, le maire de Langouët s’est fondé sur un avis du Conseil d’Etat, rendu le 26 juin dernier, qui annulait un arrêté ministériel sur l’usage des pesticides, argumentant que celui-ci ne protégeait "pas suffisamment la santé publique et l’environnement". L'élu explique avoir pris un arrêté sur ce motif-là, pour pallier justement la carence de l’Etat dans ce domaine et prémunir les riverains d’un "péril imminent" d’empoisonnement. En effet, en cas de carence de l'Etat et de "péril imminent", un élu, en tant qu'agent de l'Etat, peut agir et réglementer sur des sujets réservés d'habitude au gouvernement. 

C’est ainsi que se justifie également Béatrice de François, maire de Parempuyre (Gironde), qui a pris elle-même un arrêté le 26 août dernier. Jointe par LCI, elle explique : "Je n’ai pas l’impression de désobéir à la loi (en prenant un tel arrêté) puisque le Conseil d’Etat dit lui-même que l’Etat est en carence. Si le gouvernement ne le fait pas, il faut bien que ce soit à nous de le faire". En janvier, l’élue avait déjà pris un arrêté en ce sens puis l’avait retiré à la demande de la préfète de Gironde. "L’interdiction était trop générale pour être valable", explique-t-elle. Avec ce nouvel arrêté, Béatrice de François réglemente l'usage des pesticides à moins de 100 mètres des habitations. 

Que va-t-il advenir des arrêtés municipaux ?

Plusieurs élus locaux ont pour l’heure réglementé l’usage des pesticides dans leur commune. Parmi eux, Laurent Masselot, maire de Ceyrat (Puy-de-Dôme) ou Patrice Leclerc, maire de Gennevilliers (Hauts-de-Seine). Dès l’entrée en vigueur d’un arrêté, le préfet a deux mois pour demander son retrait. La majorité des élus ayant pris leur arrêté il y a moins de deux mois, leur situation n'est donc pas figée. S’agissant d’une éventuelle suspension de son arrêté,  la maire de Parempuyre se dit "sereine". Rien, selon Béatrice de François, n’est attaquable sur le fond. Même chose pour l’arrêté pris par Daniel Cueff, qui "n’aurait jamais dû être suspendu" selon elle.

En attendant de voir quelle tournure prendra cette affaire, qui se joue sur le terrain administratif, la maire de Parempuyre s’emploie à chercher des soutiens. Son après-midi était d’ailleurs consacrée à contacter les maires de la métropole bordelaise. 

Quelle est la position du gouvernement ?

À travers leur prise de position, les élus demandent une évolution "nette et précise" de la loi, ce qu’a bien compris le gouvernement. Invitée mardi 27 août sur France Inter, la ministre de la Transition écologique Elisabeth Borne a affirmé lancer "dans les prochains jours un projet de nouvelle réglementation qui intégrera une interdiction d’épandage à trop grande proximité des maisons". Si Béatrice de François "ne peut que bien prendre ce genre de nouvelle", reste à voir l’avancée des propositions. "J’ai entendu aujourd’hui qu’il s’agirait d’interdire l’usage des pesticides sur 5 ou 10 mètres. Ce n’est pas suffisant". Le projet, présenté normalement dans les prochains jours, devrait fixer des distances de sécurité (entre la zone d’épandage et les habitations) variables selon les types de pesticides utilisés et les communes concernés. Il serait alors possible d'adapter ces règles au niveau local en fonction des spécificités des communes.

Cette dernière se désole également de la position de l'exécutif : "Le président a considéré que le maire de Langouët a eu raison mais porte plainte finalement contre son arrêté ! N’oublions pas non plus qu’il n’a pas interdit le glyphosate." Emmanuel Macron a eu l'occasion en effet de s'exprimer sur la procédure en référé à l'encontre du maire de Langouët, estimant que "la solution n'est pas de prendre un arrêté qui n'est pas conforme à la loi". 


La rédaction de TF1info

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