Intermarché épinglé pour commercialiser du requin : comment la vente d’espèces menacées est-elle encadrée ?

par Sylvia BOUHADRA
Publié le 27 juillet 2019 à 10h57
Intermarché épinglé pour commercialiser du requin : comment la vente d’espèces menacées est-elle encadrée ?
Source : CAPTURE TWITTER / SEA SHEPERD

POLÉMIQUE - Dans un tweet publié jeudi 25 juillet, l'ONG maritime Sea Shepherd dénonce la vente d'espèces menacées en France, épinglant l'Intermarché d'Argelès (66) qui commercialiserait du requin renard en tranches. Une pratique considérée comme immorale par certains, mais pourtant légale et réglementée.

L'ONG Sea Shepherd, qui lutte pour la préservation des écosystèmes marins, est montée au créneau jeudi 25 juillet sur Twitter. L'organisation a dénoncé la commercialisation en France d'espèces animales menacées et protégées. Le post était accompagné d'une photo montrant des tranches de requin-renard vendues sur un étal de poissonnerie. Elle aurait été prise jeudi dernier dans un Intermarché d'Argelès, dans les Pyrénées orientales. "En France des espèces menacées et 'protégées' ne sont pas interdites à la vente et Intermarché en fait même la promo !", s'est insurgée l'ONG, s'en prenant directement à l'enseigne de grande distribution.

Le requin-renard est bel est bien une espèce menacée, comme l'affirme Sea Shepherd. L'animal est classé depuis 2007 comme espèce vulnérable (VU) sur la liste rouge de l'IUCN (Union internationale pour la conservation de la nature). Pour autant, en France, le requin-renard ne figure pas sur la liste nationale des espèces protégées, qui interdit la vente et l'achat de ces espèces. La pêche et la commercialisation du requin-renard est donc une pratique légale, bien que pouvant être considérée comme peu morale. Mais comment la vente d'espèces menacées est-elle encadrée ? 

Une Convention internationale qui réglemente le commerce

C'est la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (Cites), ou Convention de Washington, qui, depuis le 1er juillet 1975, réglemente le passage en frontières de quelques 35.000 espèces animales et végétales. Elle a pour objectif de veiller à ce que le commerce international des spécimens d'animaux et de plantes sauvages ne menace pas leur survie. La Cites est à ce jour entrée en vigueur dans 183 pays. 

L'Union européenne n'applique pas la Cites en tant que telle. Les Etats appliquent des règlements "qui en harmonisent et en renforcent l’application sur le territoire de l’UE", selon le site du ministère de la Transition écologique et solidaire. Toutes les espèces inscrites dans la Cites sont tout de même inscrites dans ces règlements. 

La Convention répartit les espèces animales et végétales concernées  en trois annexes, en fonction de la gravité du risque que leur fait courir le commerce international. L'annexe I comprend toutes les espèces menacées d'extinction. On y trouve par exemple le dauphin. Le commerce de ces espèces est interdit sauf conditions exceptionnelles (recherche scientifique). 

Dans l'annexe II, on trouve toutes les espèces "qui ne sont pas nécessairement menacées d'extinction mais dont le commerce doit être réglementé pour éviter une exploitation incompatible avec leur survie". Leur commercialisation peut être donc autorisée à condition d'obtenir un permis d'exportation. C'est le cas du requin-renard.

Enfin, l'annexe III comprend toutes les espèces protégées dans un pays qui a a besoin de la coopération des autres Etats engagés dans la Convention pour en empêcher l'exploitation illégale ou non durable. Là aussi, un permis d'exportation est nécessaire. 

En France, les permis requis par la Cites sont délivrés par les directions régionales en charge de l’environnement (Dreal). Les critères d'obtention dépendent entre autres du spécimen, de son mode d'obtention et de l'utilisation qui en est faite.

Des enseignes contre la vente d'espèces menacées

Le requin-renard n'est pas le seul animal vulnérable que l'on retrouve sur les étales de poissonnerie. Le thon rouge, le cabillaud et d'autres sont également considérés comme menacés. Mais certaines enseignes ont décidé de ne plus mettre en vente ces espèces. C'est le cas de Lidl qui explique sur son site ne quasiment plus proposer aucune espèce "provenant de stocks menacés, surexploités ou en voie de disparition" ou "figurant sur les listes de protection des espèces". Ces poissons sont donc exclus de la vente. 

Même chose pour Carrefour qui dit vouloir soutenir la pêche durable : "Si vous cherchez des poissons rares, des espèces menacées ou en risque de surpêche, ne venez pas chez nous, nous n’en avons pas", pouvait-on alors lire dans une publication Twitter en septembre 2018. Des initiatives louables, pourtant, en décembre dernier, l'association de consommateurs UFC-Que-Choisir dévoilait dans une enquête que 86% des poissons vendus en supermarché étaient issus de la surpêche...

Et du côté d'Intermarché, l'interpellation de Sea Shepherd n'est pas restée lettre morte. Dans un tweet de réponse, l'enseigne a plaidé pour "de regrettables initiatives isolées".

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Sylvia BOUHADRA

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