CATASTROPHE ENVIRONNEMENTALE - Depuis plusieurs semaines, la forêt amazonienne est en proie à de monstrueux incendies notamment à l'ouest du Brésil. Qualifié de "crise internationale" par Emmanuel Macron, ces incendies inquiètent la communauté internationale depuis quelques jours. LCI répond à cinq questions que vous vous posez sur ces feux.
Depuis quand l'Amazonie brûle-t-elle ?
Sur les réseaux sociaux, certains tiennent un décompte très précis, parlant ce 23 août d'un incendie qui court depuis 18 jours. D'autres sont plus flous et évoquent plusieurs semaines de feux. Dans nos articles, nous avons déclaré que l’Amazonie était en flamme depuis le “début du mois de juillet”. Qu'en est-il ? "Malheureusement l’Amazonie brûle tous les ans, avec une recrudescence des incendies lors de la saison sèche. On peut donc dire que la forêt Amazonienne brûle depuis début juillet", explique Jérôme Frignet, directeur des programmes chez Greenpeace France.
"Les incendies ont cependant pris une ampleur exceptionnelle depuis une quinzaine de jours, sans pouvoir dater exactement. Cela n’est pas dû au fait que les feux se sont propagés d'eux mêmes, mais à cause d’une recrudescence d’incendies volontaires, une technique très utilisée de défrichement des terrains déforestés", poursuit-il. Greenpeace a ainsi été prévenu d'au moins "une action concertée entre fermiers et agriculteurs pour incendier simultanément le bord d'une route amazonienne". Certains médias ont décrit le phénomène en parlant de “jours du feu”. Selon Jérôme Frignet, il est fort probable qu’il y ai eu plusieurs jours comme cela ces dernières semaines, faisant dégénérer la situation, malgré une saison moins frappée par la sécheresse que les années précédentes.
Quelle est l'ampleur des dégâts ?
Combien d’hectares de l’Amazonie sont déjà partis en fumée ? Est-ce seulement quantifiable ? A quelle vitesse cela avance ? Sur les réseaux sociaux, on parle d’une progression de "l’équivalent de x terrain de foot brûlé par minute" avec des chiffres différents, sans qu’aucune source ne puisse confirmer ces données. Si les images par satellite peuvent donner une estimation de la position des incendies, "à ce stade, il est impossible de mesurer l’ampleur des dégâts", selon Jérôme Frignet. "Etant donné que ce sont des zones inaccessibles, le seul moyen de mesurer l’étendue des dégâts est de réaliser des vues aériennes, or la vue est mauvaise tant qu’il y a des incendies massifs avec de grosses fumées. Cela se fera à posteriori". Selon le membre de Greenpeace, tant que les incendies sont en cours, il est impossible d’estimer réellement quels sont les terrains touchés.
Les incendies sont-ils concentrés au Brésil ?
L’Amazonie, région naturelle de 5,5 millions de km², se répartie sur neuf pays : le Brésil, la Bolivie, le Pérou, l'Equateur, la Colombie, le Venezuela, le Guyana, le Surinam et la Guyane française. Le Brésil est au centre des discussions sur les incendies en cours, à la fois car 60% de l’Amazonie se trouve sur son territoire et car les politiques environnementales de Jair Bolsonaro sont très critiquées des ONG.
Pourtant, selon Michel Dubouillé, Secrétaire général d’EELV Guyane, "les feux arrivent déjà en bordure de la Bolivie et du Pérou". Des propos confirmés par Jérôme Frignet, qui ajoute que "de nombreux feux ont été recensés à la frontière avec le Paraguay, les incendies concernent donc aussi les pays voisins". Malgré leur propagation, il est cependant peu probable que les territoires français soient touchés par les feux, selon M. Dubouillé. "Heureusement, il y a des barrages naturels, c'est une forêt avec des zones très humides et il y a des fleuves, de nombreuses rivières".
Est-ce vraiment le plus gros incendie que l’Amazonie a connu ?
Le monde est en émoi, les réseaux sociaux en folie. Les dirigeants, dont Emmanuel Macron, répètent que "les poumons de la terre brûlent" et que l’Amazonie connaît une crise inédite. On sait pourtant que plusieurs incendies ont déjà ravagé l’Amazonie, notamment en 1989 et en 2014, puisque la plupart des photos partagées à tort sur Internet proviennent de ces événements. La situation actuelle est-elle donc vraiment pire que les fois précédentes ? Pour Jérôme Frignet, ce n’est pas une crise inédite mais "plutôt un grave retour en arrière".
L’Amazonie avait déjà connu d’importants incendies : le siècle dernier à cause de la sécheresse et de feux incontrôlables, puis dans les années 2000 à cause de la déforestation. "Or ces quinze dernières années, des progrès avaient été fait, les politiques environnementales du Président Lula avaient notamment permis de faire baisser leur nombre et leur ampleur", explique-t-il.
D’après l’INPE, les départs de feux recensés au Brésil entre janvier et août 2019 ont augmenté de 84% par rapport à la même période de l’année précédente. Sur les 75 336 feux de forêt enregistrés, 54% sont en Amazonie.
Pourquoi n'arrive-t-on pas à éteindre ces incendies ?
Selon Michel Dubouillé, "la principale difficulté pour contenir ce feu, ce sont les accès". La forêt Amazonienne n’a pas de voie d’accès intérieure, contrairement à celles d'Europe, qui ont des sentiers forestiers permettant d’accéder aux potentiels brasiers. "Il n’y a que la voie aérienne pour enrayer la progression puis pour l’éteindre", estime le membre de Guyane Ecologie. Or Jair Bolsonaro a déclaré que le gouvernement Brésilien n’avait pas les moyens d’arrêter les incendies. L’Equateur, qui redoute de voir les feux arriver jusqu'à son territoire, a proposé son aide. Mais sur place, qui lutte ?
"Pour l’instant, seulement les pompiers Brésiliens", affirme Michel Dubouillé. "Aucun pays n’a les moyens. Si un incendie pareil arrivait en Guyane Française, la France n’aurait pas non plus les moyens. Mais lorsqu'il y a des catastrophes naturelles, normalement on arrive à déployer de l'aide internationale dans les pays concernés", regrette-t-il. "Depuis deux semaines, on avait largement le temps d’envoyer des avions pour faire en sorte que cette catastrophe n’ait pas l'ampleur qu'elle a aujourd'hui. A défaut de l’Europe, les Américains et Canadiens qui sont sur le continent auraient pu intervenir, il suffit pas de faire des beaux discours"
Mêmes certitudes pour Jérome Frignet : "Pour faire face à des incendies de cette ampleur dans des zones aussi inaccessibles, personne n’a les moyens. Les incendies de quelques centaines d’hectares en Europe sont déjà difficiles à combattre, là c’est encore une autre dimension". Selon le directeur de Greenpeace, "on ne pourra pas éteindre tous ces incendies avant les prochaines pluies, on peut améliorer la situation mais cela reste dérisoire."
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Une vision pessimiste, à l’inverse des déclarations de Marina Silva, ministre de l'Environnement de 2003 à 2008 du président Lula et ex-candidate à la Présidentielle. "Nous avons les moyens de contrôler la déforestation en Amazonie et cela dépend seulement d'une capacité de mobilisation interne. Le Brésil a la technologie pour contrôler cette situation", affirmait-elle jeudi 22 août.
Or tant que le Brésil n’agit pas, pour Michel Dubouillé, la seule solution reste la coordination internationale : "Aujourd'hui il faut que les États qui se disent forts et industrialisés, mettent leur moyens à disposition du Brésil même s’ils condamnent la politique de Bolsonaro. On ne peut pas condamner la forêt Amazonienne, pour ce qu’elle représente en matière de puits de carbone, de trésor de biodiversité et pour ses populations autochtones".