CLIMAT - La calotte glacière du Groenland a perdu 2 milliards de tonnes de glace le 13 juin. Un pic de fonte particulièrement prématuré, mais dont le volume ne correspond pas à 40% de la glace du continent, contrairement à ce que certains médias ont affirmé.
Ce samedi, plusieurs articles de presse ont fait état d'une fonte des glaces particulièrement rapide au Groenland, en avançant un chiffre particulièrement apocalyptique : "40% du Groenland a fondu en 24 heures", affirme l'un d'eux. "Plus de 40% du Groenland a fondu, jeudi dernier", peut-on lire ailleurs. Ou encore : "le Groenland a perdu ce jeudi 2 milliards de tonnes de glace, soit 40 % de sa masse globale". Sauf que ce chiffre de 40% a vraisemblablement été mal compris. Explications.
Effectivement, plus de 2 milliards de tonnes de glace ont fondu en un jour, jeudi 13 juin, selon Polarportal, un site public danois (le Groenland est sous souveraineté danoise, ndlr), alimenté par plusieurs institutions scientifiques, et qui informe en temps réel sur l'état de la calotte glaciaire du continent (qu'on appelle aussi "inlandsis").
Yesterday (13th June), we calculate #Greenland #icesheet lost more than 2 Gt (2 km³) of ice,, melt was widespread but didn't quite get to #SummitCamp which was just below 0°C The high melt is unusual so early in the season but not unprecedented https://t.co/Ftg0fkC7AK pic.twitter.com/Y4jQ1FoFRZ — Greenland (@greenlandicesmb) 14 juin 2019
Si 40% de la glace du Groenland avait fondu, des régions entières seraient submergées
Un article de CNN, cité par plusieurs médias français, reprend les chiffres de Polarportal, et précise que "plus de 40% du Groenland a perdu de la glace" jeudi 13 juin. Mais cette phrase a été mal comprise, ou mal traduite, car si 40% de la surface du Groenland a bien perdu de la glace, ça ne signifie pas que 40% de la glace du Groenland a fondu. Et heureusement ! Contacté par LCI, le climatologue Hervé Le Treut, ancien membre du GIEC, confirme que si 40% de la glace du Groenland avait fondu en un jour, des régions entières seraient submergées.
Une petite comparaison s'impose. Les 2 milliards de tonnes de glace qui ont effectivement fondu jeudi 13 juin correspondent, en volume, à deux glaçons carrés d'un kilomètre de côté, pour un volume de 2 km3 . Or le volume de glace qui recouvre le Groenland est bien, bien supérieur, car il recouvre une superficie d'environ 1,7 million de kilomètres carrés (soit environ trois fois la France métropolitaine) sur une épaisseur de 2 kilomètres en moyenne. Le volume de glace total serait donc d'environ 3 millions de km3. Si toute cette glace fondait, le niveau des mers monterait de... plus de 7 mètres. Et même si "seulement" 40% de toute cette glace avait fondu, les habitants des côtes françaises et mondiales s'en seraient vite rendus compte. Les images satellite en temps réel, comme celles du site zoom.earth, alimenté entre autre par la Nasa, montrent en outre que le Groenland est toujours recouvert de glace.
Cette fonte prématurée reste exceptionnellement importante
La fonte de 2 km3 de glace à la mi-juin n'en est pas moins un événement inhabituel. Cité par CNN, le climatologue Jason Box, membre de la Commission géologique du Danemark et du Groenland, affirme que la saison de fonte a lieu trois semaines plus tôt que d'habtiude, et même plus tôt que le record de 2012. La cause : les températures particulièrement chaudes de cette fin de printemps, qui ont dépassé les 20°C sur les côtes groenlandaises et dépassent même zéro degré à la station "Summit", située à 3.200m d'altitude au milieu du continent, comme le rappelle le météorologue Etienne Kapikian.
Dégel au sommet du #Groenland avec +0.7°C ce 12 juin à la station "Summit" (3200m d'altitude) où le record mensuel est de +3.3°C. Quelques stations côtières tutoient les 20°C. #Greenland #melt Anomalies chaudes sur les environs du Groenland et le pourtour de l' #Arctique pic.twitter.com/Y8b3w08V43 — Etienne Kapikian (@EKMeteo) 12 juin 2019
Cette fonte anticipée pourrait aussi faciliter la fonte future de la glace dans les prochains mois. En effet, la couleur blanche de la neige permet de refléter les rayons du soleil et donc de les renvoyer vers le ciel, ce qui réduit la quantité de chaleur absorbée par la neige. En bref, plus c'est blanc, moins ça chauffe : c'est l'effet "albedo". Mais les températures élevées de mi-juin, et donc la fonte prématurée de l'inlandsis groenlandais, diminuent cet effet albedo. Le soleil de l'été risque donc de frapper très fort sur la calotte glaciaire.