Que recouvre le préjudice écologique, invoqué pour la pollution de l’usine Metaleurop ?

Publié le 22 janvier 2020 à 19h39
Que recouvre le préjudice écologique, invoqué pour la pollution de l’usine Metaleurop ?
Source : PHILIPPE HUGUEN / AFP

RÉPARATION - Des élus du Pas-de-Calais demandent réparation à l’Etat pour cause de préjudice écologique engendrée par la pollution de l’usine Metaleurop, fermée en 2003. Que recouvre ce préjudice et a-t-il déjà été invoqué par le passé ?

574 millions d’euros ont été demandés à l’Etat vendredi 17 janvier par les élus de la communauté d’agglomération d’Hénin-Carvin, dans le Pas-de-Calais. Ces derniers invoquent le préjudice écologique subi par leurs 14 communes à cause de la pollution de l’usine Metaleurop, implantée dans le bassin minier du nord de la France et fermée en 2003. Pendant son fonctionnement, entre 1894 et 2003, la fonderie classée Seveso produisait 130.000 tonnes de plomb, 100.00 tonnes de zinc et 250.000 d’acide sulfurique par an et rejetait des substances hautement toxiques dans l’environnement. La somme conséquente de 574 millions d’euros correspond à l’entière prise en charge de la dépollution des sols, estiment les requérants. 

Un préjudice créé dans l'affaire Erika

Aujourd’hui, près de 700 hectares des alentours sont toujours contaminés au plomb et au cadmium et les élus souhaitent faire reconnaître la responsabilité de l’Etat dans cette catastrophe écologique. C’est pourquoi ils invoquent ce préjudice, récemment reconnu en droit civil et qui trouve ses origines en 2012 au procès Erika, du nom du pétrolier ayant fait naufrage en 1999 au large de la Bretagne et déversé près de 19.700 tonnes de pétrole sur les côtes françaises. C’est à cette occasion que la cour de Cassation consacre l’expression de "préjudice écologique", "consistant en l’atteinte directe ou indirecte portée à l’environnement". 

En 2016, le préjudice écologique est reconnu tel quel par la loi sur la biodiversité, impliquant que "toute personne responsable d’un préjudice écologique est tenue de le réparer". L’an dernier, les associations de l’"affaire du siècle" avaient utilisé ce fondement juridique, parmi d’autres, pour attaquer l’Etat pour "inaction climatique".

L'Etat, responsable pour "carence fautive" ?

Dans le cas de l’usine Metaleurop, les élus tiennent l’Etat pour responsable, en la personne du préfet, du fait d’une "carence fautive". Concrètement, l’Etat aurait tardé à agir "pour réglementer les rejets dans l'air et dans les eaux, mais aussi en s'abstenant d'édicter des prescriptions de fonctionnement adéquates et proportionnées tout au long de l'exploitation de l'usine". 

Selon Mathilde Boutonnet, professeure en droit de l’environnement à l’université Lyon 3, la responsabilité de l’Etat semble difficile d’être engagée sur le fondement du préjudice écologique, "sauf à retenir une conception souple de la loi de 2016". En effet, la loi sur la biodiversité n’avait pas pour objectif de s’adresser à l’Etat, et à l’administration en général, puisqu’elle a inscrit ce préjudice dans le code civil, qui ne régit pas les relations entre les particuliers et l’Etat mais seulement entre personnes privées. Si les actions en justice se sont multipliées sur ce terrain, l’Etat n’a pour l’instant jamais été tenu pour responsable d’un préjudice causé à la nature elle-même. 


La rédaction de TF1info

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