Radioactivité "anormalement élevée" dans la Loire : l'Autorité de sûreté nucléaire va enquêter

par Matthieu JUBLIN
Publié le 19 juin 2019 à 13h53, mis à jour le 19 juin 2019 à 20h58

Source : TF1 Info

SANTÉ - L'association pour le contrôle de la radioactivité dans l'Ouest (ACRO) a annoncé mardi une "contamination" radioactive "anormalement élevée" de la Loire à Saumur (Maine-et-Loire), "en aval de cinq centrales nucléaires". Des niveaux en deçà des seuils sanitaires fixés par l'OMS, mais suffisants pour déclencher une enquête.

Que se passe-t-il dans les centrales nucléaires qui se trouvent au bord de la Loire et de ses affluents ? L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) va enquêter après la publication, mardi, par l'Association pour le contrôle de la radioactivité dans l'Ouest (ACRO) d'une "contamination" radioactive "anormalement élevée" de la Loire à Saumur (Maine-et-Loire), "en aval de cinq centrales nucléaires".

Que disent les relevés de l'ACRO ?

Dans son rapport, basé sur des prélèvements effectués de décembre 2017 à mai 2019, l'ACRO indique que la présence de tritium ("isotope radioactif de l'hydrogène, composant majeur des effluents radioactifs des installations nucléaires) "est quasi systématique aussi bien dans le fleuve que dans les eaux de consommation", en aval des centrales nucléaires de Belleville, Dampierre, Saint-Laurent, Civaux et Chinon. "En janvier 2019, la concentration dans l'eau de la Loire a atteint 310 Bq/L", alerte même ce laboratoire basé à Hérouville-Saint-Clair, près de Caen, dans un communiqué commun avec le Réseau Sortir du nucléaire.

Sur la Loire, "le tritium est présent sur près de 400 km, entre Dampierre-en-Burly et Nantes", ajoute l'ACRO dans son rapport. A Châtellerault, "sur la Vienne les eaux de la rivière et de consommation sont contaminées en tritium à chaque prélèvement mensuel depuis décembre dernier, jusqu'à 50 becquerels par litre (Bq/L). La centrale nucléaire de Civaux en est à l'origine", affirment-elles.

Le becquerel est une unité de mesure de la radioactivité. "Elle caractérise le nombre de désintégrations spontanées de noyaux d’atomes instables qui s’y produit par seconde", précise le site Connaissance des énergies, qui ajoute que la radioactivité naturelle du corps humain est supérieure à 8.000 Bq.

Que signifient ces relevés inhabituels ?

A quel point ces relevés sont-ils inhabituels ? Selon l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), bras technique de l'ASN, les niveaux de tritium "habituellement observés" dans les eaux de surface sont, en dehors de toute source d'émission de tritium, de 1 Bq/L à quelques Bq/L. Cela monte à "de quelques Bq/L à plusieurs dizaines de Bq/L en aval des centrales nucléaires", et "de quelques dizaines à quelques centaines de Bq/L autour des certaines installations (centres CEA de Marcoule et Valduc, site Orano de la Hague)". Le prélèvement de 310 Bq/L, effectué en janvier 2019, dépasse donc les "plusieurs dizaines de Bq/L" habituellement observés. 

Ces relevés dépassent-ils les seuils en vigueur ? Les seuils d'enquête oui, mais pas les seuils sanitaires. En effet, "le code de la santé publique fixe une référence de qualité de 100 Bq/L pour le tritium, qui ne représente pas une limite sanitaire mais un seuil qui, lorsqu'il est dépassé, entraîne une investigation complémentaire pour caractériser la radioactivité de l'eau", indique l'IRSN à l'AFP. Le collectif Loire Vienne Zéro Nucléaire et l'ACRO demandent donc "une enquête pour déterminer l'origine de cette valeur exceptionnelle", indiquent les associations, qui s'interrogent sur la survenue d'un éventuel "incident". 

Où se situe alors le seuil sanitaire ? L'Organisation Mondiale de la Santé recommande "une valeur guide de 10.000 Bq/L pour le tritium dans l'eau de boisson, à considérer en cas de consommation permanente de l'eau". Cependant, précise l'AFP, dans un rapport demandé par l'Association nationale des commissions locales d'information nucléaire, un scientifique du CNRS concluait en 2010 à une "sous-estimation" par "les instances de radioprotection" de "la toxicité" du tritium. Il estimait par ailleurs que "le manque de données" sur des "effets cancérogènes du tritium (...) est flagrant", selon ce rapport. 

Comment ont réagi les autorités ?

L'Autorité de sûreté nucléaire a déclaré auprès de l'AFP  qu'elle "mènera des investigations pour trouver l'origine de ce taux détecté" à Saumur et qu'il "réexaminera les registres mensuels des rejets des centrales de la région concernée". Mais le gendarme du nucléaire précise qu'il "n'y a pas de risque pour l'environnement ni pour le public".

Le député du Maine-et-Loire Matthieu Orphelin, ancien porte-parole de la Fondation Nicolas Hulot, a pour sa part réclamé l'ouverture d'une enquête peu après la publication des résultats de l'ACRO.


Matthieu JUBLIN

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