NAUFRAGE - Le navire de commerce italien Grande America a coulé au large des côtes françaises mardi 12 mars, après deux jours d'incendie. Il transportait 45 conteneurs de matières dangereuses et ses soutes étaient remplies de fioul. La crainte d'une pollution du littoral grandit, alors que deux nappes d'hydrocarbures ont été repérées en mer.
Après le naufrage du Grande America, l'inquiétude grandit quant à une pollution des côtes françaises. Deux nappes d'hydrocarbures ont été constatées jeudi, a annoncé le ministre de la Transition écologique François de Rugy. Le navire italien avait coulé mardi au large de La Rochelle, après avoir subi un incendie à bord. Il transportait des matières dangereuses et 2200 tonnes de fioul lourd dans ses soutes. Retour cet accident et ses conséquences en quatre questions.
Comment est-ce arrivé ?
Selon le premier communiqué de la préfecture maritime Atlantique, le 10 mars 2019 vers 20h, les autorités apprennent qu'un incendie s'est déclenché à bord du navire italien Grande America, qui longe les côtes bretonnes. Le navire de commerce de 214 mètres de long est en provenance de Hambourg, en Allemagne, et à destination de Casablanca au Maroc. A bord se trouvent 27 personnes, dont 26 membres d’équipage et un passager.
Le commandant du Grande America annonce dans un premier temps que l'incendie est maîtrisé et qu'il envisage de faire route vers l'Espagne, direction le port de la Corogne. Mais peu avant minuit, il informe les autorités maritimes de la dégradation de la situation : le feu a repris, plusieurs conteneurs sont en proie aux flammes empêchant le navire de poursuivre sa route. Aux alentours de 2 heures du matin, le commandant du navire décide l’abandon du navire par l’équipage, à bord d’une seule embarcation de sauvetage.
Le jeudi 14 mars, Nicolas Tamic, directeur-adjoint du Cedre, le Centre de documentation, de recherche et d'expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux, a apporté plus de précisions. Les membres de l'équipage ont réussi à combattre le premier feu, notamment à l'aide de poudres anti-incendie. "Mais ceci a provoqué un black-out total du navire. Lorsque l'incendie a repris, les pompes ne pouvaient plus fonctionner car elles n'avaient plus de pression," précise Nicolas Tamic. L'équipage s'est retrouvé alors totalement démuni.
Le Centre Régional Opérationnel de Surveillance et de Sauvetage (CROSS) a coordonné immédiatement le sauvetage des 27 personnes présentes à bord vers le HMS Argyll, une frégate britannique déroutée pour apporter son aide. Vers 4 heures du matin, la frégate de la Royal Navy récupère à son bord les 27 personnes saines et sauves.
Quand et où a-t-il coulé ?
Le jour suivant, plusieurs avions, hélicoptères et navires sont envoyés sur le Grande America pour essayer de stopper l'incendie. Les 27 personnes évacuées du navire italien, qui se trouvaient à bord de la frégate de la Royal Navy, sont transférées à bord du bâtiment français Argonaute et prises en charge par le SAMU.
Pendant deux jours, les autorités tentent d'éteindre les flammes, en vain. Le navire présente une inclinaison sur son côté droit qui s’aggrave au fil du temps. Les opérations par canons à eau sont suspendues pour ne pas contribuer à accentuer ce phénomène d’inclinaison et parce que l’arrosage effectué sur le pont ne permet pas la maîtrise de l’incendie situé à l’intérieur du navire.
La configuration du navire est également en cause. Comme l'explique Nicolas Tamic du Cedre, le Grande America est conçu comme un ferry, "ses parties inférieures accueillaient des voitures. Il n'y a pas de compartiments." Quand l'eau s'est engouffrée, elle a alors pu envahir le bateau. Enfin, la météo houleuse a facilité son naufrage.
Quand le feu se déclare, le navire se situe à environ 263 km des côtes françaises, dans le sud-ouest de la pointe de Penmarc’h, sud Finistère. A l'arrêt, le bateau italien dérive. Mardi 12 mars 2019 à 15h26, il finit par couler par 4600 mètres de fond à environ 333 km à l’ouest de La Rochelle.
Que contenait-il et où est la marchandise ?
Appartenant à la société italienne Grimaldi Lines, le navire Grande America est de type Conro, un hybride entre le roulier et le porte-conteneur. Il transportait des conteneurs sur le pont et des véhicules dans les étages inférieurs. Lors d'une conférence de presse à Brest ce mercredi, le préfet maritime de l'Atlantique a déclaré que selon les données fournies par l’armateur, le navire transportait 365 conteneurs, dont 45 répertoriés comme contenant des matières dangereuses et un peu plus de 2 000 véhicules. En dehors de cette cargaison, les soutes du navire contiennent environ 2.200 tonnes de fioul lourd, qui servaient de combustible de navigation au navire".
[ #GrandeAmerica ] La frégate multi-missions (FREMM) Aquitaine et le BSAA (Bâtiment de Soutien et d’assistance affrété) VN Sapeur sont toujours sur zone. Ils continuent d’assurer la sécurité et la surveillance de la navigation. @SGMer @MarineNationale pic.twitter.com/rz98mZlf8B — Premar Atlantique (@premaratlant) 12 mars 2019
Des dizaines de conteneurs sont tombés à l’eau à proximité du navire dès le 11 mars. Un survol de la zone par un avion de surveillance maritime Falcon 50 devait permettre la relocalisation de ces conteneurs au fur et à mesure de la dérive du navire. Depuis, la totalité de la cargaison est au fond de l'eau.
Y a-t-il un risque de marée noire ?
Jeudi 14 mars, la préfecture maritime a confirmé le détachement de quatre navires sur place pour prévenir tout risque de pollution sur les côtes. D'après Nicolas Tamic du Cedre, "500 à 600 tonnes d'hydrocarbures sur les 2.200 que contenait le Grande America se sont échappées."
Toujours d'après le Cedre, les hydrocarbures se sont échappés au moment de l'impact du navire avec le fond marin. "Le navire a coulé, a mis 30 minutes pour atteindre le fond et c'est en percutant le fond qu'il a été endommagé. Il n'y avait pas de pollution détectée au moment de l'incendie."
Deux nappes de pollution aux hydrocarbures ont été constatées jeudi matin, a déclaré le ministre de la Transition écologique François de Rugy lors d'une conférence de presse à Brest. "Il y a à ce stade deux nappes, une qui avait été constatée hier soir et une autre qui a été constatée ce matin", a assuré le ministre après un passage au Centre de traitement de crise (CTC) mis en place à la préfecture maritime de l'Atlantique à Brest.
"L'une a une longueur de 13 km et une largeur de 7 km, elle présente un aspect assez compact, la seconde est d'une longueur de 9 km et d'une largeur de 7 km, elle a un aspect un peu plus morcelé. Ces deux nappes sont environ distantes d'une vingtaine de km", a précisé le porte-parole de la préfecture maritime de l'Atlantique Riaz Akhoune.
Les deux nappes dérivent, "plein est", à une vitesse de 35 km par jour, a indiqué pour sa part Stéphane Doll, directeur du Cedre (Centre de documentation, de recherche et d'expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux). Les deux nappes se situent à 311 km de La Rochelle (Charente-Maritime), a précisé la préfecture maritime. Selon le directeur du Cedre, elles ne devraient pas atteindre le littoral "tout de suite".
Ce jeudi, il était établi que la nappe pourrait atteindre les côtes françaises dimanche ou lundi. Une perspective qui fait immanquablement penser à un risque de marée noire. Un risque nuancé par l'ancienne ministre de l'Environnement Corinne Lepage qui, jeudi 14 mars sur LCI, jugeait "inévitable" l'arrivée de boulettes de fioul sur les plages françaises, tout en assurant que "ce ne serait pas l'Erika".