"Un lion qui tourne en rond dans une cage... c'est un signe de folie"

Publié le 29 septembre 2020 à 20h40, mis à jour le 29 septembre 2020 à 22h33

Source : JT 20h Semaine

CAPTIFS - L’exploitation d’animaux sauvages dans les cirques va être progressivement interdite en France. Ces animaux, nés la plupart du temps en captivité, sont-ils réellement en danger ? Pour prendre de la hauteur, voici l'avis de 2 vétérinaires.

Ne comptez pas sur elle pour jeter l'opprobre sur tel ou tel camp. Le docteur Sophie Wyseur - vice présidente de l'association Code animal - se base uniquement sur des données scientifiques pour définir le comportement des animaux sauvages utilisés dans les cirques.  "Et n'y voyez aucune sensiblerie", lance-t-elle tout de go. Pour la vétérinaire, il ne s'agit pas de remettre en cause le soin que portent les dresseurs à leurs animaux. Mais de tirer un constat simple : les animaux sauvages n'ont rien à faire dans des cirques itinérants pour la simple et bonne raison qu'ils ont le même patrimoine génétique que leurs congénères à l’état sauvage - malgré leur apprivoisement ou leur naissance en captivité - et ont donc les mêmes besoins biologiques.  

Un lion qui tourne en rond... un "signe de folie"

"Ce n'est pas une histoire de maltraitance au sens propre du terme, poursuit la vétérinaire. Bien sûr il y a eu des cas, et il y en a encore, mais même si on ne leur inflige pas de sévices, les animaux sauvages n'ont rien à faire dans des cages de 7 m² pour divertir les humains. On ne peut pas, par exemple, recréer un de leur besoin fondamental qui est la liberté. Et la frustration que cela engendre va entraîner des problèmes psychologiques importants, même si vous vous en occupez bien", dit-elle

Stress, frustration, peur, .... Sans parler des stéréotypies, ces mouvements répétitifs, invariants, sans but apparent, observés maintes et maintes fois, surtout sur les fauves et les éléphants. "Ce sont en quelque sorte des signes de folie. C'est par exemple le lion qui tourne en rond dans sa cage ou qui se mange les pattes en permanence, ou les éléphants qui se balancent d'une jambe sur l'autre, ou qui dodelinent de la tête. Ce sont aussi les singes qui font des pirouettes sur eux-mêmes. On a l'impression que c'est drôle, mais ce sont des mouvements de stress", explique Sophie Wyseur.

"L'éléphant est fait pour bouger toute la journée"

Des troubles du comportement provoqués par la captivité que confirme Monique Bourdin, docteure vétérinaire comportementaliste, ancienne chargée d’enseignement et de consultation en troubles du comportement dans les écoles vétérinaires de Maison-Alfort et de Lyon : "Les causes environnementales sont  une composante essentielle du déclenchement des stéréotypies : un environnement inadapté, cloisonné, avec une lumière artificielle, un prédateur ou une proie à proximité, la présence d’hormones de stress, des températures inadaptés à leur besoins physiologiques, un transport long et fréquent, un manque ou un excès de contacts sociaux selon les espèces (les tigres sont solitaires, les éléphants très sociaux), et l’ennui", égrène-t-elle.  

Les numéros de cirques représentent également un danger pour les animaux sur le plan médical. Le docteur Wyseur rappelle par exemple que faire asseoir régulièrement un éléphant sur un tabouret n’est pas seulement contre-nature mais peut également entraîner des hernies et une pression dangereuse sur les disques vertébraux des animaux. "Autre exemple, le transport d'un lieu à un autre n'est pas non plus adapté. L'éléphant est fait pour bouger toute la journée, il a d'ailleurs des pieds qui sont faits pour ça. Or là, ils restent immobiles, ce qui entraîne des problèmes d'arthrose, et des lésions vertébrales et cardiaques. On a également l'hypersexualité chez les fauves. Sauf qu'ils ne se reproduisent pas aussi facilement à l'état sauvage. Ce n'est donc pas un signe de bien-être, comme l'avancent les propriétaires de cirque", ajoute la spécialiste (voir la vidéo ci-dessous).

Michaël Douchet (cirque Zavatta-Douchet) : "Nos animaux sont comme nos enfants"Source : TF1 Info

Et les zoos ?

Reste maintenant à savoir si les mesures gouvernementales - qui prévoient d'interdire progressivement les animaux sauvages dans les cirques itinérants - seront concrétisées. "Car il y a pas mal de flou, et ce sera très long à mettre en place", s'inquiète Monique Bourdin. Que vont effectivement devenir ces animaux qu'il est impossible de relâcher à l'état sauvage ? "Il va falloir que la transition se fasse tranquillement et sereinement. Avec l'association Code animal, nous sommes d'ailleurs en relation avec le gouvernement pour que des structures d'accueil soient créées en France afin d'éviter que ces animaux ne partent dans d'autres pays où ils subiront les mêmes conditions", renchérit Sophie Wyseur. Mais le vrai combat à venir pour nos deux expertes, c'est surtout l'arrêt de la reproduction de ces animaux. "L'urgence c'est d'en stériliser un maximum parce qu'il faut savoir que certains lionceaux qui naissent dans les cirques sont vendus à des particuliers, ce qui est un vrai scandale", dénonce Monique Bourdin. 

Faut-il aussi des mesures pour les animaux sauvages dans les zoos ? "A partir du moment où des animaux sauvages sont en captivité pour du divertissement, on aimerait que là aussi il y ait une évolution tranquille mais évidente. Plusieurs pays ont déjà entamé une transition comme l'Espagne avec la fermeture annoncée du zoo de Barcelone. Car il y a énormément d'espèces dans les zoos qui ne sont pas menacées, comme le revendiquent ces structures pour se donner bonne conscience. Il faut les faire évoluer vers quelque chose de beaucoup plus éthique", souligne Sophie Wyseur. Toutefois, sa consoeur Monique Bourdin se veut plus mesurée et ne réclame pas leur fermeture généralisée, "d'autant que c'est le seul endroit où certaines espèces animales pourront être vues dans le futur", conclut-elle. 


Virginie FAUROUX

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