Épisode 23 - Laurent Decaux : "Le Roi Fou de Game of Thrones, c’est Charles VI !"

Publié le 11 septembre 2019 à 11h09, mis à jour le 23 novembre 2020 à 16h33
Épisode 23 - Laurent Decaux : "Le Roi Fou de Game of Thrones, c’est Charles VI !"
Source : Micheline Pelletier / XO Editions

PODCAST - Son père Alain lui a transmis le virus de l'Histoire de France. Dans "Le Roi Fol", Laurent Decaux embarque ses lecteurs à la cour du roi Charles VI, en 1392, entre intrigues, trahisons et passions intimes. Il est l'invité du podcast "Les Gens Qui Lisent Sont Plus Heureux".

Et si, à l’heure où les réseaux sociaux vampirisent nos cerveaux, prendre le temps de lire un livre était devenu un acte de résistance ? "Les Gens Qui Lisent Sont Plus Heureux", c’est un podcast consacré au plaisir de la lecture, sous toutes ses formes et sans aucun préjugé. 

Dans cet épisode, mon invité est un jeune écrivain dont le père a accompagné la vie des Français pendant de nombreuses années. Laurent Decaux n’est autre que le fils d’Alain Decaux, immense historien et homme des médias qui nous a quitté en 2016. 

Quelques mois plus tard, Laurent reprenait le flambeau en publiant "Le Seigneur de Charny", un roman qui embarquait ses lecteurs au cœur de la France médiévale, qu’il revisite à nouveau avec "Le Roi Fol" (XO Editions), en librairies le jeudi 12 septembre.

Son roi fou, c’est Charles VI, un jeune monarque confronté aux rivalités politiques, aux mœurs légères de son épouse, et à la maladie inexplicable qui peu à peu le ronge. Laurent Decaux décrit à un rythme effréné une période sombre, enfiévrée et brutale, dont je suis allé m'entretenir avec lui à la Bibliothèque historique de la Ville de Paris où il a effectué ses recherches...

Sur Charles VI, son héros

"Je pensais faire une suite à mon roman précédent, "Le Seigneur de Charny". Mais j’ai été tellement happé par le destin de Charles VI, j’ai été tellement sidéré par les personnages qui l’entourent, par la reine Isabeau, qui traîne depuis 700 ans une très mauvaise réputation, par son frère Louis d’Orléans, par sa belle-sœur, Valentine Visconti… Toute cette galerie incroyable a fait que j’ai recentré mon intrigue sur Charles VI et sa cour. Il est vrai que ce n’est pas le roi le plus connu de l’Histoire de France. Mais je me l’explique assez simplement : les Français s’intéressent aux grands personnages de l’Ancien Régime par la littérature. Or il n’y a jamais eu de littérature sur Charles VI (…) Et puis il se situe entre deux très grands rois. Charles V, le roi sage, qui a reconquis une partie de la France avec du Guesclin. Et puis Charles VII, le roi de Jeanne d’Arc. C’est donc un roi considéré comme mineur, mais qui aurait dû être un grand roi s’il n’était pas devenu fou."

Sur les similitudes avec "Game of Thrones"

"Aujourd’hui les jeunes se passionnent pour le Moyen-Âge. Il suffit de voir la réussite des romans de Ken Follett, qui est lu par des gens de tous les âges, et dont la France est le premier marché, sans parler de la frénésie suscitée par "Game of Thrones". Or cette série, ce n’est rien d’autre que le XIVe siècle, en France et en Angleterre. George R.R. Martin a dit lui-même s’être inspiré des "Rois Maudits" (la suite romanesque de Maurice Druon – ndlr) pour créer les personnages de sa saga. D’ailleurs il parle d’un Roi Fou, qui apparaît en filigrane et qui n’est autre que mon Charles VI, un petit peu mâtiné de Richard II d’Angleterre. Son règne commence de la meilleure des façons puisqu’il passe des lois anti-corruption, s'entoure de nouveaux conseillers avec lesquels il redresse la France…  et puisque lorsqu’il devient fou, le pays sombre dans le chaos le plus total. Dans "Game of Thrones", c’est dans la barbarie et la tyrannie."

Sur l’héritage de son père

"Je n’ai jamais vécu ma filiation comme un fardeau. D’une part parce que j’avais une relation assez fusionnelle avec mon père. Et puis d’autre part parce qu’il était historien. Ce n’étais pas une rock star, ce n’était pas un homme politique. Ce n’était pas une vedette de cinéma. Je ne suis pas Charles VI qui lui se réfère en permanence à ses aïeux. C’est normal, il est fils de roi ! Peut-être que j’ai certains complexes, évidemment. Ils sont sans doute de l’ordre de l’oral. Parce que les capacités oratoires de mon père étaient hors du commun. Je pense que dans ce domaine il avait vraiment du génie. A l’écrit, en revanche, je n’en ai pas du tout puisque je ne me place pas sur le même registre. Il faisait de l’Histoire, précise, minutieuse. Moi j’écris du roman. Un exercice complètement différent qu’il ne se serait jamais permis."

Sur sa vie avant l’écriture

"J’ai été marchand de vin, de 2006 à 2015 (il est le cofondateur de l’enseigne Les Caves de Nysa – ndlr). C’est quelque chose que j’ai totalement abandonné pour me consacrer à l’écriture. Pourquoi je ne l’ai pas fait avant ? C’est sans doute lié à mon caractère. Je suis quelqu’un d’assez curieux par nature, et je suis un homme de passions successives. Quand j’étais gosse, je voulais devenir égyptologue. Je m’étais inscrit à un cours de hiéroglyphes au Louvre où j’étais entouré par des vieilles dames aux cheveux gris ! J’étais même le seul élève de moins de 50 ans mais ça n’a pas duré. En revanche, j’ai toujours été un lecteur compulsif et après le vin, je suis revenu à cette passion à travers l’écriture, en espérant que ce soit la dernière."

Sur le bonheur de la lecture

"Elle me rend et elle m’a toujours rendu heureux. Après, ça dépend quelle lecture ! Quand je lisais enfant Alexandre Dumas, Jules Verne, Arthur Conan Doyle, Robert Merle… ce sont des écrivains de l’imaginaire qui m’apportaient beaucoup de bonheur. En revanche lorsque j'ai commencé à lire Houellebecq à 17 ans, je me suis dit que c’était une très mauvaise idée parce que j’en ai fait une quasi dépression. Ses livres donnent une certaine idée du monde, lorsqu’on est encore très influençable... Disons que j’étais un peu moins naïf après l’avoir lu. Peut-être un peu plus sombre aussi. Avec "Le Roi Fol", j’espère qu’on passe un bon moment. Est-ce que c’est un livre qui rend heureux ? Je raconte quand même un Moyen-âge particulièrement violent, crépusculaire, et je ne sais pas si on en ressort totalement extatique ! (rires)."

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Jérôme VERMELIN

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