Chevaux mutilés partout en France : que sait-on de cette macabre série noire ?

Publié le 28 août 2020 à 15h30, mis à jour le 28 août 2020 à 15h38

Source : JT 20h Semaine

FAIT DIVERS – Depuis plusieurs mois dans toute la France, des équidés sont la cible d'agressions très violentes ayant parfois conduit à leur mort. Des enquêtes ont été ouvertes dans plusieurs départements mais le mystère reste entier et le portrait-robot d'un suspect a été diffusé.

Des mutilations qui se répètent, une inquiétude qui grandit, une psychose qui s'installe, des appels à témoins lancés et un ou plusieurs auteurs qui courent toujours. Depuis des mois, un phénomène macabre s'abat sur la France avec une fréquence de plus en plus régulière. Presque chaque semaine désormais, pour ne pas dire chaque jour, des équidés sont retrouvés mutilés dans les champs, paddocks ou dans les prés par les éleveurs, agriculteurs ou propriétaires d'animaux. 

Principale cible des tortionnaires : des juments, poneys ou chevaux. LCI fait le point sur cette série noire qui reste encore un mystère.

De premiers cas constatés en 2018

Si les agressions d'animaux ne sont pas nouvelles, elles étaient plutôt isolées jusqu'à il y a deux ans environ. Selon une note du Service central du renseignement territorial (SCRT) datée du 30 juin 2020, depuis le 1er décembre 2018, au moins onze cas de mutilations de chevaux ont été recensés sur cette période dans toute la France. 

Mais depuis le début de l'année 2020, les faits se sont  multipliés. Parmi eux, le 12 février, un cheval de 4 ans du lycée agricole de Château-Salins (Somme) est mort après avoir été violemment frappé à la tête et mutilé. Trois jours plus tard, c'est  le trotteur Démon du Médoc qui connaît le même sort, une oreille sectionnée, dans son paddock au centre d'entraînement du Girouard, près des Sables-d'Olonne (Vendée). Le cheval, qui présentait déjà beau sur son CV, était voué à devenir une star des hippodromes.

Le 14 mai au matin, à Berny-en-Santerre (Somme), Mélissa Véron a retrouvé sa jument de trois ans, sans vie, dans la pâture d'une écurie. Selon sa propriétaire, l'animal "avait une oreille en moins, très creusée à l'intérieur de la tête et une moitié de l'œil retirée". Mi-juin, c'est Alain Comalada, éleveur de chevaux de sport à Lammerville (Seine-Maritime) qui a découvert son poulain Jador your life, une entaille entre l'épaule et le poitrail. L'animal n'est pas mort, mais a eu 50 points de suture.

Recrudescence des mutilations cet été

La note SCRT du 30 juin est désormais caduque. Sur la période de cet été uniquement, c'est une dizaine de chevaux et poneys qui ont fait l'objet de mutilations dans différents départements français. Dans la nuit du 1er au 2 août, un poney alezan était retrouvé mort et mutilé en Essonne. Le 8 août, c'était une pouliche de 18 mois à Cluny (Saône-et-Loire): "une oreille coupée et un œil arraché, le cœur poignardé et le vagin enlevé" selon ses propriétaires pour qui l'animal a été attrapé au lasso.

Ces derniers jours, une jument a subi pareils sévices dans le Jura et un pur-sang a été égorgé dans les Côtes-d'Armor, tandis que des organes étaient prélevés sur un cheval déjà mort dans la Loire. Précédemment, le Puy-de-Dôme, la Moselle, la Vendée, l'Aisne ou la Seine-Maritime ont été touchés par cette macabre série. Des enquêtes sont ouvertes, confiées aux gendarmes locaux appuyés par l'Office central de lutte contre les atteintes à l'Environnement et à la Santé publique.

La liste continue, la semaine du 24 août, avec de nouveaux faits dans le Jura, les Deux-Sèvres et encore dans le Jura. A chaque fois, des mutilations au niveau des organes génitaux ou des oreilles sont retrouvées. Dernière agression en date, dans l'Yonne, où "Le ranch de l'espoir" a rapporté la venue, le 24 août au soir, de deux individus de sexe masculin (…) muni d'arme blanche, ont pénétré dans la propriété par les prés des chevaux, et ont  deux poneys (Pony, Biscotte)". L'association indique que le président de l'association a lui aussi été agressé, ayant eu le "bras entaillé après avoir tenté d'intervenir". Les agresseurs présumés ont  pris la fuite et les gendarmes ont été alertés selon l'association.

"Toutes les pistes sont envisagées"

Pour l'instant, les enquêteurs ne privilégient aucune piste. "Actes gratuits, rituels sataniques, défi, trafic d'organes, toutes les pistes sont envisagées et explorées. Nous avons dans certains cas un modus operandi très proches, avec des mutilations identiques comme l'oreille sectionnée dans plusieurs affaires, ou les yeux retirés. Parfois, il semble y avoir une maîtrise de l'instrument permettant la dissection mais pas dans tous les cas", précise à LCI une source. Une incertitude d'autant plus forte qu'"il n'y a pas de corbeau, pas de message, pas de revendication pour justifier ces actes barbares, c'est un dossier très étrange, qui pose beaucoup de questions", se désole une autre source.

Les enquêteurs français ont envoyé des demandes d'information à leurs collègues dans d'autres pays ayant été touchés par le passé par ce phénomène, comme l'Allemagne, la Belgique ou la Grande-Bretagne. Ils scrutent également de près les réseaux sociaux, le darkweb et autres canaux en ligne pour tenter d'identifier les auteurs et les éventuels commanditaires. Sans succès, pour l'instant, puisqu'aucun suspect n'a été interpellé ni aucun témoin entendu.

Appel à la vigilance et recherche de témoins

Face aux difficultés rencontrées par l'enquête, la Fédération nationale du cheval a demandé la plus grande vigilance à ses adhérents. "Nous avons demandé aux agriculteurs, détenteurs d’équidés d'être vigilants vis-à-vis de comportements inappropriés ou suspects, et d'aider les gendarmes dans les enquêtes qui ont été ouvertes dans différents départements. Les personnes qui ont des informations doivent absolument alerter les autorités", précise Marianne Dutoit à LCI.

Vigilance...  et discrétion. La responsable admet volontiers qu'elle préférerait ne pas voir ces affaires être détaillées et relayées sur les réseaux sociaux. "Comme pour de nombreux sujets, on a vraiment l'impression que plus les personnes en parlent sur les réseaux sociaux, plus les incidents se répètent. Il y a une forme de surenchère, de défi peut-être. Du coup, nous avons fait le choix d'informer nos adhérents, et de moins communiquer sur les différents cas publiquement. Car à chaque fois qu'il y a eu un cas dans un département, peu après, de nouvelles mutilations ont eu lieu dans un département limitrophe".

Le 26 août, une enquête a été ouverte après l'agression du président d'un refuge par des individus qui venaient de mutiler un de ses chevaux et deux poneys dans l'Yonne, a indiqué mercredi le parquet, tandis que ce type d'attaques se multiplient en France. Le portrait-robot d'un des deux agresseurs, âgés entre 40 et 50 ans, a été diffusé ce mercredi à la presse et "d'importants moyens de gendarmerie" ont été mobilisés, a indiqué à l'AFP le procureur de la République d'Auxerre, Hugues de Phily.

Des caméras installées près des équidés?

Plusieurs éleveurs, agriculteurs ou propriétaires de chevaux traumatisés par les mutilations de leurs animaux ou redoutant qu'une telle expérience ne leur arrive ont envisagé de faire poser des caméras. Les forces de l'ordre le recommandent également dans la mesure du possible. 

Un appel qui risque de rapidement trouver ses limites, faute de finances. "Une caméra grand angle coûte extrêmement chère, plusieurs centaines d'euros, souligne Marianne Dutoit. Pour couvrir des terrains de plusieurs hectares abritant un certain nombre d'animaux, sans avoir en plus de résultat, le budget est conséquent. Très peu de professionnels peuvent se le permettre, d'autant qu'avec la crise sanitaire due au coronavirus, le milieu équin ne se porte pas au mieux. Les clubs sont restés fermés, il n'y a pas eu vraiment de tourisme équestre, et les ventes de chevaux n'ont pas pu se faire dans les temps normaux".

Constitution de parties civiles

En attendant, les propriétaires des victimes peuvent compter sur une série de solides alliés. La Fédération française d'équitation, la fondation 30 millions d'amis et la Fondation Brigitte Bardot ont annoncé que face à la série d’actes de cruauté envers des équidés sur l'ensemble du territoire, elles se portaient  partie civile aux côtés des propriétaires de chevaux, poneys et ânes qui ont été tués ou mutilés.

En France, le Code pénal punit suivant l'article 521-1, toute personne commettant un acte de cruauté ou de maltraitance sur un animal d'une peine de prison pouvant aller jusqu'à deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 30 000 euros.Cette peine peut être plus importante en cas de récidive.

Le gouvernement se mobilise

Le 28 août, alors qu'une autre enquête était ouverte jument a été retrouvée éventrée dans le Vaucluse, le ministre de l'Agriculture, Julien Denormandie s'est rendu dans un centre équestre de Saône-et-Loire touché par l'une des attaques de chevaux qui se multiplient en France. Il a assuré de "la mobilisation de tous les services pour que justice passe", évoquant "plus d'une trentaine de cas dans plus d'une dizaine de départements".


La rédaction de TF1info

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