Faire évoluer "le maintien de l'ordre" est une "urgence" pour le Défenseur des Droits

Publié le 10 juillet 2020 à 9h09
Faire évoluer "le maintien de l'ordre" est une "urgence" pour le Défenseur des Droits

MAINTIEN DE L'ORDRE - Dans une décision adressée au nouveau ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, le Défenseur des droits estime qu'il y a "urgence" de faire évoluer le maintien de l'ordre. Selon lui, il faut interdire le LBD et le port de la cagoule chez les policiers.

C'est très probablement la dernière décision prise et adressée à la Place Beauvau, de Jacques Toubon en tant que Défenseur des droits. Dans une décision adressée à Gérald Darmanin, il estime qu'il y a "urgence" de faire évoluer le maintien de l'ordre. Selon lui, il faut interdire le LBD et le port de la cagoule chez les policiers. Dans cette décision-cadre que l'AFP a pu consulter, Jacques Toubon actualise ses recommandations en matière de maintien de l'ordre, à la lumière des presque 200 réclamations qu'il a reçu pendant le mouvement des "Gilets jaunes". 

L'ancien ministre de Jacques Chirac y souligne "l'urgence (...) à ce que les réflexions sur ces thématiques aboutissent", alors que Christophe Castaner a quitté Beauvau sans publier le schéma national du maintien de l'ordre promis pour tirer les enseignements du mouvement social, marqué par une grande violence. Avec cette décision, envoyée pour "être jointe à la définition" de ce schéma, Jacques Toubon reprend un bon nombre de recommandations déjà formulées par l'institution depuis début 2018 et son rapport dédié à la doctrine du maintien de l'ordre en France, qui proposait de révolutionner les pratiques policières.

Interdiction du LBD, fin des "nasses" et des "contrôles d'identité délocalisés"

Dans cette ultime décision, le Défenseur des droits réclame toujours l'interdiction d'utiliser les lanceurs de balle de défense (LBD) dans les manifestations, une arme accusée de provoquer des blessures graves comme l'éborgnement. Il recommande aussi de mettre fin aux "nasses", cette technique utilisée par les forces de l'ordre pour encercler les manifestants, et d'arrêter les "contrôles d'identité délocalisés", qui consistent à interpeller une personne dans la manifestation pour la contrôler ensuite en marge du défilé, parfois dans un commissariat.

Ces pratiques conduisent "à priver de liberté des personnes sans cadre juridique", résume le Défenseur. L'institution s'interroge également sur le "cadre juridique" des "interpellations préventives" effectuées lors des manifestations de "gilets jaunes".  Souvent "motivées par la détention d'objets" comme des masques de protection pour les yeux, des lunettes de piscine ou de simples gilets jaunes, qui "ne représentent aucun danger", elles peuvent "priver un individu de son droit de manifester", estime-t-elle. Elle demande par ailleurs que le "cadre juridique" permettant aux policiers de confisquer des objets "soit clarifié".

Des plaintes sans suite "difficilement admissible"

Le Défenseur réclame aussi des mesures pour "garantir l'identification des forces de l'ordre" et proteste contre les "policiers en civil" qui portent des "casques intégraux" ou des "cagoules". Des pratiques adoptées "en dehors de tout cadre légal ou réglementaire", rappelle l'institution, qui constate "une forme d'acceptation, de tolérance de la part de la hiérarchie" policière sur ce sujet. 

"La confiance que la population doit avoir en sa police repose sur la transparence de son action", estime-t-elle, en jugeant "difficilement admissible" que des plaintes soient classées parce qu'un fonctionnaire n'est pas identifié. Enfin, Jacques Toubon préconise que les forces de l'ordre accordent une "vigilance particulière" aux journalistes et aux observateurs associatifs, pour leur permettre d'exercer leurs missions pendant les manifestations, et à "une vigilance accrue" concernant l'emploi proportionné de la force lorsque les manifestants sont mineurs.

A la remise de cette décision, le Ministère de l'Intérieur dispose de deux mois pour répondre à ce document consultatif. Mardi dernier, lors de la passation de pouvoir, Christophe Castaner a indiqué qu'un nouveau schéma national de maintien de l'ordre était "à disposition" du nouveau ministre. il doit "placer la médiation et la baisse du conflit au cœur même de la gestion de l'ordre public", a-t-il dit. Initialement, il devait être disponible en janvier dernier. Revient donc à Gérald Darmanin, désormais de mener ce chantier à bien, dans un contexte plus que délicat entre colère des policiers et polémique autour de certaines techniques d'interpellation. Lors de son premier discours comme ministre de l'Intérieur, il a assuré les forces de l'ordre de son "soutien total".


La rédaction de TF1info

Tout
TF1 Info