Femme enceinte tuée par des chiens : l'éclairage d'un spécialiste du comportement canin

Publié le 22 novembre 2019 à 14h53, mis à jour le 22 novembre 2019 à 20h50

Source : TF1 Info

FAIT DIVERS – Quelles sont les raisons qui peuvent pousser un chien, ou plusieurs, à tuer un être humain ? C’est l’une des questions qui se pose après que le corps d’Elisa P., décédée des suites de plusieurs morsures, a été retrouvé dans la forêt de Retz dans l'Aisne. Un spécialiste du comportement canin nous répond.

Les circonstances dans lesquelles est décédée Elisa P., retrouvée morte près d'un sentier dans une forêt de l’Aisne, où se tenait au même moment une chasse à courre, restent floues. Alors que l'autopsie a révélé qu'elle avait succombé d'une hémorragie consécutive à plusieurs morsures de chiens aux membres supérieurs et inférieurs ainsi qu'à la tête, l'enquête doit notamment déterminer si c'est son propre animal qui a pu se retourner contre elle ou si c'est la meute qui s’en est pris à elle ? 

Nous avons posé la question de la dangerosité de ces canidés à Nicolas Sergent, spécialiste du comportement canin. 

Les chiens pour la chasse à courre sont-ils dangereux?

Quelques instants avant sa mort, la jeune femme a appelé son conjoint au secours disant être "attaquée par plusieurs chiens". Un élément qui pourrait laisser penser que la meute en est à l’origine. De quoi rapidement faire réagir la société de vénerie, qui s'est défendue dans un communiqué. "En aucun cas, ces chiens ne sont agressifs vis-à-vis des humains", écrit-elle, ajoutant même que c’est "tout le contraire". "Ils sont d’un contact très affectueux avec les adultes comme avec les enfants." 

Mais pour le spécialiste, ce raisonnement ne suffit pas, car "le chien n’est pas agressif par essence, il l’est par réaction". Pour lui, deux cas de figures peuvent justifier qu'une meute attaque. "Ces chiens sont dressés pour effectuer telle ou telle action, c’est ce qu’on appelle le conditionnement", explique-t-il.  Dès lors, il suffit d’un "déclencheur externe" pour venir provoquer l’attaque. Premier cas, les bêtes confondent l’humain avec une proie, trompées par leur vue – tel qu’un humain en boule à terre – ou leur odorat.

Autre exemple : un individu qui prendrait la fuite. Ce mouvement peut déclencher un comportement de prédation. "Le réflexe est alors assez automatique, et l’objectif de la bête est de stopper sa proie", explique Nicolas Sergent. Il suffit dès lors "qu’un seul chien fasse cette action" pour que potentiellement les autres suivent, dans un acte de "mimétisme", et que la série de morsures soit fatale pour la victime. Si un tel comportement semble possible, selon le comportementaliste, la société de vénerie avance de son côté que "jamais aucun accident corporel humain impliquant des chiens de [chasse à courre] n’a été relevé".

Un chien catégorisé comme "susceptible d'être dangereux"

Parmi les 67 chiens pouvant être impliqués dans ce décès, les enquêteurs ont également effectué des prélèvements sur ceux appartenant au couple. Ils sont au nombre de cinq, des American staffordshire Terrier. L'un d'entre eux a été retrouvé aux côtés du corps de la jeune femme. Cette race est classée comme "susceptible d’être dangereuse" par le Livre des Origines françaises (LOF). Nicolas Sergent rappelle toutefois que ce n’est pas parce qu’un chien est catégorisé comme tel qu’il est réellement dangereux : "Ce n'est pas la race qui est un facteur de dangerosité, c'est l'utilisation que nous, humains, faisons des chiens et l'éducation que nous leur donnons". Cette classification est d'ailleurs souvent remise en question par les professionnels du secteur. 

Selon le directeur de Vox animae, un organisme de formations aux comportements animaliers, la réaction d’un chien de compagnie s’inscrit essentiellement par rapport à l’environnement dans lequel il grandit. Chien "d’attaque", cette race peut, à l'instar de tout chien, s’en prendre à ses congénères. Sauf que "cette réponse à une probabilité très faible d'être mortelle si le chien a bien été socialisé... et familiarisé". C’est-à-dire habitué aux autres bêtes de son espèce, ou "familiarisé", entendre par là qu’il n’est pas acclimaté aux autres êtres vivants, comme les humains. 

Apeuré, un chien est capable de se dégager par tous les moyens
Nicolas Sergent, spécialiste du comportement canin

Si la bête a bien été "socialisée" et "familiarisée", alors sa réaction violente peut être liée à un élément externe,  comme un autre individu qui  l’a mise en colère. Cette réaction, très rare, peut être empirée par la réaction du maître. Par exemple, si l’animal est pris de panique, "son premier réflexe sera de fuir". Sauf que s'il est tenu en laisse "alors, le chien est capable de se dégager par tous les moyens", notamment en mordant. Cependant, il est très peu probable qu'il s’acharne au point de tuer : "Dans ces cas-là, une ou deux morsures au bras auraient suffi à faire lâcher la laisse". 

En l'absence de témoins, ce sont les prélèvements génétiques qui vont permettre d'"identifier" les animaux ayant attaqué Elisa Pilarski. Leurs résultats ne sont pas attendus avant plusieurs jours, avait prévenu le procureur tandis qu'une information judiciaire contre X a été ouverte pour "homicide involontaire par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement résultant de l'agression commise par des chiens". Jeudi, Antoine Gallon, directeur de la communication de la société de Vénerie, a assuré à l'AFP "que des vétérinaires ont inspecté les 62 chiens de l'équipage - 21 participant à la chasse et 41 restés à la propriété - et aucun ne présentait de traces de morsure".


Felicia SIDERIS

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