Le sous-marin La Minerve retrouvé plus de 50 ans après avoir disparu : que s'est-il passé en 1968 ?

par Claire CAMBIER
Publié le 15 septembre 2019 à 8h40, mis à jour le 15 septembre 2019 à 8h47

Source : JT 20h Semaine

PROUESSE - Le sous-marin a été retrouvé le 21 juillet dernier au large des côtés varoises, sonnant la fin d'un profond mystère qui durait depuis 1968. Un émouvant hommage a été rendu le 14 septembre à Toulon aux 52 sous-mariniers et, ce dimanche, mes familles vont en mer avec un navire de la marine nationale au-dessus de l’épave. Retour sur une tragédie qui aura mis plus d'un demi-siècle à être élucidée.

Le 27 janvier 1968, le sous-marin La Minerve était attendu à Toulon, après une dizaine de jours d'entrainement en Méditerranée. Il n'arrivera jamais au port. Le contact radio fut brusquement perdu le matin même un peu avant 8h. Depuis, le mystère restait entier pour les familles des 52 membres d'équipage disparus. Jusqu'à ce 21 juillet 2019, quand Florence Parly, la ministre des Armées a annoncé que le sous-marin avait enfin été retrouvé après de nouvelles opérations de recherche entamées début juillet. Ce 14 septembre, les familles endeuillées vont aller se recueillir pour la première fois à l'aplomb de l'épave. Un moment d'émotion intense pour ceux qui depuis un demi-siècle devaient vivre avec cette si longue attente.

7h55, dernière communication avant le silence radio

Entré en service en 1964, le sous-marin La Minerve de la classe Daphné était considéré comme l'un des fleurons de la Marine française. Au début de l'année 1968, il réalise un exercice en mer Méditerranée. Après avoir effectué avec succès 9 jours d'entraînement, il dépose à Toulon, dans la nuit du 26 au 27 janvier, un membre de son équipage, le lieutenant de vaisseau Merlo, atteint d'une rage de dent puis repart au large pour un dernier jour en mer. La Minerve doit y effectuer un exercice de routine avec un avion de patrouille maritime Breguet Atlantic, le bâtiment est alors à 46 kilomètres des côtes.

Le contact est établi à 7h19. Dès le début, les conditions météorologiques difficiles poussent les militaires à annuler la mission initiale pour la remplacer par de simples calibrations Radar. Mais même revu à la baisse, l'exercice n'est pas évident, la forte houle et le vent soufflant à près de 110km/h compliquent les liaisons. A 7h55, le sous-marin de 670 tonnes demande à annuler la prochaine calibration prévue à 8h, le Breguet Atlantic accuse réception du message et quitte la zone. Jusque-là, rien d'anormal. Il s'agit en réalité du dernier message du sous-marin, derrière silence-radio.

Ce n'est que le soir, alors que le bâtiment est attendu à 21h au port de Toulon, que l'escadrille s'inquiète. L'officier de garde interroge les différents sémaphores du coin, chargés de la sûreté maritime et des navires en approche des côtes. Aucun d'eux n'a de nouvelles de la Minerve. L'alerte est finalement déclenchée dans la nuit, à 2h15 du matin. Le ministre des Armées de l'époque, Pierre Messmer, et le Président, le général de Gaulle, sont sortis du lit. Les sous-marins, avions et navires militaires autour de Toulon sont envoyés sur place pour démarrer au plus vite les recherches.

Une du journal Paris Jour le 29 janvier 1968
Une du journal Paris Jour le 29 janvier 1968 - hervefauve.wixsite.com

Au fur et à mesure des heures, il faut se rendre à l'évidence, le sous-marin a bel et bien coulé. Reste l'espoir de retrouver les marins vivants. Le navire dispose d'une centaine d'heures d'oxygène une fois sous l'eau. Des hélicoptères viennent en renfort, et même le porte-avions Clemenceau prête main forte. Son personnel est appelé dans les rues de Toulon avec des haut-parleurs

À ces secours dépêchés sur la zone supposée du naufrage, s'ajoute le mini sous-marin du commandant Cousteau. "Même si c’est dans un mois, il faut retrouver cette épave, il faut l’identifier, il faut savoir pourquoi elle a coulé, il le faut", répète le médiatique explorateur océanographique.

Les recherches ne dureront pas si longtemps. Elles sont abandonnées le 2 février, soit 5 jours après le naufrage, une fois qu'il n'existe plus aucune chance de retrouver un survivant. Malgré les efforts, les moyens techniques d'alors ne permettent pas de sonder des fonds marins très profonds or au large de Toulon, ils peuvent atteindre 2000 m.

Deux autres campagnes de recherche seront menées - en 1968 et en 1969 - , sans plus de succès, avant que la Marine ne classe l'affaire secret défense. La Grande Muette se mure dans le silence et laisse les 52 familles endeuillées dans l'ignorance.

Pourquoi un tel silence ? Sûrement parce que les enjeux militaires et économiques étaient à l'époque très importants. Les sous-marins de la classe Daphné incarnaient un fleuron de l'industrie française, la découverte d'avaries aurait pu conduire à l'annulation de ventes. 

Moins de 15 jours après le drame, le général de Gaulle lui même effectuera d'ailleurs une plongée à bord d'un sous-marin similaire, l'Eurydice, pour prouver que les "Daphné" sont des bâtiments sûrs. Ironie de l'histoire, ce sous-marin coulera lui aussi deux ans plus tard au large de Saint-Tropez, entraînant avec lui 57 marins. L'Eurydice sera lui retrouvé, mais sans survivant.

Je me souviens parfaitement de ce matin du dimanche 28 janvier
Hervé Fauve, fils du commandant du Minerve, André Fauve

La tragédie du Minerve a laissé 52 familles endeuillées. Parmi elles, 28 orphelins et 17 veuves. Hervé Fauve, le fils du commandant du vaisseau, avait 5 ans à l'époque, il n'a rien oublié. "Je me souviens parfaitement de ce matin du dimanche 28 janvier", rapportait-il sur son blog . "Ma mère ne s'inquiète pas, elle est habituée aux retours décalés de mon père pour des questions de service qu'il ne détaille jamais." Mais en milieu de matinée, deux officiers de la Marine sonnent chez eux et apportent la mauvaise nouvelle. "Ma mère s'effondre. Je me demande ce qui se passe et à mon tour, en larmes, elle m'explique ce qu'il en est."

Hervé Fauve n'aura de cesse de comprendre ce qu'il est arrivé à son père, malgré les ombres qui planaient sur cette disparition. Il a créé, il y a quelques années, un site Internet rapportant le résultat de ses différentes recherches.

Un nouvel espoir

Personne ne sait encore vraiment ce qui est arrivé. Collision avec un bateau ? Torpille ? Accident du tube d'aération ? Un sismographe a enregistré un bruit susceptible d'être celui de la destruction du sous-marin à 7 heures 59, soit seulement 4 minutes après sa dernière communication. Plus de 50 ans plus tard, l'enquête permettra peut-être enfin d'en connaître la raison. 


Claire CAMBIER

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