Pompier touché par un tir de LBD à la tempe : ce que nous disent les images

par Claire CAMBIER
Publié le 30 janvier 2020 à 6h55, mis à jour le 30 janvier 2020 à 11h44
Pompier touché par un tir de LBD à la tempe : ce que nous disent les images
Source : Capture d'écran -

A LA LOUPE - Alors que les pompiers manifestaient, mardi 28 janvier à Paris, de nombreuses vidéos postées sur les réseaux sociaux montrent un manifestant, juché sur un camion à eau, être touché à la tempe par un tir de LBD. LCI a analysé les images disponibles pour comprendre ce qu'il s'était passé.

Des milliers de pompiers ont manifesté, mardi 28 janvier à Paris, pour réclamer de meilleures conditions de travail et obtenir des garanties dans le cadre de la réforme des retraites. Tout au long de l'après-midi, le face-à-face entre les manifestants et les forces de l'ordre aura été tendu. 

En fin de journée, alors que la manifestation se terminait, place de la Nation, des internautes ont commencé à partager massivement des vidéos, montrant un pompier assis sur un camion à eau, recevoir ce qui semble être un tir de LBD. Le journaliste Brice Ivanovic, présent sur place, a capté cette scène et l'a rapidement postée sur Twitter. Sa vidéo a été vue près de 175.000 fois en 24 heures. On y voit un homme tomber à la renverse, inerte. Il met ensuite quelques secondes avant de relever le buste. 

Un tir de LBD touchant la tempe gauche du manifestant

Que s'est-il passé ? Sur son fil Twitter, la préfecture de police a pris le parti de communiquer, heure après heure, sur l'évolution de la situation, mettant en avant ce qu'elle décrivait comme les "exactions" commises par des pompiers (non-respect des tenues, sortie du tracé du parcours, violences...). Un mode de communication "en live" plutôt récent pour l'institution.

S'il ne fait pas mention de cet homme, le compte Twitter indique, vers 16 heures, que "des manifestants tentent d'enfoncer les barres-ponts positionnés cours de Vincennes pour les empêcher d'accéder au périphérique". Il s'agit là de grandes grilles de fer, positionnées aux abords de la place de la Nation. "Les forces de l'ordre utilisent le lanceur d'eau pour mette fin aux exactions", indique encore l'organe de communication de la PP.

C'est à ce moment des tensions que le pompier touché a réussi à grimper sur l'une de ces barrières et à s'asseoir sur un camion à eau positionné juste derrière, acclamé par ses camarades. Le début de ce geste est visible, presque en direct, sur la chaîne BFM TV et sur leur page Facebook. A 16h22, on observe des pompiers réaliser une chenille devant ces grilles. Le sol est déjà humide, signe que les canons à eau ont fonctionné pour disperser des manifestants. Un pompier, en tenue et portant un sac vert, se dirige nonchalamment vers une barrière, et parvient à se hisser sur le camion. Une fois assis, il lève les bras en signe de victoire, puis invite ses camarades à le rejoindre. L'un d'entre eux lui tend un fumigène et se positionne à sa droite, assis sur la barrière. Quelques secondes plus tard, l'homme sur le camion s'écroule. La même scène est ensuite montrée, cette fois en zoomant sur le pompier. On voit qu'il tombe à la renverse, assommé, puis peine à se relever et se secoue la tête. 

Sur la vidéo de Brice Ivanovic, on entend clairement un son juste avant, caractéristique d'un tir de LBD. Un projectile est d'ailleurs visible à droite de l'image. Il rebondit sur le pompier.

Nantes Révoltée a publié une vidéo montrant cette même scène sous un autre angle et a ralenti les images. On percoit bien le projectile, venant de la droite, atteindre la tempe gauche du manifestant.

Brice Ivanovic a, quant à lui, pris des captures d'écran de sa vidéo tout en zoomant dans l'image. On y voit clairement le projectile atteindre le visage du pompier (cf. clichés ci-dessous). "Du coup, c'est quoi le prétexte ?, commente-t-il. Que monter sur un canon à eau ça ne se fait pas ? Évidemment. Mais le véritable sujet n'est-il pas plutôt le tir à distance potentiellement létal dans la tempe d'un pompier non dangereux, et non réglementaire qui plus est ?"

Une interdiction de viser la tête

Un tel tir est en effet interdit. Le ministère de l'Intérieur a détaillé les consignes d'utilisation du LBD dans une note datée du 15 octobre 2014. On y apprend que "le tireur vise de façon privilégiée le torse ainsi que les membres supérieurs ou inférieurs. La tête n’est pas visée."

Par ailleurs, "après un tir, il convient de vérifier sans délai si la personne atteinte par un projectile et qui a été interpellée ne présente aucune lésion. Dans tous les cas, l’individu touché reste sous la surveillance constante des agents de la police ou de la gendarmerie nationales. Quelle que soit la zone corporelle atteinte, un examen médical doit être pratiqué dans les meilleurs délais et un certificat médical descriptif doit être délivré par le praticien."

Visiblement, ce ne sera ici pas le cas. Sur les images de BFMTV, on voit à 16h24 que le pompier redescend, avec l'aide de pompiers et de "street-medic", qui l'escortent ensuite à l'écart. On le voit enlever son bonnet, et se tenir la tête. Aucune plaie ouverte n'est visible.

Un usage de la force "nécessaire et proportionné", selon le préfet

"Dans tous les cas d’usage de l’arme, que celui-ci soit suivi ou non d’une interpellation, les circonstances l’ayant justifié, les différentes diligences éventuellement accomplies et l’ensemble des actes subséquents devront systématiquement faire l’objet d’un compte-rendu précis (procédure judiciaire, rapport administratif, message, etc.), précise encore la note du ministère. Le cadre légal et les modalités d’utilisation (nombre de tirs, distance estimée, etc.) seront notamment mentionnés."

Contactée par LCI, la préfecture de police n'avait pas, à l'heure de la publication de cet article, répondu à nos sollicitations. Nous n'avions donc aucune information concernant ce rapport. Le préfet s'est toutefois exprimé dans un communiqué. Évoquant la fin de la manifestation place de la Nation, il défend ses troupes : "Prises à partie sans discontinuer de façon très agressive, les unités ont fait usage de la force pour se dégager et contenir ces actions violentes, de manière strictement nécessaire et proportionnée". 

"Au vue des violences exercées par ces groupes virulents, il a été demandé aux organisateurs d’appeler à la dispersion de la manifestation de manière anticipée", ajoute-t-il. Une information communiquée sur Twitter la veille, à 16h31.

L'analyse des images ci-dessous nous a permis de visualiser l'arrière de la veste du pompier, sur laquelle la région d'origine est indiquée. Il appartient au SDIS 35, et est donc originaire d'Ille-et-Vilaine. L'article sera mis à jour dès que nous parviendrons à obtenir davantage de renseignements le concernant.

Sollicité par LCI, le parquet n'avait pas connaissance, à l'heure où nous écrivions, d'un éventuel dépôt de plainte. 

La préfecture de police "déplore 28 blessés dont 14 parmi les forces engagées (9 gendarmes et 5 policiers)", poursuit le communiqué du préfet. Parmi les victimes, un policier a été "sérieusement blessé" au niveau du pied par "des éclats d'engin pyrotechnique". Il a été opéré dans la nuit de mardi à mercredi. 

Vous souhaitez réagir à cet article, nous poser des questions ou nous soumettre une information qui ne vous paraît pas fiable ? N'hésitez pas à nous écrire à l'adresse alaloupe@tf1.fr


Claire CAMBIER

Sur le
même thème

Tout
TF1 Info