VIE POLITIQUE - Depuis le début de la crise sanitaire le rôle politique des maires, leur exposition médiatique et leurs ambitions, se sont accrus. Leurs compétences apparaissent même de plus en plus indispensables à quiconque voudrait briguer un mandat national.
Le maire devient-il le principal opposant au gouvernement ? Quelques jours avant Noël, l'édile LR de Reims Arnaud Robinet prenait la parole pour réclamer un nouveau confinement dans le Grand Est. La semaine dernière, son homologue de Nice Christian Estrosi demandait au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour limiter le tourisme lors des prochaines vacances. Et, depuis plusieurs semaines, la maire socialiste de Paris Anne Hidalgo ne cesse de fustiger la stratégie vaccinale du gouvernement. Voilà pour les exemples les plus récents. Ils se comptent par centaines depuis le début de la crise sanitaire au printemps dernier.
Indispensables pour appliquer les mesures gouvernementales, les élus locaux ne se retiennent plus pour critiquer les choix de l’exécutif et faire des propositions, forts de leur expérience du terrain. "L’État fait beaucoup de logistique depuis le début de la crise. C’était valable avec les masques, ça s’est accru avec les vaccins. Cet État logisticien a dû s’appuyer sur des relais locaux pour être efficace", analyse pour LCI la conseillère en communication Charlotte Euzen. "Ça se retourne en partie contre lui, puisque des voix fortes et dissonantes montent et se font entendre."
C’est d’ailleurs parce que "la crise du Covid a renforcé la perception de verticalité du pouvoir qui avait été instaurée à dessein par Emmanuel Macron lorsqu’il a été élu" qu’une de ses réponses a été de nommer Jean Castex, homme de dossiers et élu local, à la tête du gouvernement en juillet dernier, estime Charlotte Euzen. "Il y avait un déficit de reconnaissance de l’échelon national envers ces maires." Mais le pouvoir local n’a pas été renforcé pour autant, le chef de l’État s’est contenté d’envoyer un "signal très fort" à destination des maires, sans consolider leurs prérogatives, estime la directrice du cabinet Tilder.
Les maires appelés à jouer "de plus en plus un rôle de premier plan"
Aujourd’hui, ces derniers sont en train de prendre leur revanche. Arnaud Robinet, Gaël Perdriau (Saint-Etienne) et David Lisnard (Cannes) sont appelés à être de plus en plus influents au sein des Républicains. À gauche, la maire socialiste de Paris Anne Hidalgo fait de moins en moins secret de ses ambitions pour 2022. "Après la nomination de Jean Castex, si Anne Hidalgo est candidate en 2022, cela montre qu'aujourd'hui, l’influence des maires est très forte et devrait continuer à s’accroître. La crise va sans doute leur donner de plus en plus un rôle de premier plan. Et on aura de plus en plus de mal à faire accepter aux Français des décisions qui n’ont pas été coconstruites avec le pouvoir local."
Outre une influence sur le débat politique du moment, Charlotte Euzen y voit un avantage pour le prochain scrutin présidentiel : "En 2022, un maire arrivera avec un capital de confiance beaucoup plus important qu’il y a quelques années. Les compétences d’élu local seront un atout de maître. Cela faisait toujours plus ou moins partie du bagage des candidats, mais est-ce qu’on assiste à un retour du local, y compris dans les profils de ceux qui gouverneront à l’échelle nationale ? Je pense que oui".
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Les adversaires politiques d’Emmanuel Macron l’ont bien compris. Le 8 janvier dernier dans une interview au Figaro, pour expliquer l’échec de la campagne de vaccination mise en place par Emmanuel Macron, le président des Républicains Christian Jacob avançait l’argument suivant : "On a un président de la République qui n’a jamais été élu local et qui n’est entouré que de technos et de communicants mais pas d’élus de terrain. N’importe quel maire est capable d’identifier les habitants de sa commune et de les contacter. On voit bien ce à quoi nous mène un gouvernement d’’amateurs’. La politique, c’est un métier de professionnels." Charlotte Euzen ne dit pas autre chose. Si le Président "avait réussi à faire oublier qu'il n'avait jamais été élu au moment de sa campagne" en 2017, voire à en faire une force, "cela va devenir un vrai défi" en 2022 de se présenter sans cette compétence.