"Anticor est une association que nous finançons" : quand Nicole Belloubet confond subventions et agrément

par Claire CAMBIER
Publié le 18 septembre 2019 à 9h34, mis à jour le 18 septembre 2019 à 15h30

Source : TF1 Info

AMALGAME - Les propos de la ministre de la Justice, dimanche 15 septembre, ont été démentis par l'association anti-corruption, à l'origine de la plainte qui a conduit à la mise en examen de Richard Ferrand. Explications, comptes expertisés à l'appui.

Après un premier classement sans suite dans l'affaire des Mutuelles de Bretagne en 2017, le président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, a été mis en examen dans la nuit du mercredi au jeudi 12 septembre. Il y a deux ans comme aujourd'hui, la justice a décidé d'ouvrir une enquête après une plainte d'une association de la société civile : Anticor. Cette association anti-corruption se bat depuis des années pour "l'éthique en politique", comme l'indique son slogan. De l'affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris sous l'ère Chirac à celle des sondages de l'Elysée sous Nicolas Sarkozy, en passant par les "affaires" du pouvoir actuel.

Invitée sur le plateau du Grand Jury ce 15 septembre, la ministre de la Justice n'a pas échappé à une question sur le sujet. Nicole Belloubet commence par défendre Richard Ferrand - "présumé innocent" jusqu'à preuve du contraire. Interrogé sur la neutralité de l'association Anticor, composée en partie de magistrats, elle répond : "Anticor c’est une association que nous finançons."

Des propos qui ont fait bondir les responsables d'Anticor, très attachés à leur indépendance. "C'est évidemment faux", a réagi l'association sur Twitter, nous sommes financés par nos adhérents et nos donateurs."

"Nous sommes la seule association anti-corruption qui n'a pas de subventions publiques ou privées - qu'il s'agisse d'entreprises ou de fondations -", vante le président d'Anticor, Jean-Christophe Picard. "C'est un vrai sacrifice, mais cela est nécessaire pour avoir une totale indépendance". Pour le vérifier, il nous renvoie aux différents rapports financiers de l'association disponibles sur leur site internet. "On prône la transparence, alors on se l'applique à nous mêmes", explique-t-il mi-amusé.

Les comptes annuels, toujours vérifiés par un expert comptable - en 2018, le cabinet AXELUIM CONSEIL - détaillent en effet les différentes recettes et ne recensent aucune subvention publique. "Les produits de l'association s’élèvent à 216.255 euros", détaille pour 2018 le rapport financier. "Nos recettes proviennent principalement des cotisations de nos adhérents (90.374 euros en 2018, ndlr) et des dons" (112.402 euros), détaille le président d'Anticor. "Pour le reste, il s'agit des dommages et intérêts issus des procès".

19 septembreAlors qu'a voulu dire la garde des Sceaux ? S'agit-il de la déduction fiscale des dons, les fameux 66% déductibles de la feuille d'imposition ? Peu probable selon Anticor : "53% des Français (...) ne payent pas l'impôt sur le revenu" et ne peuvent donc en bénéficier rappelle-t-elle. "Quant aux 47% restants, ils ne bénéficieront d'une déduction fiscale que s'ils ont pris la peine de déclarer leur adhésion (et il est peu probable que tous pensent à le faire)."

C'est le cabinet de Nicole Belloubet qui met fin au débat, en reconnaissant "une petite erreur". La ministre "voulait faire référence à l'agrément de l'association qu'elle a renouvelé en 2018", une nécessité juridique pour se constituer partie civile. On retrouve cette agrément, qui doit être renouvelé tous les trois ans, sur le site de l'association. Sans ce document, donc, Anticor ne pourrait pas porter d'actions en justice. 

"Quand on écoute la suite de ses propos, on comprend bien qu'elle voulait expliquer soutenir ce genre d'associations indispensables à notre démocratie" et donc les agréer, peu importe qu'elles s'attaquent à la majorité ou non. Dans la suite de l'interview, Me Belloubet avance en effet : "Anticor (…), ça fait partie des associations qui font vivre notre démocratie", et d'évoquer "des lanceurs d'alerte". Pour autant, elle estime que l'association "doit respecter un certain nombre de règles d’éthiques claires", et notamment que les magistrats qui pourraient faire partie de l'association ne puissent pas être juges dans ces affaires. 

D'ailleurs, le 19 septembre, le magistrat Eric Alt, vice-président de l'association Anticor, est convoqué par l'Inspection générale de la Justice, qui devra déterminer si son comportement est "conforme aux règles déontologiques correspondant à sa fonction", a appris l'AFP auprès de la Chancellerie. Le magistrat doit être entendu pour ses déclarations ou son activité militante liées à deux dossiers judiciaires, l'affaire immobilière dans laquelle le président LREM de l'Assemblée nationale Richard Ferrand est mis en examen et au sujet d'une enquête sur des fraudes aux aides européennes en Corse.

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