Christophe Castaner, un monsieur loyal à l'Intérieur

par Antoine RONDEL
Publié le 16 octobre 2018 à 14h27
 Christophe Castaner, un monsieur loyal à l'Intérieur

ASCENSION - En nommant Christophe Castaner au ministère de l'Intéreur, Edouard Philippe et Emmanuel Macron perpétuent la récente tradition de voir arriver un fidèle, place Beauvau. Et dans l'exercice de la loyauté envers le président, Christophe Castaner a peu d'équivalents.

La continuité de l'Etat aura peut-être tangué au ministère de l'Intérieur, depuis le départ du précédent locataire, le 3 octobre. Mais une constante demeure : il faut être proche du président pour diriger Beauvau. Après Gérard Collomb, c'est, avec Christophe Castaner, un nouveau fidèle d'Emmanuel Macron qui devient le premier flic de France. Un "fan", qui admet sans fard la "dimension amoureuse" de sa relation au président. Un monsieur loyal, dont la nomination n'a pas fait l'unanimité, de Marine Le Pen qui en retient qu'"avec Emmanuel Macron, le pire est toujours sûr" à l'insoumis Alexis Corbière, qui s'inquiète que ce soit le chef de la République en marche qui arrive au ministère en charge du redécoupage des circonscriptions électorales.

Numéro 2 du précédent gouvernement, le poste dégringole au 11e rang sous "Philippe 3", mais qu'importe. Pour Christophe Castaner, et nombre d'élus et conseillers au sein de la République en marche en ont témoigné depuis deux semaines, cette nomination est un aboutissement personnel, qui aurait même pu intervenir plus tôt . "Il était envisagé dès le premier gouvernement", glisse une députée macroniste de premier plan à LCI. Sûr de son destin, il aurait même eu l'audace de mettre sa démission dans la balance pour obtenir le poste, révèle Chez Pol. L'information sera démentie, mais le résultat est le même.

Macroniste prématuré et invétéré

Voilà un homme au singulier destin prendre la tête d'un des ministères les plus importants de la République. Un homme qui, bien avant d'embrasser la politique, a frayé avec les cercles de jeu et les mauvaises fréquentations, avouant lui-même avoir marché sur "le fil du rasoir". Un homme qui, en décembre 2015, se comparait à Tom Cruise ou à Luke Skywalker pour tenter de contrecarrer sa future défaite aux régionales en Paca. En vain : troisième derrière Christian Estrosi et Marion Maréchal, il appliquera la consigne du Parti socialiste, en pleine déconfiture. Capable de se maintenir au second tour, il s'efface au profit de la droite pour faire battre le Front national. Ce que, plus tard, il analysera comme un acte macroniste - le fameux dépassement du clivage entre la droite et la gauche - avant l'heure. 

Macroniste, il le devient très tôt, lui qui a conçu, à en croire ses anciens amis politiques du Sud-Est, de la rancœur après cette défaite aux régionales. Ce rocardien de "formation" est vite séduit par le ministre de l'Economie, et il assiste le 12 juillet 2016 au premier meeting du futur chef de l'Etat, à la Mutualité. La candidature officialisée, quelques semaines plus tard, il devient un incontournable dans l'entourage du candidat sur toutes les chaînes d'information en continu. Débatteur doté d'un bon sens de la répartie, chauffeur de salle sans complexe - qui se souvient du surprenant "qui ne saute pas n'est pas... Macron" ? - Christophe Castaner ne s'économise pas et incarne un candidat qui, s'il reçoit nombre de soutiens, n'a pas la même épaisseur politique que ses concurrents.

L'Elysée et l'Assemblée nationale conquis, "Casta" est nommé aux Relations avec le Parlement et porte-parole du gouvernement. Un double poste qui ne va pas éteindre son omniprésence médiatique, ou sa défense pied à pied de l'action présidentielle se double de nouvelles responsabilités. Il doit assurer la bonne cohésion entre un groupe de plus de 300 députés La République en marche, majoritairement néophytes dans le landerneau politique, et le gouvernement. Signe que la tâche est plutôt bien accomplie, c'est souvent vers lui et Richard Ferrand que se tournent les attaques de l'opposition pour critiquer le fait que les élus marcheurs votent comme un seul homme.

Coureur de plateaux invétéré, il s'expose un peu plus au risque d'écarts : les lapsus sont nombreux, comme lorsqu'il rebaptisera la ministre du Travail Muriel "Pinocchio" ou évoquera les attentats du "Ramadan" (et non du Bataclan). Restera aussi sans doute son commentaire à connotation sexiste sur l'accoutrement de Rihanna, en visite à l'Elysée pour défendre un programme d'éducation global, et dont il avait regretté qu'elle soit "un peu trop ample" (il s'en excusera quelques temps après). Ou cette boulette au moment de l'affaire Benalla, quand il prêtera au collaborateur de l'Elysée une mission de bagagiste auprès de l'équipe de France.

Ces glissades répétées resteront sans conséquence pour le secrétaire d'Etat aux yeux du pouvoir, puisqu'il se verra même confier l'ardue mission de structurer La République en marche en parti aussi efficace que ses concurrents. Une double-casquette que lui reprocheront bien des critiques, à commencer par les siens, Barbara Pompili ironisant par exemple sur "les journées de 48 heures" de l'élu de Forcalquier. Mais une fois encore, la Macronie lui pardonne. Alors que les rumeurs de couloir l'envoyaient régulièrement à Beauvau, une interrogation revenait saisir régulièrement les députés de la majorité : "Sans lui, ce serait compliqué pour notre mouvement". 

Nunez, son sauf-conduit à l'Intérieur ?

Il faudra bien faire avec, car c'est en politique que Christophe Castaner prend possession des murs de Beauvau, et pas en spécialiste. Un profil qui avait ainsi poussé Edouard Philippe, dont il est proche, à suggérer d'autres noms pour succéder à Gérard Collomb : les sarkozystes Frédéric Péchenard et Jean Castex, par exemple. Un compromis sera trouvé avec l'arrivée de Laurent Nunez, ex-directeur général de la Sécurité intérieure, qui l'accompagnera comme secrétaire d'Etat à l'Intérieur.

De quoi rassurer les forces de police, qui auront peut-être entendu un peu trop parler de sa fameuse et peu flatteuse réputation de "kéké", que lui ont affublé ses anciens camarades socialistes. Sans rejeter le profil de Christophe Castaner, Yves Lefebvre, secrétaire général de FO-Police interrogé par LCI, retenait surtout le choix de Laurent Nunez, "porteur d'espoir pour les gardiens de la paix : il permettra à son ministre de découvrir nos attentes légitimes". 

Pour ses premiers pas de ministre, Christophe Castaner a fait dans le classique. "La sécurité est un sujet de préoccupation majeure pour le gouvernement", faisant valoir "l'engagement budgétaire" de l'exécutif en la faveur du "premier droit constitutionnel des Français". Première sortie prévue au commissariat des Lilas, ville de Seine-Saint-Denis où un adolescent de 12 ans est mort, des suites d'une bagarre avec d'autres adolescents. Un moment charnière pour "Casta", même si ses soutiens ne s'en font pas pour lui : "Son pragmatisme et son humanisme lui permettront de gérer ce genre de situations".


Antoine RONDEL

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