DROGUES - Dans un entretien au Figaro, le chef de l'État pointe les effets "désastreux" de la consommation de cannabis sur la santé et la délinquance. Une position qui a évolué au fil du temps, loin de ses déclarations de 2016, quand il constatait "une forme d'efficacité" de la légalisation.
Emmanuel Macron affiche désormais une tolérance zéro vis-à-vis de la consommation de cannabis. Dans un entretien au Figaro parut ce lundi 19 avril, le président de la République pointe du doigt les "effets délétères" de la consommation de drogue, et notamment du cannabis. "Ceux qui prennent de la drogue (...) doivent comprendre que non seulement, ils mettent leur santé en danger, mais qu'ils alimentent aussi le plus grand des trafics. On se roule un joint dans son salon et à la fin on alimente la plus importante des sources d'insécurité…"
Selon lui, "dire que le haschisch est innocent est plus qu’un mensonge". Et de s'expliquer : "Sur le plan cognitif, les effets sont désastreux. Combien de jeunes, parce qu’ils commencent à fumer au collège, sortent totalement du système scolaire et gâchent leurs chances ? Et je ne parle même pas des effets de glissements vers des drogues plus dures."
Le chef de l'État n'a pourtant pas toujours affiché une telle position. En septembre 2016, alors ministre de l'Économie, il déclarait sur France Inter : "Aujourd'hui, le cannabis pose un problème de sécurité, de lien avec la délinquance dans des quartiers difficiles, de financement de réseaux occultes, et donc on voit bien que la légalisation du cannabis a des intérêts de ce point de vue et a une forme d’efficacité. Le sujet est ouvert et doit être considéré. Quand on regarde l’incapacité qu’ont les magistrats de régler le problème d’un point de vue pénal, on voit que nous sommes dans un système très hypocrite." Avec cette nuance : "Je ne suis pas contre. Mais j’entends les préoccupations de santé publique qui sont émises."
En Marche milite pour la contraventionnalisation
Dans son livre Révolution, essai politique présentant sa vision pour la France, sorti alors qu'il est candidat à la présidentielle de 2017, Emmanuel Macron se prononce en faveur de la dépénalisation. "Il faut écouter les professionnels [qui expliquent qu’il] est vain de pénaliser systématiquement la consommation de cannabis", écrivait-il.
Mais en février 2017 dans une interview au Figaro, il infléchissait sa position et expliquait ne pas croire "à la dépénalisation des 'petites doses' ni aux peines symboliques. Cela ne règle rien". En Marche - devenu La République en Marche (LaREM) - se met donc à prôner la contraventionnalisation : les consommateurs seraient soumis à une contravention en cas de possession de cannabis, excluant les poursuites judiciaires.
Promesse de campagne d'Emmanuel Macron, l'amende forfaitaire pour usage de stupéfiants a été généralisée à l'ensemble du territoire en août 2020, après avoir été expérimentée dans quelques villes. Elle entend en finir avec la "dépénalisation de fait" du cannabis et apporter "une réponse pénale plus rapide et plus ferme et plus systématique".
"L'amende forfaitaire (...) va permettre aux forces de l'ordre et aux magistrats de se concentrer sur la lutte contre le trafic, plutôt que de consacrer leur temps à des procédures chronophages liées à la répression de la consommation de stupéfiants", s'était félicité dans un communiqué le député Eric Poulliat (LaREM), co-rapporteur de la mission d'information qui avait proposé la mesure en janvier 2018.
Une loi de 1970 prévoit théoriquement de punir l'usage illicite de stupéfiants jusqu'à un an de prison et 3750 euros d'amende, mais l'emprisonnement pour usage reste exceptionnel, les magistrats privilégiant des "mesures alternatives aux poursuites" comme des rappels à la loi.
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Mais depuis, à un an de la future présidentielle et alors qu'il devrait être candidat à sa succession, la sécurité est devenue l'une des priorités d'Emmanuel Macron, tout comme donner des gages à la droite. Et son ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, proche de Nicolas Sarkozy, affirmait en septembre dernier sur LCI : la drogue "c'est de la merde", "on ne va pas légaliser cette merde".