Quels sont les pouvoirs de la mission d'information parlementaire qui auditionne Edouard Philippe mercredi ?

Publié le 1 avril 2020 à 13h48

Source : La Matinale LCI

ASSEMBLEE NATIONALE - La mission d'information sur la gestion du Covid-19 est mise en place mercredi après-midi, avec l'audition prévue à 18 heures d'Edouard Philippe et du ministre de la Santé Olivier Véran. Quelles sont les attributions de cette mission ? Sur quoi peut-elle déboucher ? Eléments de réponse.

La situation est insolite : en pleine pandémie sur le territoire français, alors que l'exécutif est toujours à la manœuvre pour tenter de limiter l'impact du Covid-19 sur la population, il va d'ores et déjà devoir s'expliquer sur ses choix et ses éventuels manquements. Quand, en général, les missions parlementaires se penchent a posteriori sur les événements, celle qui est lancée mercredi après-midi interrogera les responsables politiques sur des événements en cours et des choix dont le résultat n'est pas encore connu. 

"Le gouvernement pense que, vu l'état de méfiance dans l'opinion, il faut saisir toutes les occasions d'explication pour dissiper les malentendus. Ce n'est pas le moment, mais la situation est comme cela", analysait ainsi Jean-Michel Apathie sur LCI. 

Le format retenu le 17 mars dernier par la Conférence des présidents de l'Assemblée nationale est celui d'une "mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-Covid-19". Elle représente l'ensemble des groupes politiques et des commissions permanentes et se réunira en principe une fois par semaine, le mercredi après-midi, par visioconférence retransmise en direct sur le portail vidéo de l'Assemblée nationale. Mercredi, seuls le président de l'Assemblée, Richard Ferrand, le Premier ministre Edouard Philippe et le ministre de la Santé Olivier Véran devraient être physiquement présents dans la salle. 

Mission "élargie"

L'objectif fixé par la mission est d'assurer "un suivi rapproché et dans le temps de l’épidémie et ses conséquences". Elle pourra "effectuer toutes recommandations qu’elle jugera utiles afin de tirer les enseignements de cette situation", précise l'Assemblée nationale. 

En principe, une mission d'information a moins de pouvoir qu'une commission d'enquête parlementaire. La mission d'information est, selon la définition apportée par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, nécessairement limitée dans le temps - une contrainte commune avec la commission d'enquête - mais également limitée à un simple "rôle d'information", ce qui la distingue d'une enquête. Selon le Palais Bourbon, elle mène des travaux relatifs à "des sujets sensibles ou des thèmes d'actualité intéressant tous les groupes politiques et toutes les commissions". Depuis 2009, la fonction de président ou celle de rapporteur d'une mission est confiée à un député de l'opposition, ce qui sera le cas pour la mission dédiée au Covid-19.

La mission peut mener des auditions.  Elle peut également se déplacer en France ou à l'étranger - ce qui ne devrait logiquement pas être le cas durant la période de confinement. Elle aboutit à la rédaction d'un rapport et peut se conclure par un débat sans vote, une proposition de loi, un projet de loi porté par le gouvernement, voire un décret. 

Dans le cas présent, le président Richard Ferrand a toutefois indiqué qu'elle pourrait avoir des compétences "élargies", afin de pouvoir procéder à des auditions "coercitives", ce qui la rapprocherait d'une commission d'enquête. En outre, il est précisé sur le site de l'Assemblée qu'elle est "à durée indéterminée". Si le calendrier de travail reste à préciser, son travail pourrait se décomposer en deux temps : d'abord une mission d'évaluation de la loi d'urgence sanitaire ainsi que de sa mise en application - au regard notamment des libertés individuelles -, puis une mission dédiée à la gestion de la crise sanitaire en tant que telle. A plus long terme, quand la crise sanitaire actuelle sera passée, la mission devrait contribuer à définir des procédures en vue d'éventuelles pandémies à venir. 

Vers une commission d'enquête ?

L'opposition a lancé des initiatives parallèles à cette mission d'information. Le groupe La France insoumise a mis en place, en lien avec les eurodéputé du mouvement, un comité de suivi du Covid-19. Les députés LFI le nomment "commission d'enquête de suivi", même si cette initiative ne peut correspondre à la définition légale d'une commission d'enquête. L'objectif est de "comprendre les dysfonctionnements qui ont amené à un tel niveau de crise", "étudier la gestion de la crise et ses répercussions à tous les niveaux" et "préparer l'après-crise". Des auditions y sont menées, auprès de scientifiques, spécialistes ou encore syndicalistes. 

En outre, le groupe Les Républicains a d'ores et déjà annoncé son souhait de transformer la mission actuelle en une véritable commission d'enquête parlementaire à l'automne 2020, consacrée au Covid-19. 

Une commission d'enquête parlementaire est à la fois plus lourde à mettre en place qu'une mission d'information, mais également dotée de prérogatives plus étendues. La proposition de création doit ainsi "définir précisément les faits, les services publics ou les entreprises nationales donnant lieu à l'enquête". En vertu de la séparation des pouvoirs, aucune enquête ne peut être menée sur des faits faisant l'objet d'une procédure judiciaire en cours. Les pouvoirs étendus de la commission d'enquête prévoit l'obligation pour les personnes de répondre à leur convocation, des auditions sous serment - un parjure est passible de poursuites pénales - et des pouvoirs de contrôle sur pièce et sur place pour les rapporteurs. 

Comme dans le cas de la mission, la commission d'enquête peut aboutir à une publication, donner lieu à un débat sans vote, à une proposition ou un projet de loi, les suites restant soumises à l'aval du gouvernement. 


Vincent MICHELON

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