Isolement forcé des cas positifs : la loi ne pourra pas tout permettre

Publié le 25 novembre 2020 à 19h10

Source : 24H PUJADAS, L'info en questions

DÉCRYPTAGE - Les députés vont se pencher sur la possibilité de contraindre les personnes positives à s'isoler, un débat souhaité par Emmanuel Macron mardi. S'il semble possible de durcir le dispositif, ce dernier pourrait se heurter aux libertés fondamentales, rappelées au printemps dernier par le Conseil constitutionnel.

Isoler, mais à quel prix ? Le Parlement va se pencher dans les prochaines semaines sur l'épineuse question d'un durcissement des mesures de quarantaine pour les personnes testées positives au Covid-19. Un débat souhaité par Emmanuel Macron mardi soir, afin d'aboutir à un dispositif qui permettrait de mieux contrôler l'épidémie et d'éviter un nouveau confinement. 

Une proposition de loi déposée mercredi par le groupe Agir Ensemble prévoit ainsi d'instaurer une obligation de s'isoler pour les personnes positives mais également pour les cas contacts, ainsi qu'une amende de 1500 euros en cas de non-respect de cette obligation. Des dispositions qui suscitent déjà des remous sur les bancs de l'Assemblée. Et pour cause.

"Privation de liberté"

Le texte qui ressortira des débats, probablement d'ici à la fin de l'année ou début 2021, devra passer entre les fourches du juge constitutionnel, garant des libertés publiques. Ce ne serait d'ailleurs pas une première. Au printemps dernier, le Conseil constitutionnel avait été amené à se pencher, dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, sur la quarantaine obligatoire. 

Dans une décision rendue le 11 mai 2020, il avait ainsi validé le principe de ce dispositif, mais en apportant d'importantes précisions. Les Sages avaient ainsi estimé que l'isolement complet d'une personne, impliquant l'interdiction de toute sortie, constituait une mesure "privative de liberté", au même titre que l'obligation pour une personne de demeurer à son domicile pendant une plage horaire supérieure à 12 heures par jour. En outre, se référant à l'article 66 de la Constitution, ils avaient rappelé que "la liberté individuelle, dont la protection est confiée à l'autorité judiciaire, ne saurait être entravée par une rigueur non nécessaire", et que les atteintes à cette liberté devaient être "adaptées, nécessaires et proportionnées aux objectifs poursuivis"

Des recours doivent être possibles

De ce fait, le Conseil constitutionnel avait estimé que la prolongation d'une quarantaine ou d'un isolement ne pouvait intervenir sans l'autorisation d'un juge judiciaire "dans le délai le plus court possible"

Les mesures de quarantaine instituées dans le Code de santé publique ont donc intégré expressément, pour les personnes concernées, la possibilité d'un recours "à tout moment" devant le juge des libertés et de la détention, qui statue dans un délai de 72 heures. En outre, la prolongation de la quarantaine au-delà de 14 jours nécessite un avis médical, et l'autorisation expresse du juge des libertés et de la détention. 

Précision importante : la loi du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire avait limité la mise en quarantaine et à l'isolement aux personnes ayant séjourné dans des zones de circulation de l'infection et entrant sur le territoire national, en Corse ou dans un territoire d'outre-mer, ce qui limitait considérablement sa portée. De fait, l'exécutif avait préféré faire appel à la responsabilité des Français plutôt qu'à la contrainte. 

La question de l'isolement forcé soulève un autre problème : celui du respect du secret médical, et donc de la vie privée, autre liberté fondamentale. Le sujet agite déjà les députés. "Je suis pour l'isolement si l'on arrive à garantir le secret médical, qui relève de l'Assurance maladie", prévenait ainsi, mercredi matin sur LCI, le patron des députés LaREM Christophe Castaner. Un postulat qui exclurait d'office, selon l'ancien ministre de l'Intérieur, un contrôle du respect des mesures d'isolement par les forces de l'ordre. 


Vincent MICHELON

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