Pass sanitaire, obligation vaccinale, réformes... Que peut-on attendre de l'allocution d'Emmanuel Macron lundi à 20h ?

Publié le 12 juillet 2021 à 9h00, mis à jour le 12 juillet 2021 à 9h16

Source : JT 20h WE

ALLOCUTION - Emmanuel Macron voulait s'exprimer devant les Français pour dresser les grandes lignes de la fin de son quinquennat. Mais la résurgence de l'épidémie le contraint à revenir sur le front sanitaire. Un double impératif qui se ressentira dans son allocution, ce lundi à 20 heures.

Comment concilier impératifs sanitaires et perspectives de long terme ? Ce dilemme qui poursuit Emmanuel Macron depuis maintenant seize mois devrait plus que jamais se ressentir dans l'allocution que le chef de l'État s'apprête à prononcer lundi, à 20 heures, depuis ses bureaux de l'Élysée. 

Le président de la République, qui planchait depuis de longues semaines sur les dernières étapes de son quinquennat, a dû se résoudre, une fois de plus, à revenir sur ce front sanitaire du Covid-19 qui ne lui a jamais laissé beaucoup d'espace depuis mars 2020. La montée en puissance du variant Delta et l'insuffisante couverture vaccinale de la population française force à nouveau l'exécutif à envisager des mesures restrictives, au moment même où ce dernier voulait scénariser la libération des Français à la faveur d'un été plus insouciant. 

Les Conseils de défense sanitaire, marque de fabrique de cette période, étaient appelés à s'espacer après avoir scandé, semaine après semaine, les étapes de cette crise. Ils reviennent en force, avec ce Conseil attendu lundi 12 juillet, en milieu de journée, qui devra trancher sur plusieurs mesures opérationnelles pour tenter de répondre à la menace Delta. Une réunion de l'exécutif qui s'annonce "dense, très dense", confiait dimanche une source gouvernementale à LCI. Rien n'indique, toutefois, que le chef de l'État se détournera de son objectif initial : dresser un panorama de la fin de son quinquennat, avec plusieurs choix à faire devant les Français dans cette dernière ligne droite avant l'élection présidentielle.

Des choix sanitaires immédiats

On ignore pour l'heure si, à l'issue du Conseil de défense prévu lundi, un membre du gouvernement - Jean Castex, Olivier Véran ou Gabriel Attal - se chargera d'annoncer les mesures retenues pour contrer le virus. Mais il semble d'ores et déjà difficile d'imaginer qu'Emmanuel Macron puisse faire l'impasse, le soir même, sur ces nouvelles restrictions qui auront nécessairement des conséquences pour les Français. 

Au moins trois chapitres doivent être tranchés lundi. Le premier concerne la vaccination de la population, jugée trop lente face au variant. Après une série de concertations organisées par Jean Castex et Emmanuel Macron avec les parlementaires, élus locaux et partenaires sociaux, le sommet de l'exécutif pourrait valider un projet de loi rendant obligatoire la vaccination des certaines professions particulièrement exposées, principalement les soignants. Un sujet polémique qui divise les responsables politiques et syndicaux, malgré l'aval donné par plusieurs instances scientifiques, dont le Conseil scientifique, l'Académie de médecine ou la Haute autorité de santé. "Le texte sera ensuite présenté en Conseil des ministres le 13 ou le 21", a indiqué une source gouvernementale à LCI. "Cela peut aller très vite ensuite avec promulgation immédiate et décret dans la nuit et mise en application tout de suite", a-t-elle ajouté. Selon nos informations, l'exécutif envisage de donner à cette obligation pour les soignants une base légale similaire à celle du vaccin contre l'hépatite B. Si l'obligation ne concerne pas l'ensemble de la population, l'occasion devrait être donnée au chef de l'État de remobiliser les Français sur cette nécessité de se faire vacciner durant l'été. Et pourquoi pas, d'aborder cette question de plus en plus prégnante d'une troisième dose, dès la rentrée, pour protéger les publics les plus vulnérables face au Delta. 

Le deuxième sujet à trancher dans l'immédiat est celui des frontières. La France avait durci ses conditions d'entrée sur le territoire au début de l'année, en concertation avec l'Union européenne, et le calendrier mis en place avec nos voisins prévoyait une réouverture progressive, moyennant le recours au pass sanitaire (vaccin ou test PCR négatif), à l'occasion des vacances d'été. L'évolution rapide du variant Delta a déjà conduit des pays à virer de bord, comme Malte, qui va interdire purement et simplement l'accès de son territoire aux voyageurs non-vaccinés, quand d'autres, comme l'Espagne, tendent à assouplir les conditions d'entrée. Après le message d'alerte adressé cette semaine par Clément Beaune, appelant les Français qui n'ont pas encore réservé à éviter l'Espagne ou le Portugal, le scénario d'un durcissement des conditions d'entrée sur le territoire national devra être arbitré. 

Le troisième sujet, très sensible également, concerne une possible extension de l'usage du pass sanitaire, pour l'instant limité aux grands rassemblements publics, par exemple avec une diminution de la jauge retenue pour l'imposer. La question est loin d'être anodine, puisque le chef de l'État avait assuré au printemps que le pass "ne saurait être obligatoire pour accéder aux lieux de la vie de tous les jours comme les restaurants, théâtres et cinémas, ou pour aller chez des amis". Fin mai, le Conseil constitutionnel avait en outre validé le système, contesté par l'opposition de gauche, en retenant précisément que le législateur réservait son application "aux grands rassemblements de personnes". Une extension d'usage posera donc nécessairement des questions d'ordre juridique, tenant aux libertés fondamentales, avec leur lot de recours possibles. Reste à connaître le champ d'application : les restaurants, ou bien les salles de spectacles, cinémas et salles de sports, où le pass sanitaire serait, aux yeux de l'exécutif, plus simple à mettre en œuvre. Et pourrait inciter, du même coup, la population à se faire vacciner. 

Des perspectives de long terme

Malgré ces impératifs, on imagine mal Emmanuel Macron se priver d'un rendez-vous qu'il préparait depuis fin avril - son interview à la presse régionale qui avait marqué le décloisonnement du pays -, à l'occasion duquel il devait annoncer aux Français les perspectives de la fin de son quinquennat.

Pour les neuf mois qui lui restent avant l'élection présidentielle, dont une bonne partie sera percutée par la campagne électorale, le chef de l'État, qui n'a toujours pas annoncé son éventuelle candidature, a promis de réformer le pays "jusqu'au dernier jour". Après une série de déplacements courant juin, et malgré l'échec de sa majorité aux élections régionales, il devait trancher sur ces chantiers qui marqueront cette dernière ligne droite. 

L'une des principales questions concerne les retraites. Cette réforme emblématique du quinquennat, gelée depuis le début de la pandémie, Emmanuel Macron souhaitait la mener à son terme, au besoin au prix d'une version expurgée qui se cantonnerait à un report de l'âge légal de départ de 62 à 64 ans. La majorité, profondément divisée sur l'opportunité d'une telle mesure, pourrait avoir à la voter dès l'automne. À moins que le président de la République ne décide de renvoyer cette décision, rejetée par tous les syndicats et par 7 Français sur 10, selon un sondage récent, à un prochain mandat. Ce choix porterait un coup à l'image du "président réformateur" qu'il entend incarner. 

D'autres sujets, pas moins sensibles, sont à trancher, comme la très impopulaire réforme de l'assurance chômage, récemment suspendue par le Conseil d'État au motif d'une conjoncture économique particulièrement fragile. 

Emmanuel Macron a toutefois l'occasion d'aller également sur des terrains beaucoup moins glissants, où son action semble mieux soutenue par l'opinion. Au premier rang de ces chantiers figure la poursuite de la relance économique du pays, dont il doit fixer les grandes étapes - à condition, bien sûr, que l'épidémie ne vienne rebattre à nouveau les cartes. Le chef de l'État doit aussi trancher sur les grands investissements d'avenir et la "simplification" administrative qu'il appelle de ses vœux, attendue de pied ferme par les élus locaux. Côté investissements, il a d'ores et déjà annoncé, fin juin, un plan de 7 milliards d'euros pour la recherche et l'innovation dans le domaine de la santé. 

Toute la question est de savoir quel équilibre le président de la République donnera à ces thèmes lors de son allocution : réserver la dimension sanitaire à ses ministres ou au contraire revenir en longueur sur cette crise qui n'en finit pas, quitte à réduire les ambitions réformatrices à la portion congrue ? C'est le fragile équilibre de cette fin de quinquennat qui pourrait se résumer dans ces quelques minutes d'allocution présidentielle.   


Vincent MICHELON

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